Passage en force

L’Histoire retiendra peut-être la date du 20 février 2023 comme celle d’un coup d’Etat parlementaire : le jour où les députés ont adopté en première lecture une réforme de la procédure de nomination des juges qui seront désormais choisis par une commission où le gouvernement disposera de 5 voix sur 9 pour sélectionner les magistrats du moindre tribunal et décider de leur avancement.
Bien entendu, cette influence sera décuplée au niveau de la Cour suprême : les juges chargés d’interpréter la loi et de la censurer si nécessaire seront désormais choisis en fonction de leur orientation politique et non de leur compétence.
Comme en Pologne ou en Hongrie, cette mise au pas du système judiciaire aboutit à concentrer entre les mains du seul exécutif tous les pouvoirs, alors que l’on considère – depuis Montesquieu – leur séparation comme le fondement de la démocratie.
Le président Itzhak Herzog avait proposé de suspendre les travaux parlementaires pour aboutir à un projet consensuel. En vain. Pourquoi ce passage en force ? Le deuxième texte soumis aux députés donne la clé du mystère.
En interdisant à la Cour suprême de censurer des lois fondamentales, le gouvernement et sa majorité bien docile n’innovent en rien : les juges constitutionnels ont toujours refusé de toucher à ces textes qu’ils situent au-dessus des lois ordinaires.
Mais la majorité des députés vient d’adopter une modification de la loi fondamentale sur le gouvernement qui permettrait à Arié Déry de retrouver ses ministères.
En clair, Binyamin Netanyahou a donné à son meilleur allié une garantie supplémentaire pour qu’il puisse siéger au gouvernement en dépit de ses multiples condamnations. Le leader de Shass a imposé sa loi si l’on ose dire.
A l’heure où ces lignes sont écrites, on ignore si le passage en force de ces textes aboutira malgré les dizaines de rassemblements qui dans tout le pays réunissent des centaines de milliers d’opposants à une réforme qui n’avait rien d’urgent.
Mais pour l’instant, le Premier ministre, Binyamin Netanyahou, le ministre de la Justice, Yariv Levin, et le président de la commission des lois à la Knesset, Simha Rotman, font la sourde oreille.
Au risque d’être frappés d’une surdité bien réelle face à la colère qui gronde, y compris, soulignons-le, chez des électeurs de Binyamin Netanyahou mécontents d’un gouvernement qui, plutôt que d’assurer l’immunité des siens, devrait mobiliser toute son énergie pour lutter contre la vie chère, la crise du logement et veiller à rétablir la confiance dans une économie qui commence à battre de l’aile.