Parashat Shofetim, à la source de Vie

La parashat Shofetim[1] met en avant le respect de la Vie même en cas de guerre.

יט כִּי-תָצוּר אֶל-עִיר יָמִים רַבִּים לְהִלָּחֵם עָלֶיהָ לְתָפְשָׂהּ לֹא-תַשְׁחִית אֶת-עֵצָהּ לִנְדֹּחַ עָלָיו גַּרְזֶן כִּי מִמֶּנּוּ תֹאכֵל וְאֹתוֹ לֹא תִכְרֹת כִּי הָאָדָם עֵץ הַשָּׂדֶה לָבֹא מִפָּנֶיךָ בַּמָּצוֹר. (דברים כ: יט)

19 Si tu fais le siège d’une ville des années durant, pour la combattre et la prendre, tu n’en détruiras pas les arbres en portant sur eux la cognée, car ce sont eux qui te nourrissent et tu ne dois pas les abattre car l’Homme est l’arbre du champ, tu l’épargneras dans le siège. (Deutéronome 20 : 19).

Le texte biblique appelle à protéger les arbres fruitiers qui constituent l’essentiel vital de notre subsistance quotidienne.

Moïse, en envoyant les douze princes explorer la Terre promise, requiert d’eux un rapport témoignant de l’état agricole et forestier du pays :

כ וּמָה הָאָרֶץ הַשְּׁמֵנָה הִוא אִם-רָזָה הֲיֵשׁ-בָּהּ עֵץ אִם-אַיִן וְהִתְחַזַּקְתֶּם וּלְקַחְתֶּם מִפְּרִי   הָאָרֶץ וְהַיָּמִים יְמֵי בִּכּוּרֵי (במדבר יג :כ)

עֲנָבִים. (במדבר יג: כ)20 quant au sol, s’il est gras ou maigre, s’il est boisé ou non. Et vous serez forts et vous prendrez des fruits du pays. C’était alors la saison des premiers raisins. (Nombres 13 : 20).

Un pays foisonnant de fruits et de forêts est un pays où règne la paix. Les pays en guerre sont généralement rongés par le désordre et la famine. Les champs et les cultures brûlés peuvent conduire à l’effondrement d’une civilisation entière. L’intention de la Tora vise, par le respect de la source de Vie même en temps de guerre, à permettre une reconstruction future et une possible entente entre les peuples en guerre.

Dans son livre « Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie »[2], Jared Diamond défend la thèse selon laquelle des civilisations comme l’île de Pâques, les Anasazis et les Mayas se sont effondrées en raison de la dégradation environnementale due au facteur humain et de la perte de toute source de subsistance. Dans le cas de l’Ile de Pâques, Jared Diamond écrit : « L’île, aujourd’hui stérile, était une forêt subtropicale constituée de grands arbres et de taillis qui ont servi à acheminer les pierres et à fabriquer de la corde pour leur remorquage. Dans tous les cas ce travail nécessitait une population bien nourrie… Les quelques rares poissons se firent plus rares encore, les oiseaux de mer disparurent, les fruits des arbres n’existaient plus, et les rats se multiplièrent. Le bois commença à manquer pour ériger les statues mais aussi pour faire à manger, pour se chauffer. Les conséquences furent la famine, une chute démographique dramatique qui firent tomber la population dans le cannibalisme… ».

L’Homme détient à chaque instant le pouvoir de changer son environnement dans le sens du Bien. En 1962, l’Anglais Brendon Grimshaw acquiert une minuscule île déserte et abandonnée aux Seychelles (Moyenne Island). Avec son ami René Lafortune, il va transformer cette île en un paradis pour les oiseaux (2000 nouvelles espèces) et les tortues (plus d’une centaine de tortues en voie d’extinction réapparaissent). 16000 arbres plantés de leur propre main contribuent au changement positif de l’ensemble de l’écosystème de l’île. En 2009, l’île est déclarée parc national des Seychelles.

Des initiatives sur le modèle de « Plant Based Treaty » (« Traité basé sur les Plantes ») peuvent sans l’ombre d’un doute sauver l’humanité d’une catastrophe écologique globale, en diminuant ou en s’abstenant de consommer de la viande tout en reboisant nos espaces publics. Nous détenons non seulement le pouvoir de freiner le phénomène d’effet de serre et la hausse dangereuse de la température menaçant notre belle Planète mais aussi le pouvoir de retourner la tendance comme ce fut le cas pour le trou dans l’ozone. La signature en 1987 du Protocole de Montréal permit de démarrer un lent et long processus de plusieurs décennies pour l’enrayer.

En somme, l’humilité associée à la volonté ont le pouvoir de transformer notre monde en un Paradis pour tous !

La règle générale qui prévaut dans le TaNaKh (Bible) est la protection de toutes formes de sources de Vie afin que la régénération de celle-ci soit rendue possible.

ו כִּי יִקָּרֵא קַן-צִפּוֹר לְפָנֶיךָ בַּדֶּרֶךְ בְּכָל-עֵץ אוֹ עַל-הָאָרֶץ אֶפְרֹחִים אוֹ בֵיצִים וְהָאֵם רֹבֶצֶת עַל-הָאֶפְרֹחִים אוֹ עַל-הַבֵּיצִים לֹא-תִקַּח הָאֵם עַל-הַבָּנִים. ז שַׁלֵּחַ תְּשַׁלַּח אֶת-הָאֵם וְאֶת-הַבָּנִים תִּקַּח-לָךְ לְמַעַן יִיטַב לָךְ וְהַאֲרַכְתָּ יָמִים. (דברים כב: ו-ז)

6 Si tu rencontres en ton chemin un nid d’oiseaux, sur tout arbre ou à terre, des poussins ou des œufs et la mère couve les poussins ou les œufs, tu ne prendras pas la mère avec sa couvée : 7 tu as l’obligation de renvoyer la mère et tu prendras la couvée, afin que le bien te soit fait et que tu prolonges tes jours (Deutéronome 22 : 6-7).

L’Homme ne détient que l’usufruit de ce monde qui ne lui appartient pas et ne peut en aucune manière s’octroyer le droit exclusif du Principe de Vie.

יב  לְךָ שָׁמַיִם אַף-לְךָ אָרֶץ תֵּבֵל וּמְלֹאָהּ אַתָּה יְסַדְתָּם (תהילים פט : יב)

12 A toi le ciel, à toi aussi la terre, l’univers et ce qu’il contient, c’est toi qui les as fondés. (Psaume 89 : 12).

Même en abattant un animal, l’Homme ne doit consommer ni son sang ni sa graisse :

יז חֻקַּת עוֹלָם לְדֹרֹתֵיכֶם בְּכֹל מוֹשְׁבֹתֵיכֶם כָּל-חֵלֶב וְכָל-דָּם לֹא תֹאכֵלוּ.  (ויקרא ג: יז)

17 Loi éternelle pour vos générations, dans toutes vos bourgades : de toute graisse et de tout sang, vous ne mangerez pas. (Lévitique 3 : 17).

La raison de cet interdit est que l’on ne doit pas manger le sang, incarnant le Principe fondamental de la Vie :

כג רַק חֲזַק לְבִלְתִּי אֲכֹל הַדָּם כִּי הַדָּם הוּא הַנָּפֶשׁ וְלֹא-תֹאכַל הַנֶּפֶשׁ עִם-הַבָּשָׂר. (דברים יב: כג)

23 Mais sois fort et ne mange pas le sang ; car le sang c’est l’âme vitale, et tu ne dois pas manger l’âme vitale avec la chair. (Deutéronome 12 : 23).

Le verbe ‘avoir’ indiquant la notion d’appartenance exclusive et individuelle en hébreu n’existe pas comme cela est le cas dans les langues latine et grecque. En langue hébraïque biblique et moderne la possession est généralement indiquée par le verbe être ainsi que la préposition Lamed/ ל- signifiant qu’une chose existe en soi avant d’être l’objet d’une possession. Rien n’appartient en propre à l’Homme, ni sa fortune, ni même ses enfants que la Tora dénomme « fruits des entrailles » :

ב וַיִּחַר-אַף יַעֲקֹב בְּרָחֵל וַיֹּאמֶר הֲתַחַת אֱלֹהִים אָנֹכִי אֲשֶׁר-מָנַע מִמֵּךְ פְּרִי-בָטֶן. (בראשית ל: ב)

2 Et Jacob se mit en colère contre Rachel et dit : « Suis-je à la place du Seigneur, qui t’a refusé le fruit du ventre ? » (Genèse 30 : 2).

L’enseignement du Sage est appelé « source de Vie » car mieux que quiconque, il comprend que la Source de toute forme de Vie sur Terre n’est autre que l’Eternel :

יד  תּוֹרַת חָכָם מְקוֹר חַיִּים לָסוּר מִמֹּקְשֵׁי מָוֶת. (משלי יג: יד)

14 L’enseignement du sage est une source de vie pour s’éloigner des pièges de mort. (Proverbes 13 : 14).

[1] Parashat Shofetim : Deutéronome 16 : 18-21 : 9.
[2] « Collapse: How Societies Choose to Fail or Survive ».

Shabbat shalom

à propos de l'auteur
Diplômé de l’Institut des Civilisations et Langues Orientales de Paris (INALCO) et certifié de l’Institut Catholique de Paris (ICP) enseigne la Bible (TaNa’Kh), sa langue, son éthique et son histoire. Installé, depuis son Alya en 1989 à Ashkelon, il participe activement au refleurissement d'Erets Israël. Végétarien par conviction morale, Haïm rêve d'une ère nouvelle où les grandes spiritualités pourraient se rencontrer en vue d'instaurer un monde meilleur. Convaincu que le retour du peuple d’Israël en Erets-Israël annonce la restauration de l'idéal de fraternité abrahamique, il encourage le dialogue interreligieux dans le respect de l'autre
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