Parashat Kora’h, méditation sur l’Alliance de Sel
Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.
La parashat Kora’h[1] fait usage d’une rare expression : בְּרִית מֶלַח /Alliance de sel :
יט כֹּל תְּרוּמֹת הַקֳּדָשִׁים אֲשֶׁר יָרִימוּ בְנֵי-יִשְׂרָאֵל לַיהוָה נָתַתִּי לְךָ וּלְבָנֶיךָ וְלִבְנֹתֶיךָ אִתְּךָ לְחָק-עוֹלָם בְּרִית מֶלַח עוֹלָם הִוא לִפְנֵי יְהוָה, לְךָ וּלְזַרְעֲךָ אִתָּךְ. (במדבר יח: יט)
19 Tous les prélèvements que les fils d’Israël ont à faire sur les choses saintes en l’honneur de l’Éternel, je te les accorde, ainsi qu’à tes fils et à tes filles, comme revenu perpétuel. C’est une Alliance de sel, inaltérable, établie de par l’Éternel à ton profit et au profit de ta postérité. (Nombres 18: 19).
Que signifie cette expression « Alliance de sel » ?
Le célèbre commentateur médiéval Rashi est d’avis que le sel symbolise une alliance inaltérable :
« בְּרית מֶלַח. כַּבְּרִית הַכְּרוּתָה לַמֶּלַח, שֶׁאֵינוֹ מַסְרִיחַ לְעוֹלָם: » (רש »י על הפסוק במדבר יח: יט)
Une Alliance de sel comme une alliance contractée avec le sel, qui ne se décompose jamais. (Rashi sur le verset Nombres 18: 19).
Autrement dit, l’Alliance conclue avec les Cohanim est de nature pérenne. Le temps n’aura pas de prise sur cette Alliance divine conclue avec les Cohanim, ceux-là même dont la vocation ultime est de rendre un culte permanent à l’Éternel.
Le commentaire de Rashi ne devient compréhensible que si l’on se rapporte au livre du Lévitique :
יג וְכָל-קָרְבַּן מִנְחָתְךָ, בַּמֶּלַח תִּמְלָח, וְלֹא תַשְׁבִּית מֶלַח בְּרִית אֱלֹהֶיךָ מֵעַל מִנְחָתֶךָ עַל כָּל-קָרְבָּנְךָ תַּקְרִיב מֶלַח. (ויקרא ב: יג)
13 Tout ce que tu présenteras comme oblation, tu le garniras de sel, et tu n’omettras point ce sel, signe d’Alliance avec ton Seigneur, à côté de ton oblation : à toutes tes offrandes tu joindras du sel. (Lévitique 2 : 13).
Rashi précise quelles offrandes doivent être salées :
« עַל כָּל-קָרְבָּנְךָ. עַל עוֹלַת בְּהֵמָה וָעוֹף וְאֵמוּרֵי כָּל הַקָּדָשִׁים כֻּלָּן: » (רש »י על הפסוק ויקרא ב: יג)
Sur chacune de tes offrandes Sur la ‘ola [Holocauste] de gros bétail et d’oiseau, et sur les parties grasses de toutes les offrandes. (Rashi sur le verset Lévitique 2: 13).
Autrement dit, tous les sacrifices offerts par Israël devant l’Éternel doivent être enduits de sel (Ézéchiel 43: 24). Le sel symbolise ici la modestie, le retrait de l’Homme face à la grandeur et à la majesté divine qui remplit les mondes. Le grand maître Maïmonide (RaMBaM) soutient la thèse que la Torah aspire à se démarquer des idolâtres qui, eux, enduisent leurs sacrifices de miel, symbole d’orgueil et de puissance humaine[2].
L’Alliance éternelle conclue avec les Cohanim (Brit Cohanim) n’est pas exclusive au pouvoir sacerdotal. En effet, le livre des Chroniques rapporte que cette Alliance de sel se réfère également à David :
ה הֲלֹא לָכֶם לָדַעַת כִּי יְהוָה אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל נָתַן מַמְלָכָה לְדָוִיד עַל-יִשְׂרָאֵל לְעוֹלָם לוֹ וּלְבָנָיו בְּרִית מֶלַח. (דברי הימים ב, יג: ה)
5 Ne devriez-vous pas savoir que l’Éternel, le Seigneur d’Israël, a octroyé pour toujours à David la royauté sur Israël, à lui et à ses fils, en vertu d’une Alliance de sel ? (II Chroniques 13: 5).
Cette promesse trouve son origine dans le livre de la Genèse :
לֹא-יָסוּר שֵׁבֶט מִיהוּדָה וּמְחֹקֵק מִבֵּין רַגְלָיו עַד כִּי-יָבֹא שִׁילֹה וְלוֹ יִקְּהַת עַמִּים. (בראשית מט: י).
10 Le sceptre n’échappera point à Juda, ni l’autorité à sa descendance, jusqu’à l’avènement du Pacifique auquel obéiront les peuples. (Genèse 49: 10).
Cette double Alliance conclue d’une part avec le pouvoir spirituel incarné par les Cohanim issus de la tribu de Lévy et d’autre part avec le pouvoir politique incarné par le roi David issu de la tribu de Yehoudah (Juda) inscrit le peuple d’Israël dans la pérennité. Aucune puissance spirituelle (Christianisme, Islam), aucune puissance politique (Égypte pharaonique, Babylone, Grèce, Rome) ne peuvent se substituer au peuple d’Israël lié de manière indéfectible à l’Éternel ! L’Alliance est irrévocable à jamais !
A cette pérennité s’ajoute une autre qualité, celle d’apporter un mieux-être aux hommes :
« בְּרִית מֶלַח עוֹלָם. כָּרַת בְּרִית עִם אַהֲרֹן בְּדָבָר הַבָּרִיא וּמִתְקַיֵּם וּמַבְרִיא אֶת אֲחֵרִים ». (רש »י על הפסוק במדבר יח: יט)
Une alliance de sel à jamais Il a conclu une Alliance avec Aaron symbolisée par une substance saine et durable et qui favorise la bonne santé des autres. (Rashi sur le verset Nombres 18: 19).
Le sel symbolise à la fois l’attribut de rigueur et l’attribut de la bonté.
En effet, si l’élément du sel peut être dévastateur (Genèse 19: 26; Deutéronome 29: 21-22; Jérémie 17: 5-6; Psaume 107: 33-34), il contribue selon les Sages d’Israël à la Réparation du monde.
Ainsi, alors que les habitants de Jéricho se sont plaints des eaux malsaines et du sol empoisonné causant la mort, le prophète Élisha (Élisée) transforme ces eaux en eaux saines et le sol en sol fécond :
כ וַיֹּאמֶר קְחוּ-לִי צְלֹחִית חֲדָשָׁה וְשִׂימוּ שָׁם מֶלַח וַיִּקְחוּ אֵלָיו. כא וַיֵּצֵא אֶל-מוֹצָא הַמַּיִם וַיַּשְׁלֶךְ-שָׁם מֶלַח וַיֹּאמֶר כֹּה-אָמַר יְהוָה רִפִּאתִי לַמַּיִם הָאֵלֶּה לֹא-יִהְיֶה מִשָּׁם עוֹד מָוֶת וּמְשַׁכָּלֶת. (מלכים ב, ב: כ-כא)
20 Et il répondit : « Apportez-moi une cruche neuve que vous remplirez de sel ; » et on la lui apporta. 21 Et il alla vers la source d’où venait l’eau et y jeta le sel en disant : « Telle est la parole de l’Éternel : Je vais rendre ces eaux salubres, et elles ne causeront plus ni mort ni ravages ». (II Rois 2: 20-21).
Après les massacres du 7 octobre perpétrés par le mouvement du Hamas, Israël conserve en son âme, malgré l’indescriptible traumatisme, de puissantes forces nécessaires à son rétablissement national. Le sel brûlant et destructeur des ennemis d’Israël se transformera, comme l’Histoire d’Israël nous l’enseigne, en un sel de remède, de paix et de réparation pour tous. Tant que les Nations ne saisiront point le sens de cette Alliance éternelle visant au bien-être universel, le monde – notre monde, suivant en cela les forces entropiques, ira à sa perte. Israël demeure le garant par excellence de la stabilité du monde, du Tikkoun HaOlam, de la réparation du monde.
Le prophète Ézéchiel, dans une vision paraissant utopique, annonce que sur les bords de la Mer de Sel (יָם הַמֶּלַח Yam HaMela’h) communément désignée par le nom de « Mer morte », des arbres fruitiers offriront leur frondaison. C’est notre plus grand souhait pour Israël et pour le monde entier :
יב וְעַל-הַנַּחַל יַעֲלֶה עַל-שְׂפָתוֹ מִזֶּה וּמִזֶּה כָּל-עֵץ-מַאֲכָל לֹא-יִבּוֹל עָלֵהוּ וְלֹא-יִתֹּם פִּרְיוֹ לָחֳדָשָׁיו יְבַכֵּר כִּי מֵימָיו מִן-הַמִּקְדָּשׁ הֵמָּה יוֹצְאִים והיו (וְהָיָה) פִרְיוֹ לְמַאֲכָל וְעָלֵהוּ לִתְרוּפָה. (יחזקאל מז: יב)
12 Et, près du torrent, sur ses bords, des deux côtés, s’élèveront toutes sortes d’arbres fruitiers, dont les feuilles ne se flétriront pas et dont les fruits ne s’épuiseront point. Chaque mois, ils donneront de nouveaux fruits, car leurs eaux sortent du sanctuaire : leur fruit servira de nourriture et leurs feuilles de remèdes. (Ézéchiel 47: 12).
[1][1] Parashat Kora’h: Nombres 16: 1-18: 32.
[2] « Sefer Hamitsvot » 98, « Le Livre des Commandements », 98 à propos de Lévitique 2: 11.
Shabbat shalom !