Parashat Tetsavé, au cœur des Ourim et Toummim

Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.
La Parashat Tetsavé[1] se concentre sur les aspects rituels et vestimentaires du service divin, soulignant l’importance du rôle des prêtres dans la relation entre l’Éternel et Son peuple, Israël.
Cette parashah décrit avec précision les vêtements sacerdotaux. Quatre vêtements spécifiques au Cohen Gadol (Grand Prêtre) :
- manteauמְעִיל הָאֵפוֹד,
- pectoral חֹשֶׁן מִשְׁפָּט,
- éphod אֵפוֹד,
- et tsits צִּיץ (plaque frontale) ;
et trois vêtements communs aux prêtres ordinaires ainsi qu’au Cohen Gadol
- caleçon מִכְנְסֵי–בָד,
- tunique de lin כְּתֹנֶת שֵׁשׁ,
- et ceinture אַבְנֵט.
Le Cohen Gadol et les Cohanim ont le chapeau en commun, mais il est différent selon le cas :
- tiare de lin מִצְנֶפֶת שֵׁשׁ pour le Cohen Gadol,
- et coiffe de lin מִגְבָּעַת pour le Cohen Hediot (simple Cohen).
Ces vêtements symbolisent l’honneur et la majesté de la fonction sacerdotale et incluent des éléments comme les pierres précieuses gravées des noms des tribus d’Israël sur le pectoral (חֹשֶׁן מִשְׁפָּט Hoshen Mishpat).
Il y est fait également mention de l’allumage de la Menorah avec de l’huile d’olive pure et de l’autel de l’encens ainsi que des offrandes quotidiennes. De plus, si pour la première fois apparaît l’un des instruments les plus particuliers de la Demeure, le כִּיּוֹר Kior qui servait à la purification des Cohanim, l’instrument le plus énigmatique qui doit attirer notre attention est celui des אוּרִים וְתֻמִּים Ourim et Toummim.
ל וְנָתַתָּ אֶל-חֹשֶׁן הַמִּשְׁפָּט אֶת-הָאוּרִים וְאֶת-הַתֻּמִּים, וְהָיוּ עַל-לֵב אַהֲרֹן בְּבֹאוֹ לִפְנֵי יְהוָה וְנָשָׂא אַהֲרֹן אֶת-מִשְׁפַּט בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל עַל-לִבּוֹ לִפְנֵי יְהוָה תָּמִיד. (שמות כח:ל)
30 Et tu ajouteras au pectoral du jugement les ourîm et les toummîm, pour qu’ils soient sur la poitrine d’Aaron lorsqu’il se présentera devant l’Éternel. Aaron portera ainsi le destin des enfants d’Israël sur sa poitrine, devant le Seigneur, constamment. (Exode 28: 30).
Est-il vraiment possible de traduire Ourim et Toummim ? Ces deux termes ne le sont généralement jamais du fait de leur complexité due aux sens multiples qu’ils revêtent.
Le terme אוּרִים Ourim signifie « Lumières ». Quant au second terme, תֻּמִּים Toummim, il signifie « Perfections, Plénitudes ». Une traduction possible serait « Lumières et Perfections » ou « Révélation et Intégrité ».
L’essayiste et écrivain Stéphane Zagdanski traduit par lumières et perfections, faisant écho à la traduction de la Bible de « L’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours ».
Que revêt cette possible traduction ?
Ourim אוּרִים symbolise la clarté divine, תֻּמִּים Toummim évoque l’idée de justice, de vérité et d’intégrité.
Il nous faut remarquer que le terme תֻּמִּים Toummim est écrit en hébreu תֻּמִּים avec la voyelle koubbouts (ou bref) et non avec le Vav shourouk (ou long), permettant ainsi de lire également תָמִים Tamim (intègre, entier) dans le rouleau de parchemin où les voyelles ne sont jamais notées, offrant une grande liberté de traduction et d’interprétation.
Noah (Genèse 6:9) et le Patriarche Avraham (Genèse 17:1) sont dénommés תָמִים Tamim, autrement dit irréprochables aussi bien avec les hommes qu’avec la Divinité. Cette dernière remarque syntaxique est fondamentale lorsqu’on tente de comprendre la puissance des אוּרִים וְתֻמִּים Ourim VeToummim.
Les אוּרִים וְתֻמִּים Ourim et Toumim servent d’instrument pour interroger et consulter l’Éternel, pour recevoir une guidance divine. Le Grand Prêtre posait des questions au nom du roi ou du public, et la réponse était reçue par l’illumination ou la proéminence de lettres sur les pierres du pectoral (Nombres 27:21).
A ce propos, les Mormons ont adopté dans leurs écrits l’expression Ourim et Toummim en lui octroyant un sens d’oracle. Joseph Smith, le fondateur historique des Mormons, prétend avoir découvert ces Ourim et Toummin avec les plaques d’or du Livre de Mormon sur la colline de Cumorah en 1827.
Pouvons-nous croire à l’infaillibilité de ces Ourim VeToummim, selon la vision de Joseph Smith ?
En d’autres termes, les Ourim et Toummim détiennent-ils un pouvoir magique qui octroierait une supériorité d’Israël sur les autres nations quant aux réponses données par l’Éternel ?
Hanna, désespérée de ne pas avoir d’enfants, priait silencieusement au sanctuaire de Shiloh. Éli, le Cohen Gadol, la vit prier et pensa qu’elle était ivre à cause de ses lèvres qui bougeaient sans qu’aucun son ne sorte.
Selon le commentaire du Gaon de Vilna, Éli aurait consulté les Ourim et Toummim pour comprendre la situation. Les lettres apparues sur le pectoral du jugement formaient שִׁכֹּרָה (shikorah), signifiant « ivre ». Cependant, Éli aurait mal interprété ces lettres, qui pouvaient aussi être lues comme כְּשֵׁרה (kesheira), signifiant « digne, comme Sarah » (en référence à la matriarche stérile devenue mère) .
Éli aurait donc mal compris le message des Ourim et Toumim. Hanna lui expliqua qu’elle n’était pas ivre mais priait avec ferveur et douleur.
Cet épisode biblique illustre que les Ourim et Toumim nécessitaient non seulement une interprétation humaine mais surtout une pureté de cœur infaillible afin que leur utilisation donne une réponse juste.
L’efficacité de cet instrument dépend de la capacité spirituelle et intellectuelle de celui qui les porte, ce qui n’est pas le cas d’Éli qui n’avait pas la force de réprimander ses deux fils vauriens.
Un autre personnage biblique va lui aussi échouer avec les Ourim et Toummim, Shaül (Saül).
ה וַיַּרְא שָׁאוּל אֶת-מַחֲנֵה פְלִשְׁתִּים וַיִּרָא וַיֶּחֱרַד לִבּוֹ מְאֹד. ו וַיִּשְׁאַל שָׁאוּל בַּיהוָה וְלֹא עָנָהוּ יְהוָה גַּם בַּחֲלֹמוֹת גַּם בָּאוּרִים גַּם בַּנְּבִיאִם. (שמואל א, כח: ה-ו)
5 En voyant l’armée des Philistins, Saül fut effrayé et trembla fort en son cœur. 6 Il consulta le Seigneur, mais le Seigneur ne lui répondit pas, ni par des songes, ni par les Ourim, ni par les prophètes. (I Samuel 28:5-6).
Pourquoi l’Éternel ne répond-il pas à Shaül ?
Saül désobéit à plusieurs reprises aux commandements divins (par exemple, en épargnant Agag et en massacrant les prêtres de Nov), ce qui l’a éloigné de la faveur divine. Saül cherchait le Seigneur dans un moment de crise, mais sa relation spirituelle avec Lui est déjà compromise.
Bien que Saül ait consulté les Ourim, aucune réponse ne lui est donnée. Cela peut indiquer soit un silence divin volontaire, soit une impossibilité d’utiliser les Ourim en raison de l’absence d’un Grand Prêtre légitime (Éviatar, le Grand Prêtre légitime, était avec David à ce moment-là). Face à ce silence divin, Saül se tourne vers une nécromancienne à Endor pour invoquer l’esprit de Samuel, un acte condamné par la loi de Moïse et qui reflète son désespoir total.
En somme, cet épisode illustre non seulement l’importance d’une relation constante avec l’Éternel sans avoir nécessairement à recourir aux Ourim et Toummim, mais aussi les limites des moyens sacrés comme les Ourim lorsqu’ils sont utilisés sans croyance ou dans un contexte de désobéissance persistante.
Par contre, le roi David, pour qui la relation avec l’Éternel est primordiale, a reçu une réponse favorable à sa requête.
ז וַיֹּאמֶר דָּוִד אֶל-אֶבְיָתָר הַכֹּהֵן בֶּן-אֲחִימֶלֶךְ, הַגִּישָׁה-נָּא לִי הָאֵפוֹד וַיַּגֵּשׁ אֶבְיָתָר אֶת-הָאֵפוֹד אֶל-דָּוִד. ח וַיִּשְׁאַל דָּוִד בַּיהוָה לֵאמֹר אֶרְדֹּף אַחֲרֵי הַגְּדוּד-הַזֶּה הַאַשִּׂגֶנּוּ וַיֹּאמֶר לוֹ רְדֹף כִּי-הַשֵּׂג תַּשִּׂיג וְהַצֵּל תַּצִּיל. (שמואל א, ל: ז-ח)
7 Et il dit au prêtre Éviatar, fils d’A’himélech : « Fais-moi, je te prie, avancer l’éphod ». Éviatar présenta l’éphod à David, 8 et David consulta le Seigneur, en disant : « Dois-je poursuivre cette troupe ? L’atteindrai-je ? Poursuis, répondit-il, car tu l’atteindras et tu reprendras sa capture ». (I Samuel 30:7-8).
L’on comprend donc que les Ourim et Toummim ne détiennent aucun pouvoir magique dans le sens d’oracle. Le seul pouvoir des Ourim et Toummim réside dans le cœur de l’Homme !
Le blason de l’Université de Yale comporte un livre ouvert avec les mots hébreux אוּרִים וְתֻמִּים (Urim veToummim) inscrits dessus, représentant Ourim et Toumim. Sous le livre figure la devise officielle de Yale en latin : Lux et Veritas (Lumière et Vérité).
Cette traduction a été adoptée sur le sceau de Yale dès le XVIIIe siècle, probablement pour symboliser l’engagement envers la recherche de la vérité divine et de la lumière intellectuelle, valeurs centrales pour l’université depuis sa création en 1736.
א מִזְמוֹר לְדָוִד יְהוָה מִי-יָגוּר בְּאָהֳלֶךָ מִי-יִשְׁכֹּן בְּהַר קָדְשֶׁךָ. ב הוֹלֵךְ תָּמִים וּפֹעֵל
צֶדֶק וְדֹבֵר אֱמֶת בִּלְבָבוֹ. (תהלים טו: א-ב)
1 Psaume de David. l’Éternel, qui séjournera sous ta tente ? Qui habitera sur ta montagne de sainteté ? 2 Celui qui marche intègre, pratique la justice et dit la vérité dans son cœur. (Psaume 15:1-2).
[1] Parashat Tetsavé: Exode 27:20-30:10.
Shabbat shalom !