Pourquoi le chômage en Israël reste bas en temps de guerre
Alors que la guerre se prolonge depuis plus d’un an, l’économie israélienne s’enfonce dans la récession mais le chômage reste bas, voire recule.
En septembre dernier, le taux de chômage en Israël s’élevait à 2,9% de la population active, un taux particulièrement bas pour un pays en guerre et pour une économie en récession. De mémoire d’économiste, c’est du jamais vu : l’activité du pays tourne au ralenti mais le chômage recule !
Les manuels d’économie enseignent que le recul de l’activité se traduit par la montée du chômage ; visiblement, l’économie d’Israël de 2024 ne se comporte pas comme les modèles économiques veulent l’expliquer.
Pénurie de chômeurs
Les chiffres officiels que publie l’Institut de la Statistique à Jérusalem sont sans appel : après un an de guerre (premier semestre 2024 comparé au premier semestre 2023) le niveau de l’activité mesuré par le produit intérieur brut (PIB) a baissé de 1,4%, ce qui signifie que l’économie est entrée en récession. Or sur la même période, le taux de chômage n’a pas augmenté et il a même baissé.
Sur le marché de l’emploi, le taux de chômage était déjà faible à la veille de la guerre : 3,4% de chômeurs en septembre 2023. Après un an de conflit, le taux de chômage était encore plus bas ; il a reculé progressivement, pour tomber en dessous des 3%.
Les chiffres officiels du chômage ne sont pas erronés : ils correspondent à la définition internationale du chômage qui comptabilise les personnes qui sont sans emploi et qui sont activement à la recherche d’un emploi.
La guerre qui se prolonge depuis plus d’un an en Israël a créé une nouvelle catégorie d’individus sans emploi mais qui, pour autant, ne sont pas comptabilisés dans le chômage car ils ne sont pas à la recherche d’un emploi. Il s’agit des réservistes mobilisés par Tsahal, des familles déplacées de leur domicile, des victimes de guerre, des salariés en congé sans solde, des parents d’enfants déscolarisés, etc…
Au plus fort de la guerre, près de 800.000 Israéliens sont sortis du marché du travail, soit 20% de la population active du pays ; un absentéisme qui a contribué à réduire le taux officiel du chômage.
Pénurie de main-d’œuvre
Ne nous réjouissons pas trop vite : la baisse du chômage n’est pas forcément une bonne nouvelle. Dans le contexte actuel de l’économie israélienne, on pourrait même dire que le plein emploi est une mauvaise nouvelle.
En période de guerre, le marché de l’emploi en Israël connaît un phénomène plus grave que le chômage : la pénurie de main-d’œuvre.
Si beaucoup d’Israéliens ne sont plus en mesure de travailler, la guerre a aussi provoqué le départ massif des travailleurs étrangers. En 2022, soit avant la guerre, l’économie israélienne employait 250.000 étrangers : 120.000 ouvriers palestiniens et 130.000 étrangers de pays lointains (Thaïlande, Philippines, Inde, Chine, etc…). À ces étrangers en situation régulière, il faut ajouter de nombreux clandestins indispensables au fonctionnement de certains secteurs.
Ces travailleurs étrangers représentaient environ 6% de la population active du pays, soit une force de travail importante. Leur absence est fortement ressentie dans certaines activités qui sont dépendantes de cette main-d’œuvre travailleuse et bon marché, comme le BTP et l’agriculture.
En cette fin 2024, la pénurie de personnel pèse lourdement sur l’économie israélienne ; la reprise de l’après-guerre sera d’autant plus lente que la main-d’œuvre sera manquante.