Petite chronique de la fin d’un monde

Je ne me remets pas de ce pogrom et c’est d’un œil distrait que je suis les fils de conversation qui prétendent m’expliquer ma mort.

Je lis de ci de là par exemple que le combat n’est pas égal et à chaque fois je sursaute (pas complètement morte).
De quel combat ils parlent ??

Et puis qu’est-ce qu’ils veulent dire exactement par pas égal ? Comme dans un match de basket à l’école quand il faut équilibrer les équipes ? Ou alors ils parlent du score comme si on était tous des ballons à tanquer dans des paniers hors d’atteinte ? L’argument est stupide et indécent, dans la forme et dans le fond, je trouve.

En y réfléchissant de plus près (ça me fait du bien de réfléchir à des trucs débiles), j’ai compris que les géopolitologues du net (à l’insu de leur plein gré) ont mille fois raison. C’est vrai que rien n’est égal dans cette histoire.

Prenons une carte du monde, comparons les territoires. Je suis un tout petit point sur la carte, si petit qu’on n’a même pas assez de place pour y écrire les 6 lettres de mon nom. La nation arabe unanimement engagée dispose de plus d’espace. Pas égal, les territoires.

Bon. Considérons les forces en présence. La nation arabe compte 400 millions de personnes et la situation actuelle tendrait à démontrer que le Hamas ne verrait aucun inconvénient à mobiliser les 2 milliards de musulmans qui s’agitent sur la planète. Nous j’ose même pas dire combien on est. Pas égal les forces.

Pas très égal non plus le budget. Avec le Qatar pour sponsor officiel gazaoui, a priori, on n’a pas fini de se manger des roquettes.

Tiens, les subventions. Ni justes ni proportionnelles les subventions. Sait-on pourquoi les civils gazaouis sont venus de si bon cœur participer au massacre du 7 octobre ? C’est parce que le Hamas (avec les fonds quasi illimités de ses sponsors) a promis 10 000 dollars et une maison à qui ramenait un otage.
Il y a aussi une liste de récompenses odieuses selon les exactions commises. Un démembrement tant, une décapitation tant, un viol tant. Je refuse de chercher, qui veut savoir trouvera, pas sur les sites de propagande qui fleurissent partout, évidemment, mais sur le site du Hamas, par exemple, qui me semble le site le plus fiable en la circonstance. Tant qu’à faire.

En attendant, sur le sol israélien, alors que nous n’avons pas fini d’identifier nos morts, nous continuons de recevoir des missiles sur le coin de la figure, lancés par des gens qui veulent nous tuer encore (combien de fois ?) alors qu’ils ne nous connaissent même pas. Je ne suis propriétaire de rien pourtant, pas même d’une voiture et je suis locataire d’un des arabes richissimes de la ville de Yafo. Pas égal mon compte en banque, mais ça, je ne crois pas que ça compte.

En réalité, égal, pas égal, ça m’est égal.
Faut chercher ailleurs le moyen d’en sortir. Pour réentrer dans la vie, va falloir ouvrir d’autres portes.

Pendant qu’on se recentre ici pour réinventer la vie, ne serait-il pas temps pour ces autres qui commentent de regarder avec leurs yeux, je sais pas moi, observer que le festival de musique de la paix avait lieu au milieu d’un désertique désert, peut peut-être permettre de revoir la notion accusatrice et absconse de vol de territoire. Qui est-ce qui vole le désert ? Pour y organiser des festivals de musique en plus ? Ça n’interroge personne ?

Il serait peut être temps aussi pour ceux-là d’écouter avec leurs oreilles, va savoir, entendre notre sincère inquiétude d’Israéliens pour la population gazaouie, nous qui n’avons attendu personne pour essayer d’aider et qui proposons un plan d’évacuation après l’autre, tous refusés à ce jour, recadrerait peut être les jugements expéditifs auxquels nous sommes soumis. Peut être.

Il serait même temps, pourquoi pas, que ces pacifistes en bois apprennent à lire avec leur cœur, parce qu’au final, le seul peuple qui joue sa vie, c’est nous. Parce que nous n’avons pas d’autre pays et que l’enthousiasme de la détestation que nous inspirons au monde, nous les Juifs, (oui, même les malheureux qui sont allergiques au pois chiche et n’ont jamais mis un pied en Israël), cet enthousiasme-là est tout aussi paniquant et ridicule que disproportionné.
Pour le coup.

à propos de l'auteur
Elle a fait de la radio, de la presse écrite, beaucoup de dessins et des chroniques d’audience en France. Depuis 10 ans en Israël, elle enseigne et a même fini par ouvrir une galerie d’art (ce pays rend fou). Plus concrètement, elle est surtout la mère dépassée de trois merveilles de gosses et réussit très bien le clafoutis, le crumble et le tiramisu.
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