Parashat VaYakhel, Israël, peuple témoin de l’Éternel

La sortie d'Egypte, Moïse dans le désert. (Crédit : @rcascoherrera / pixabay ; image générée par IA)
La sortie d'Egypte, Moïse dans le désert. (Crédit : @rcascoherrera / pixabay ; image générée par IA)

Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.

Dans notre Parashah[1], Israël est présenté comme une communauté, Adat Benei-Israel עֲדַת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל :

כ וַיֵּצְאוּ כָּל-עֲדַת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל מִלִּפְנֵי מֹשֶׁה. (שמות לה: כ)

20 Et toute la communauté des enfants d’Israël se retira de devant Moïse. (Exode 35:20).

La plupart des traductions classiques traduisent le terme עֲדַת Adat (état construit du terme עֵדָה Edah) par « communauté ». Si la traduction est correcte, elle ne rend néanmoins pas l’exacte nuance de la racine ע.ו.ד. ‘(ayin).O.D du substantif עֵדָה Edah signifiant « témoigner ».

Aussi nous pouvons associer le mot « témoin » au terme « communauté » : « communauté-témoin ».

En quoi cette traduction ajoute-t-elle du sens à la traduction classique ?

Pour répondre à cette interrogation, il nous faut revenir à la première mention du terme עֲדַת Adat :

ג דַּבְּרוּ אֶל-כָּל-עֲדַת יִשְׂרָאֵל לֵאמֹר בֶּעָשֹׂר לַחֹדֶשׁ הַזֶּה וְיִקְחוּ לָהֶם אִישׁ שֶׂה לְבֵית-אָבֹת שֶׂה לַבָּיִת. (שמות יב:ג; ו; יט; מז)

3 Parlez à toute la communauté-témoin d’Israël en ces termes : Au dixième jour de ce mois, que chacun se procure un agneau pour sa famille paternelle, un agneau par maison. (Exode 12:3; 6;19;47).

Ce verset et ceux qui s’ensuivent révèlent pour la première fois que les fils d’Israël, בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל Beney Israel dispersés en Égypte se transforment en עֵדָה communauté-témoin » grâce au sacrifice de l’agneau consommé non point individuellement mais en famille.

Les fils d’Israël expriment alors leur désir d’accomplir la volonté divine afin de témoigner unanimement de leur acceptation du joug des mitsvoth (ordonnances, commandements) que l’Éternel leur enjoint de pratiquer. Israël se libère consciemment du joug de l’esclavage pour devenir le témoin direct de l’Éternel :

י אַתֶּם עֵדַי נְאֻם-יְהוָה וְעַבְדִּי אֲשֶׁר בָּחָרְתִּי לְמַעַן תֵּדְעוּ וְתַאֲמִינוּ לִי וְתָבִינוּ כִּי-אֲנִי הוּא לְפָנַי לֹא-נוֹצַר אֵל וְאַחֲרַי לֹא יִהְיֶה… יב אָנֹכִי הִגַּדְתִּי וְהוֹשַׁעְתִּי וְהִשְׁמַעְתִּי וְאֵין בָּכֶם זָר וְאַתֶּם עֵדַי נְאֻם-יְהוָה וַאֲנִי-אֵל. (ישעיהו מג: י;יב)

10 Vous, vous êtes mes témoins, dit l’Éternel, et le serviteur choisi par moi pour reconnaître, pour croire en moi et être convaincu que moi je suis ; qu’avant moi, nulle Divinité n’a existé, et qu’après moi, il n’y en aura point… 12 C’est moi qui ai fait les révélations, opéré le salut, annoncé les événements, aucun [dieu] étranger ne s’est manifesté parmi vous. Vous êtes donc mes témoins, dit l’Éternel, comme je suis votre Seigneur. (Isaïe 43:10;12).

La notion biblique de « peuple-témoin » s’oppose en tout point à celle développée par la théologie chrétienne, plus précisément à la pensée de Saint Augustin d’Hippone au IVe-Ve siècle. Cette notion augustinienne repose sur l’idée que les Juifs sont un peuple qui « témoigne » des temps antérieurs à ce que les Chrétiens considèrent comme « l’Incarnation », temps révolus selon eux. Selon cette conception, les Juifs ont un rôle ambigu.

D’une part, ils sont tolérés par l’Église en tant que témoins de l’Histoire divine (bulle papale au XIIe siècle « Sicut Judaeis »), d’autre part, leur dispersion et leur condition dégradée sont vues comme une preuve de leur erreur de ne pas avoir reconnu Jésus comme le Messie, justifiant le fait de maintenir les Juifs dans un statut inférieur tout en légitimant leurs persécutions.

Cette conception s’inscrit dans le contexte plus large de la théologie chrétienne de substitution, où l’Église se considérait comme le « Verus Israel » (le « véritable Israël »), ayant remplacé le peuple juif dans l’Alliance avec l’Éternel.

Cette notion de Témoignage ne s’applique pas uniquement aux fils d’Israël mais à la Torah dénommée EDOuT עֵדוּת :

לג וְנָתַתָּה אֶת-הַפָּרֹכֶת תַּחַת הַקְּרָסִים וְהֵבֵאתָ שָׁמָּה מִבֵּית לַפָּרֹכֶת אֵת אֲרוֹן הָעֵדוּת וְהִבְדִּילָה הַפָּרֹכֶת לָכֶם בֵּין הַקֹּדֶשׁ וּבֵין קֹדֶשׁ הַקֳּדָשִׁים. (שמות כו:לג)

33 Et tu fixeras ce voile au-dessous des agrafes ; c’est là, dans l’enceinte protégée par le voile, que tu feras entrer l’Arche du Témoignage et le voile séparera ainsi pour vous le sanctuaire d’avec le Saint des saints. (Exode 26:33).

Les mitsvoth sont, quant à elles, dénommées עֵדות EDoT :

יד בְּדֶרֶךְ עֵדְותֶיךָ שַׂשְׂתִּי כְּעַל כָּל-הוֹן. (תהלים קיט:יד)

14 Dans le chemin tracé par tes témoignages je trouve ma joie, comme si c’était le comble de la richesse. (Psaume 119:14).

Dans ces moments difficiles que traverse Israël, joignons notre prière à celle du psalmiste :

ב זְכֹר עֲדָתְךָ קָנִיתָ קֶּדֶם גָּאַלְתָּ שֵׁבֶט נַחֲלָתֶךָ
הַר-צִיּוֹן זֶה שָׁכַנְתָּ בּוֹ. (תהלים עד:ב)

2 Souviens-toi de Ta communauté-témoin, que Tu acquis jadis, de ta tribu, Ta propriété, que Tu délivras, de ce mont Sion où Tu fixas ta résidence ! (Psaume 74:2).

[1] Parashat VaYakhel : Exode 35:1-38:20.

Shabbat shalom !

Le site de Haïm Ouizemann

à propos de l'auteur
Diplômé de l’Institut des Civilisations et Langues Orientales de Paris (INALCO) et certifié de l’Institut Catholique de Paris (ICP) enseigne la Bible (TaNa’Kh), sa langue, son éthique et son histoire. Installé, depuis son Alya en 1989 à Ashkelon, il participe activement au refleurissement d'Erets Israël. Végétarien par conviction morale, Haïm rêve d'une ère nouvelle où les grandes spiritualités pourraient se rencontrer en vue d'instaurer un monde meilleur. Convaincu que le retour du peuple d’Israël en Erets-Israël annonce la restauration de l'idéal de fraternité abrahamique, il encourage le dialogue interreligieux dans le respect de l'autre
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