Parashat Ki Tissa, l’alliance du veau d’or

Premier livre des Respirations d'Ousirour, 150-100 av. J.-C., époque ptolémaïque. Ousirour, coiffé de la couronne de justification, encense la vache de la déesse Hathor, qui protège sa dépouille déposée dans le tombeau, papyrus. (Crédit : Flickr / Frans Vandewalle CC BY 2.0)
Premier livre des Respirations d'Ousirour, 150-100 av. J.-C., époque ptolémaïque. Ousirour, coiffé de la couronne de justification, encense la vache de la déesse Hathor, qui protège sa dépouille déposée dans le tombeau, papyrus. (Crédit : Flickr / Frans Vandewalle CC BY 2.0)

Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.

La parashat Ki Tissa[1] est probablement l’une des péricopes les plus dramatiques de la Torah, avec l’épisode du veau d’or :

ד וַיִּקַּח מִיָּדָם וַיָּצַר אֹתוֹ בַּחֶרֶט וַיַּעֲשֵׂהוּ עֵגֶל מַסֵּכָה וַיֹּאמְרוּ אֵלֶּה אֱלֹהֶיךָ יִשְׂרָאֵל אֲשֶׁר הֶעֱלוּךָ מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם. (שמות לב: ד)

4 Ayant reçu cet or de leurs mains, il le jeta en moule et en fit un veau de métal ; et ils dirent : « Voilà tes dieux, ô Israël, qui t’ont fait sortir du pays d’Égypte ! » (Exode 32:4).

עֵגֶל מַסֵּכָה Eguel Massekha peut être traduit par ‘veau de fonte’. En effet, la racine verbale נ.ס.כ. N.S.K. du substantif Massekha מַסֵּכָה signifie ‘fondre’. Toutefois, cette racine polysémique peut signifier également ‘alliance’, dans le sens de ‘fusion, alliage’ :

א הוֹי בָּנִים סוֹרְרִים נְאֻם-יְהוָה לַעֲשׂוֹת עֵצָה וְלֹא מִנִּי וְלִנְסֹךְ מַסֵּכָה וְלֹא רוּחִי לְמַעַן סְפוֹת חַטָּאת עַל-חַטָּאת.

1 Malheur, enfants rebelles, dit le Seigneur, vous qui machinez des plans en dehors de moi, contractez des alliances contre mon gré et accumulez ainsi faute sur faute. (Isaïe 30:1).

… ‘couverture, voile’ à cause de sa proximité avec la racine couvrir S.K.K. ס.כ.כ. :

ז וּבִלַּע בָּהָר הַזֶּה פְּנֵי-הַלּוֹט הַלּוֹט עַל-כָּל-הָעַמִּים וְהַמַּסֵּכָה הַנְּסוּכָה עַל-כָּל-הַגּוֹיִם: (ישעיהו כה:ז)

7 Et sur cette même montagne, il déchirera le voile qui enveloppe toutes les nations, la couverture qui s’étend sur tous les peuples. (Isaïe 25:7).

… et ‘mêler, mélanger’ :

ב טָבְחָה טִבְחָהּ מָסְכָה יֵינָהּ אַף עָרְכָה שֻׁלְחָנָהּ. (משלי ט:ב)

2 Elle [la Sagesse] a tué des animaux pour son festin, mélangé son vin et dressé sa table. (Proverbes 9:2).

Ces trois dernières références nous aident à mieux révéler, au-delà du sens classique et technique – ‘veau de métal fondu’ – la gravité de l’intention qui prévaut lors de l’édification du veau d’or.

Le veau d’or exprime toute la trahison d’Israël envers l’Éternel Un, Unique et Indivisible en ce sens que les Hébreux, en érigeant le veau d’or, font allégeance – alliance – aux dieux étrangers, adoptent de nouveau le syncrétisme de la croyance égyptienne.

Par exemple, Hathor, représentée comme une vache ou une femme à tête de vache, était associée à divers aspects de la vie – dans leur cœur. L’on pourrait traduire alors ‘le veau des alliances’.

Le prophète Osée met en garde contre le culte et la vénération de soi-même qu’incarnent ces veaux. Cette adoration de soi est susceptible de conduire à l’immolation d’hommes !

ב וְעַתָּה יוֹסִפוּ לַחֲטֹא וַיַּעֲשׂוּ לָהֶם מַסֵּכָה מִכַּסְפָּם כִּתְבוּנָם עֲצַבִּים מַעֲשֵׂה חָרָשִׁים כֻּלֹּה לָהֶם הֵם אֹמְרִים זֹבְחֵי אָדָם עֲגָלִים יִשָּׁקוּן. (הושע יג:ב)

2 Et maintenant, ils redoublent leurs fautes ; ils se sont fait des idoles en métal fondu avec leur argent, et avec leur industrie, des images ; tout cela c’est œuvre d’artiste. C’est à elles qu’ils s’adressent ; et pour rendre hommage à des veaux, ils immolent des hommes. (Osée 13:2).

À cela s’ajoute le fait que les Hébreux préfèrent mettre toute leur confiance dans une pièce de métal fondu comme médium pour atteindre les divinités étrangères plutôt que de conclure un lien direct sans intermédiaire avec l’Éternel :

ב אָנֹכִי יְהוָה אֱלֹהֶיךָ אֲשֶׁר הוֹצֵאתִיךָ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם מִבֵּית עֲבָדִים (שמות כ: ב)

2 Je suis l’Éternel, ton Seigneur, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, d’une maison d’esclavage. (Exode 20:2).

Le grand penseur Maïmonide développe une théologie apophatique rigoureuse qui marque un tournant dans la pensée juive médiévale. Son approche, exposée principalement dans Le Guide des égarés, repose sur une déconstruction systématique des conceptions anthropomorphiques de la Divinité.

Pour Maïmonide, toute tentative de décrire la Divinité par des qualités affirmatives (comme ‘généreux, miséricordieux, longanime, sage’ ou ‘puissant’) revient à projeter des limitations humaines sur l’absolu. Seules les négations (« la Divinité n’est pas corporelle », « la Divinité n’est pas multiple ») permettent d’approcher Son essence sans la dénaturer.

Son Essence force le silence :

יח וְאֶל-מִי תְּדַמְּיוּן אֵל וּמַה-דְּמוּת תַּעַרְכוּ לוֹ. (ישעיהו מ: יח)

18 À qui donc pourriez-vous comparer le Seigneur et quelle image lui donneriez-vous comme pendant ? (Isaïe 40:18).

[1] Parashat Ki Tissa : Exode 30: 11-34:35.

Shabbat shalom !

à propos de l'auteur
Diplômé de l’Institut des Civilisations et Langues Orientales de Paris (INALCO) et certifié de l’Institut Catholique de Paris (ICP) enseigne la Bible (TaNa’Kh), sa langue, son éthique et son histoire. Installé, depuis son Alya en 1989 à Ashkelon, il participe activement au refleurissement d'Erets Israël. Végétarien par conviction morale, Haïm rêve d'une ère nouvelle où les grandes spiritualités pourraient se rencontrer en vue d'instaurer un monde meilleur. Convaincu que le retour du peuple d’Israël en Erets-Israël annonce la restauration de l'idéal de fraternité abrahamique, il encourage le dialogue interreligieux dans le respect de l'autre
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