Plus jamais ça. Vraiment

Un an et demi depuis le sinistre 7 octobre 2023.
Un an et demi de guerre sur plusieurs fronts.
18 mois que le monde s’est effondré. Que nous avons été attaqués de la façon la plus barbare sur notre territoire, que femmes, enfants, survivants de la Shoah, hommes, jeunes, vieux, soldats non armés, ont été lâchement assassinés, violés, torturés, brûlés, kidnappés.
Le monde s’en est ému pendant deux semaines, puis l’usage des conjonctions « oui, mais, enfin, quand même » s’est répandu comme un feu de forêt, brisant les digues de la décence et du « vivre ensemble », engloutissant dans son sillon les Juifs dans une marée d’antisémitisme inédite.
Et puis les condamnations ; les accusations de ceux qui hier encore étaient nos alliés ; les embargos des nouveaux experts en droit international ; les médias devenus des porte-voix du « Ministère de la Santé » de Gaza, alias le Hamas ; les campus universitaires faisant passer les tribunaux de l’Inquisition pour des hippies.
Et puis nous, ici, entre nos allers retours dans les abris, avec la question sempiternelle à chaque fois : « ça vient d’où ? Hamas ? Hezbollah ? Houthis ? Iran ? ». Comme si l’origine du tir de missiles était une information capitale, pour nous permettre d’être en contrôle.
Car ce qui s’est effondré le 7 octobre, et qu’il est capital de comprendre pour tous ceux qui veulent saisir la société israélienne, c’est l’illusion de sécurité.
Je n’oublierai jamais les premières images sur les réseaux sociaux ce samedi noir. Lorsque nous ne savions pas encore vraiment ce qui nous était tombé sur la tête. Voir ces terroristes surarmés entrer dans nos bases, nos kibboutz, défoncer la barrière soi-disant infranchissable avec Israël, tirer sur tout ce qui bouge dans les rues de Sderot, de Ofakim.
Ces images sont gravées dans la mémoire collective pour toujours.
Et ce sentiment de vulnérabilité ne fait que se perpétuer chaque jour, alors que nous égrenons les jours de captivité des otages maintenus dans des conditions inhumaines et déshumanisantes.
L’État d’Israël s’est construit sur un double traumatisme. Celui de la Shoah, le génocide de 6 millions de Juifs, la disparition de communautés entières, et puis l’exil de près d’un million de Juifs des pays arabes, chassés, expulsés ou menacés, et la disparition consécutive également de communautés entières, d’histoire en commun.
Le projet sioniste est une partie intégrale de l’identité juive, indépendamment de toute pratique religieuse, et a permis de maintenir l’espoir de jours meilleurs, de futur plus radieux. Et si des communautés et des familles n’ont jamais quitté la terre d’Israël, que des centres importants de pensée juive ont été créés et maintenus, c’est justement parce que cet espoir de revenir souverains sur notre terre ancestrale a permis aux Juifs de ne pas disparaître.
Aujourd’hui, l’existence du seul État Juif est remis en question à la fréquence d’un tweet. Et de nouveaux codes ont été mis à jour, comme l’injonction faite à Israël de « se défendre dans les limites du droit international ». Traduisez : droit d’exister mais pas le droit de gagner.
Aucun pays dans l’histoire de l’humanité n’a reçu de telles injonctions, aucun autre pays n’a été autant limité dans sa capacité à se défendre. Ce n’est pas nouveau certes, mais ce qui est inédit c’est que cette fois c’est global, et que les Juifs aux 4 coins du monde sont attaqués, boycottés, stigmatisés, exclus.
Ce qui ne fait qu’amplifier le sentiment de vulnérabilité.
Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve.
Je prie pour le retour des otages sans lequel ce pays ne peut se reconstruire.
Je ne sais pas quelle stratégie mon gouvernement emploie pour permettre aux citoyens de ce pays de vivre en sécurité sans que nous ayons à nous ruer dans les abris tous les 4 matins.
Je ne sais pas ce que sera demain.
Je sais une chose cependant. À la veille de Yom Hashoah, le jour commémorant le massacre de Juifs lors de la Shoah, je suis reconnaissante de vivre en Israël. Malgré ce sentiment de vulnérabilité, malgré toutes les divisions internes sur la conduite de la guerre et du retour des otages, une chose fait consensus : nous ne quitterons pas cette terre. Plus que jamais nous savons que les déclarations creuses #PlusJamais #NeverAgain ne sont que des slogans sans signification concrète. Que nous devons conserver notre souveraineté car aujourd’hui comme hier, personne ne nous défendra. Que la vraie émancipation c’est la liberté de choisir son destin, pas d’être toléré, accepté.
Un jour peut être le monde nous verra comme un peuple égal.
D’ici là nous devons avancer, panser nos plaies, construire un futur avec une stratégie à long terme, trouver une solution pour que nos voisins se résignent à notre existence, ne pas transiger avec ceux qui remettent en question notre existence, accepter nos différences à l’interne, s’assurer que nos dirigeants prennent l’intérêt des citoyens à cœur et au centre de leurs décisions.
Le judaïsme est dans la nuance mais dans un monde polarisé, cette nuance doit être revendiquée, défendue et renforcée. Non plus comme une faiblesse. Comme une nuance radicale. Une fierté. Sans demander pardon pour être ce que nous sommes.
J’ai confiance dans la société israélienne qui, telle une thérapie, a engagé un processus de discussion, de prise en charge, loin des discours politiques, pour réfléchir à un meilleur futur pour les années à venir.
Pour que plus jamais nous ne nous sentions vulnérables.