Parashot Tazria-Metsora, un esprit sain dans un corps sain

Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.

Cette semaine, nous lirons deux parashot, Tazria et Metsora[1]. Cette dernière décrit les règles imposées aux lépreux :

א וַיְדַבֵּר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר. ב זֹאת תִּהְיֶה תּוֹרַת הַמְּצֹרָע, בְּיוֹם טָהֳרָתוֹ: וְהוּבָא, אֶל-הַכֹּהֵן. (ויקרא יב:א)

1 Et l’Éternel parla à Moïse en ces termes : 2 « Voici quelle sera la règle imposée au lépreux lorsqu’il redeviendra pur : il sera présenté au Cohen [serviteur de l’Éternel] ». (Lévitique 12:1)

Le terme hébreu צָרָעַת tsaraat se traduit généralement par « lèpre ». Nous retrouvons cette traduction chez tous les traducteurs classiques (Louis Segond, John Darby, Bible de Jérusalem, Bible du Rabbinat, Samuel Cahen…). Quant à André Chouraqui, il préfère le terme « gale ».

Cette traduction est trompeuse et réductrice

Ce mot (lèpre) a été utilisé par tradition car la Septante (traduction grecque de la Bible) et la Vulgate latine ont traduit צָרָעַת tsaraat par lepra, un terme qui, à l’époque, désignait diverses maladies de peau, dont le psoriasis par exemple, et non spécifiquement la lèpre moderne.

Or, la צָרָעַת tsaraat biblique désigne un ensemble de phénomènes :

  • affections cutanées,
  • moisissures sur les vêtements et les murs,
  • états d’impureté rituelle.

Elle ne correspond pas à la lèpre (maladie de Hansen) telle qu’on la connaît médicalement aujourd’hui. En effet, la צָרָעַת tsaraat biblique englobe des lésions cutanées variées (psoriasis, vitiligo, eczéma).

La Bible hébraïque révèle que dans le cas des êtres humains, il s’agit d’une maladie de peau ou d’une affection cutanée. Pour les murs (Lévitique 14:34-37) et les vêtements (Lévitique 13:47-50), l’on peut parler de « moisissure » ou « champignon ».

En effet, cette maladie peut atteindre les maisons :

לז וְרָאָה אֶת-הַנֶּגַע וְהִנֵּה הַנֶּגַע בְּקִירֹת הַבַּיִת שְׁקַעֲרוּרֹת יְרַקְרַקֹּת אוֹ אֲדַמְדַּמֹּת וּמַרְאֵיהֶן שָׁפָל מִן-הַקִּיר. (ויקרא יד:לז)

37 S’il constate, en examinant la plaie, que cette plaie est dans les murs de la maison, en dépressions d’un vert ou d’un rouge foncé, plus basses en apparence que le niveau du mur. (Lévitique 14:37)

Mais aussi les vêtements :

מז וְהַשֹּׁכֵב בַּבַּיִת יְכַבֵּס אֶת-בְּגָדָיו וְהָאֹכֵל בַּבַּיִת יְכַבֵּס אֶת-בְּגָדָיו. (ויקרא יד: מז)

47 Celui qui couchera dans cette maison, lavera ses vêtements, et celui qui y mangera doit les laver de même. (Lévitique 14:47)

La צָרָעַת tsaraat biblique, maladie des plus énigmatiques, dont la traduction reste impossible[2] car trop réductrice, témoigne d’une impureté rituelle dont la source essentielle est spirituelle et sociale.

Quelles sont ces sources ?

La צָרָעַת tsaraat apparaît dans la Bible hébraïque dans plusieurs contextes clés, principalement comme châtiment divin ou signe prophétique.

  • Dans le livre de l’Exode (Exode 4:6-7), l’Éternel transforme la main de Moïse en une main מְצֹרַעַת כַּשָּׁלֶג Metsoarat kasheleg (maculée de blanc comme la neige) pour convaincre les fils d’Israël de sa mission. Le Midrash explique que ce signe punit une critique implicite de Moïse envers le peuple, car il était a priori convaincu que les Hébreux ne croiraient pas qu’il était investi d’une mission salvatrice.
  • Dans le livre des Nombres 12, Myriam est, de la même manière, מְצֹרַעַת כַּשָּׁלֶג Metsoarat kasheleg (maculée de blanc comme la neige) et de ce fait, est mise en quarantaine pendant sept jours pour avoir critiqué Moïse au sujet de son épouse éthiopienne. Seule l’intercession de Moïse lui-même en sa faveur la guérit.
  • Dans le livre des Prophètes (2 Rois 5), Naaman, général syrien maculé de blanc, est guéri après s’être immergé sept fois dans le Jourdain sur ordre du prophète Élisha (Élisée). L’histoire souligne l’humilité nécessaire devant l’Éternel.
  • Quant à Ozias, roi de Juda (2 Chroniques 26:16-21), il est frappé de צָרָעַת tsaraat après avoir usurpé le rôle des prêtres en offrant de l’encens dans le Temple.

Ces textes révèlent que la צָרָעַת tsaraat, loin d’être une maladie relevant d’un disfonctionnement du corps, constitue un châtiment aux péchés commis comme la médisance, l’orgueil ou les transgressions rituelles.

La Torah enseigne l’importance de l’esprit humain sur le corps

La pensée du grand commentateur Maïmonide, sur l’influence de l’esprit sur le corps et ses mécanismes, lie médecine, philosophie aristotélicienne et éthique juive, dans une vision pionnière de la psychosomatique. Pour Maïmonide, l’âme rationnelle (נֶפֶשׁ שִׂכְלִית nefesh sikhlit) dirige les fonctions corporelles. Elle vise à transcender les besoins physiques pour atteindre la perfection intellectuelle, notamment par la connaissance divine.

Les cinq forces de l’âme sont respectivement :

  • nutritive,
  • sensitive,
  • imaginative,
  • impulsive,
  • et rationnelle.

Elles sont organisées hiérarchiquement, avec la raison comme guide suprême. La médecine développée par Maïmonide intègre le corps et l’esprit dans une approche préventive. La maîtrise des passions (colère, orgueil) prévient les désordres physiologiques.

Maïmonide, dont le médaillon est situé sur la façade historique de la faculté de médecine de la rue des Saints-Pères à Paris, reste l’un des plus grands maîtres de la Médecine holistique, associant éthique, philosophie et pratique clinique. Un esprit sain engendre un corps sain.

יג  מִי-הָאִישׁ הֶחָפֵץ חַיִּים אֹהֵב יָמִים לִרְאוֹת טוֹב. יד  נְצֹר לְשׁוֹנְךָ מֵרָע  וּשְׂפָתֶיךָ מִדַּבֵּר מִרְמָה. טו  סוּר מֵרָע וַעֲשֵׂה-טוֹב בַּקֵּשׁ שָׁלוֹם וְרָדְפֵהוּ. (תהלים לד:יג-טו)

13 Quel est l’homme qui souhaite la vie, qui aime de longs jours pour goûter le bonheur ? 14 Préserve ta langue du mal, et tes lèvres des discours perfides ; 15 éloigne-toi du mal et fais le bien, recherche la paix et poursuis-la. (Psaume 34:13-15)

[1] Parashot Tazria-Metsora: Lévitique 12:1-15:33.
[2] La TOB (Traduction Œcuménique de la Bible) utilise « lèpre » mais précise en note : « Ce terme ne désigne pas nécessairement la lèpre au sens moderne » (Lévitique 13:2, note « a »).

Shabbat shalom !

Le site de Haïm Ouizemann

à propos de l'auteur
Diplômé de l’Institut des Civilisations et Langues Orientales de Paris (INALCO) et certifié de l’Institut Catholique de Paris (ICP) enseigne la Bible (TaNa’Kh), sa langue, son éthique et son histoire. Installé, depuis son Alya en 1989 à Ashkelon, il participe activement au refleurissement d'Erets Israël. Végétalien par conviction morale, Haïm rêve d'une ère nouvelle où les grandes spiritualités pourraient se rencontrer en vue d'instaurer un monde meilleur. Convaincu que le retour du peuple d’Israël en Erets-Israël annonce la restauration de l'idéal de fraternité abrahamique, il encourage le dialogue interreligieux dans le respect de l'autre
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