Pourquoi l’économie n’est pas un enjeu électoral en Israël
Les campagnes électorales en Israël se suivent et se ressemblent ; le débat public donne la priorité aux questions sécuritaires, reléguant les problèmes économiques à l’arrière-plan.
L’électeur aussi ne change pas ; il persiste à voter selon ses préoccupations sécuritaires, même lorsqu’il a du mal à boucler les fins de mois.
Le paradoxe n’est pas nouveau : l’économie n’a jamais été un enjeu électoral en Israël. Pourtant, ce ne sont pas les problèmes économiques qui manquent aujourd’hui : cherté de la vie, pénurie de logements, crise énergétique, inégalités criantes, insécurité alimentaire, etc.
Seulement voilà : l’agenda socio-économique est très vite rattrapé par les dossiers politico-sécuritaires qui, aussi importants soient-ils, finissent par faire la différence dans les urnes.
La question reste bien d’actualité : pourquoi en Israël de 2022, l’économie n’est pas un enjeu électoral décisif ?
Parce que les pauvres votent à droite
Depuis plusieurs décennies, les Israéliens les plus pauvres votent pour les partis de la droite alors que les riches votent massivement à gauche. C’est qu’en Israël, le choix du parti politique est d’abord culturel et identitaire ; la droite bénéficie d’une majorité juive orientale composée des Israéliens des couches défavorisées, plutôt religieux et traditionnalistes, alors que la gauche attire les électeurs d’origine ashkénaze, laïcs et aisés.
Même en période de crise économique, la gauche ne réussit à convaincre les électeurs israéliens de la nécessité d’un changement de politique économique ; la droite, en revanche, est plus convaincante en mettant l’accent sur les enjeux sécuritaires et existentiels.
Parce que le libéralisme devient social
Historiquement, le libéralisme est l’apanage des politiques de droite alors que le socialisme est une tendance politique marquée à gauche. Or l’ultralibéralisme à l’israélienne a brouillé les cartes : il devient un « libéralisme social » qui promet aux couches les plus défavorisées d’améliorer leur sort tout en évitant un retour au socialisme égalitaire considéré comme dépassé.
Ce discours de droite, qui s’adresse aux classes populaires, porte un nom : le populisme. Des partis de droite, comme Likoud ou Shass, sont devenus des formations populistes qui arrivent à convaincre de nombreux électeurs, notamment parmi les plus pauvres, de leurs accorder leurs voix.
Parce le sécuritaire finit par rattraper le social
Les campagnes électorales en Israël sont toujours scandées au rythme d’évènements sécuritaires. C’est ainsi que ces dernières semaines ont été marquées par des manifestations violentes à Jérusalem-Est, un regain de tension dans les territoires palestiniens et des attentats sanglants.
Plus récemment, la controverse autour de l’accord maritime que le gouvernement israélien a signé avec le Liban a encore fait basculer les agendas des partis politiques ; les enjeux sécuritaires ont repris le dessus sur les difficultés sociales.
Parce que le dossier palestinien reste irrésolu
Le conflit israélo-palestinien reste le principal défi géopolitique et sécuritaire de l’Etat d’Israël. Les derniers gouvernements israéliens ont bien essayé de reléguer le conflit aux oubliettes de l’Histoire, mais en vain ; il revient comme un boomerang, sous forme d’attentats, tirs de roquettes depuis Gaza, etc.
La persistance du conflit régional (amplifié par la menace iranienne) est brandie régulièrement par la droite israélienne comme une menace existentielle qui finit par faire oublier la cherté de la vie.
Parce que la démocratie vacille
Si les problèmes économiques et sociaux sont importants en Israël, les menaces qui pèsent sur la démocratie israélienne devraient avoir une influence déterminante sur le choix des Israéliens ce 1er novembre.
Alors que le procès d’un ex-Premier ministre accusé de corruption et abus de confiance se poursuit à Jérusalem, les appels à des réformes du système judiciaire et à l’affaiblissement des contre-pouvoirs fragilisent une démocratie déjà malmenée.
Pour beaucoup d’Israéliens, le renforcement de la démocratie sera un enjeu décisif pour leur décision de vote, bien avant leurs préoccupations économiques quotidiennes.
Et puisque l’économie n’est pas un enjeu électoral, rien n’empêche les partis politiques de faire des promesses populistes pour améliorer le pouvoir d’achat des Israéliens, promesses pour la plupart irréalisables sans augmenter la dépense publique.
On peut le voir, les (bonnes) raisons ne manquent pas de reléguer l’économie à la dernière des priorités électorales ; la cherté de la vie attendra.