Paroles rares… Très rares, trop rares

SEMMO n°18 – Savoir Écouter les Maux du Moyen Orient
Gilad Erdan, ancien ambassadeur d’Israël à l’ONU publiait le 20 février 2025 un message sur X, lourd de sens :
Même en Allemagne nazie, des Allemands ont sauvé des Juifs.
Pas un seul Gazaoui n’a sauvé un seul otage.
De nombreux Gazaouis « innocents » ont participé aux kidnapping et aux assassinats, et nombre d’entre eux sont sortis aujourd’hui […] pour célébrer le retour de bébés Juifs dans des cercueils.
Alors, oui, il n’y a pas de Juste gazaoui ; mais il y a quand même ces quatre infos, classées par ordre de mérite croissant.
Info n°1 : une remise en cause de la position arabe : trop peu, trop tard… Mais, peut-être un début ?
Abd Al-Mun’im Sa’id est membre du Sénat égyptien. Il est aussi un ancien journaliste. Dans un éditorial publié le 12 février 2025 par le quotidien saoudien basé à Londres Al-Sharq Al-Awsat, il a présenté une vision qui remet en cause, quoique timidement étant donné les circonstances, l’approche arabe de la présence juive au Moyen-Orient :
Il est probable que le monde arabe dans son ensemble se trouve actuellement coincé de la même manière qu’il l’était lors de la Naksa[1] en 1967.
Les « Trois NON » [2] émis au Sommet de la ligue arabe à Khartoum [en août 1967], NON à la reconnaissance [d’Israël], NON à la négociation [avec Israël] et NON à la paix [avec Israël], n’étaient pas l’expression d’un extrémisme momentané ni une colère par suite de la défaite honteuse. Il s’agissait d’une décision ferme de mettre fin à la Naksa.
Puis, sont venues la Guerre d’usure [entre Israël et les Arabes en 1969][3], la Guerre d’octobre [la Guerre de Kippour d’octobre 1973]. Quand la guerre de libération du Koweït nous est tombée dessus [la guerre du Golfe de 1990/91], elle fut utilisée pour l’étendre à une victoire de la Palestine en organisant la conférence de la paix de Madrid, ce qui mena aux Accords d’Oslo, accords qui octroyèrent aux Palestiniens, pour la première fois dans l’histoire, un Gouvernement palestinien sur la terre de Palestine.
Nous faisons face maintenant à un nouveau moment, difficile, épuisant, qui a commencé le 7 octobre 2023, qui n’est pas encore terminé, et qui a provoqué une nouvelle blessure rappelant celle de la Nakba de 1948[4]. [Il s’agit] non seulement de la défaite infligée par Israël, mais aussi de la décision américaine concernant l’émigration des Palestiniens [de Gaza].
[…] Au cours du premier échange de prisonniers [sic] qui a suivi le cessez-le-feu temporaire, de l’huile a été ajoutée sur le feu : le Hamas [dont les membres] apparaissaient en équipement militaire complet, ont déclaré qu’ils resteraient [à Gaza] et que le 7 octobre n’était que le début, pas la fin […].
[…] À ce croisement sensible, il est crucial de faire preuve d’un peu de sagesse. Malheureusement, la solidarité internationale qui s’oppose à l’émigration des Palestiniens n’est pas suffisante pour s’opposer au tremblement de terre lancé par Trump. La sagesse arabe exige qu’une position soit prise par les pays qui trouvent un intérêt à préserver le progrès et la croissance économique de la dernière décennie, progrès et croissances qui sont maintenant menacés[…].
[…] La position arabe doit […] mettre sur la table un plan de paix arabe, destiné non seulement à l’entité occupante d’Israël, mais aussi et surtout, au peuple israélien et aux Juifs progressifs du monde.
Cet article ne restera pas dans les annales des aggiornamento historiques, mais il est important de noter deux points :
- Sa’id y admet que la création de l’Autorité Palestinienne, créée par Oslo, représente la toute première forme de gouvernement palestinien sur cette terre. Il désigne par-là un gouvernement arabe palestinien bien sûr, un aveu important.
- Sa’id ne met en avant aucune faute morale dans l’histoire de la lutte arabe contre Israël. Il ne s’agit pour lui que de realpolitik. Autrement dit : « nous perdons toutes les guerres que nous lançons contre Israël. À chaque fois, nous perdons plus. Donc, arrêtons-nous. Proposons un plan de paix aux Juifs, mais attention, pas à tous, seulement aux progressistes. » Chassez la haine des Juifs naturelle. Elle revient au galop.
Pour en savoir plus : https://www.memri.org/reports/member-egyptian-senate-arab-countries-should-propose-new-peace-initiative
Info n°2 : le feu cruel et le déluge d’idioties. L’un est une catastrophe naturelle, pas l’autre.
La série d’incendies à Los Angeles en janvier 2025, une des catastrophes naturelles la plus dévastatrice depuis le début de ce siècle, a aussi entrainé un déluge ; un déluge de réactions dans le monde arabo-musulman prétendant que ces incendies sont une punition d’Allah en réaction du soutien que les États-Unis apportent à Israël.
Et ce déluge a entraîné des réactions de la part de journalistes du monde arabe.
Salem Al-Ketbi a écrit dans le quotidien saoudien Makkah :
Les réseaux sociaux ont été inondés […] de commentaires insensés […] au sujet des feux de Los Angeles. [On y lit que ces feux] sont un signe de la colère de Dieu contre l’Amérique. […] Il s’agit de phénomènes naturels, et pas d’une colère [divine] ou de punitions. [Ces idées] sont le résultat d’une imagination humaine dévoyée, motivée par l’ignorance et la peur, et pas par la réelle compréhension de Dieu et de Sa sagesse.
Suleiman Gouda, journaliste égyptien, a écrit dans le quotidien Al-Masri Al-Yawm :
Les jubilations exprimées par nombre d’entre-nous au sujet des feux aux États-Unis ne sont pas l’expression de schadenfreude[5]. C’est plutôt l’expression d’impuissance. […] Ceux qui l’expriment mettent au grand jour leur incapacité à s’affirmer face aux États-Unis, leur impuissance sur les plans diplomatiques, économiques, scientifiques, et dans tous les autres domaines.
Le journaliste saoudien Najib Yamani a écrit dans le quotidien Okaz :
Cette démonstration flagrante de schadenfreude contrevient à la moralité de l’islam et à ses principes.
Pour en savoir plus : https://www.memri.org/reports/arab-journalists-criticize-expressions-glee-over-la-fires-loathsome-and-un-islamic-behavior
Info n°3 : des paroles justes, sans équivoque et sans « mais »
Après la libération de trois otages israéliens le 8 février 2025, otages dont l’apparence physique montraient qu’ils avaient été maltraités, qu’ils souffraient de malnutrition, certains journalistes et écrivains arabes n’ont pas hésité à exprimer leur horreur et le dégoût.
La journaliste égyptienne Dalia Ziada a publié sur X, une photo comparant ces 3 otages à celles de 3 détenus d’un camp d’extermination en 1945.
Le 20 février 2025, au moment de la remise des cercueils contenant les corps de 4 otages israéliens[6], cette journaliste a publié une photo de la famille Bibas (la maman Shiri et les deux enfants Kfir et Ariel) accompagnée du texte :
Le meurtre de ces enfants innocents et de leur mère, brise le cœur. Ceux qui tentent de les justifier en les comparant aux victimes de la guerre à Gaza sont des manipulateurs antisémites qui, ouvertement ou secrètement, approuvent le terrorisme du Hamas[7].

Amjad Taha, un commentateur des Émirats arabes unis, a écrit :
Le Hamas a traité les otages comme les nazis ont traité les Juifs, les affamant et les gardant en uniforme, comme Hitler l’a fait pour les survivants de la Shoah. Nos cœurs et nos prières sont avec les familles qui ont été témoins de ceci en Israël. Ces actes inhumains à Gaza en 2025 sont si graves qu’une simple condamnation ne suffit pas.
Safaa Subhi Al-Nu’aimi a publié la photo de Éli Sharabi, émacié, au moment de sa libération, juste à côté de celle d’une femme palestinienne hurlant, mais qui semble en bonne santé avec la question :
Lequel des deux hurle parce qu’il est affamé ?
Al-Nu’aimi critique aussi la Croix-Rouge en ces termes :
La Croix-Rouge a une histoire de collaboration avec le nazisme […]. Il n’est pas surprenant que ceux qui avaient des liens avec Hitler aient des liens avec le Hamas.
Le journaliste libanais Hussain Abdul Hussain s’est lui moqué des plaintes de génocide et de famine à Gaza. Sous une photo montrant des membres du Hamas qui semblent en bonne santé et bien nourris, il a commenté :
Voilà à quoi ressemblent des Gazaouis un jour après qu’ils aient été affamés et victimes de génocide.
L’éditorialiste du site d’information iraquien Bagdad Post, Sufian Al-Samarrai, prédit qu’Israël ripostera contre tous ceux qui ont soutenu le Hamas qui est responsable de traitements dignes du régime nazi :
Le problème de l’Iran, du Qatar et de la Turquie, en finançant des gangs islamistes, est qu’ils ne tiennent pas compte des avertissements formulés par les Juifs : plus jamais.
Pour en savoir plus : https://www.memri.org/reports/arab-writers-hamas-treatment-israeli-hostages-similar-nazis-treatment-jews-during-holocaust
Info n°4 : un pont mystique entre le Pakistan et Israël est en construction.

Peer Syed Mudassir Nazar Shah dirige le Conseil Soufi. Il est fondateur de l’Institut SACH, un Institut pakistanais chargé de diffuser le soufisme.
En janvier 2025, il a fait une visite en Israël, une visite organisée par le JCFA-Jerusalem Center for Security and Foreign Affairs.
Désireux de combattre l’islamisme radical au Pakistan au début du siècle, Shah s’est engagé dans une lutte contre la violence terroriste au Pakistan. Ayant fait plus de 80 000 victimes, ces attaques l’ont conduit à rechercher des solutions pour déradicaliser.
En 2020, Shah a commencé à interviewer des Israéliens sur son podcast. Le Pakistan est un des pays les plus opposés à Israël. Ses passeports comportent tous la phrase :
Ce passeport est valable pour tous les pays du monde, sauf Israël.

Les discussions que Shah a tenu avec des chercheurs israéliens lui ont permis d’aborder les différences idéologiques et politiques de manière respectueuse et amicale. Et puis, Shah commente :
Est arrivé le 7 octobre l’attaque terroriste la plus horrible que je n’ai jamais vue. La destruction fut complète, pas seulement contre des civils, mais aussi contre le processus de paix qui se développait au Moyen-Orient, contre la construction de confiance entre les différentes communautés, y compris au Pakistan.
Lors de sa visite en Israël, il poursuit :
J’ai vu la situation sur le terrain. Nous entendons beaucoup ce qui se passe à Gaza [au Pakistan], mais le massacre du 7 octobre lui-même n’a fait l’objet que d’une mention de 5 minutes dans les nouvelles.
Shah pense que nombreux sont ceux, au Pakistan, qui veulent créer des liens avec Israël. Il espère que par son intermédiaire, des ponts pourront être construits.
Rappelons-nous que parfois, les actes sont plus importants que les paroles. Le fait qu’un dirigeant musulman pakistanais se rende en Israël est en soi un acte particulièrement courageux. L’Algérie, par exemple, ne l’a pas pardonné à Boualem Sansal[8], qu’elle tient lâchement en prison depuis plusieurs mois, et qui pourrait en témoigner s’il n’était pas dépourvu de sa liberté.
Pour en savoir plus : https://www.jpost.com/middle-east/article-842034
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[1] La Naksa, qu’on peut traduire par « défaite », est le terme utilisé par le monde arabe pour désigner l’issue de la guerre des 6 jours de 1967.
[2] Sommet de la Ligue arabe de 1967 (Wikipedia).
[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_d%27usure_dans_le_conflit_israélo-arabe
[4] La Nakba, qu’on peut traduire par « catastrophe », est le terme utilisé par le monde arabe pour désigner la guerre contre Israël de 1947/48 et ses conséquences.
[5] Joie éprouvée du malheur d’autrui.
[6] Au moment où ces lignes sont écrites, les corps restitués n’ont pas été formellement identifiés.
[7] https://x.com/daliaziada/status/1892337153243500606
[8] https://fr.timesofisrael.com/lalgerie-demande-a-boualem-sansal-de-choisir-un-avocat-non-juif/