Parashat Emor, Shabbat, la source de bénédictions
Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.
Le chapitre 23 de la parashat Emor a cela de particulier qu’il constitue l’unique chapitre de toute la Torah à énumérer l’ensemble de toutes les solennités hébraïques. Toutes les fêtes hébraïques se fondent et découlent du respect du jour le plus important du calendrier hébraïque : le Shabbat. Le jour de Yom Kippour succède au Shabbat en importance :
ג שֵׁשֶׁת יָמִים תֵּעָשֶׂה מְלָאכָה וּבַיּוֹם הַשְּׁבִיעִי שַׁבַּת שַׁבָּתוֹן מִקְרָא-קֹדֶשׁ כָּל-מְלָאכָה לֹא תַעֲשׂוּ שַׁבָּת הִוא לַיהוָה, בְּכֹל מוֹשְׁבֹתֵיכֶם. (ויקרא כא:א-כד:כג)
3 pendant six jours on se livrera au travail, mais le septième jour il y aura repos, repos solennel pour une sainte convocation : vous ne ferez aucun travail. Ce sera le Sabbat de l’Éternel, dans toutes vos habitations. (Lévitique 23:3)
La Bible du Rabbinat traduit, à propos des six jours de travail : « on se livrera au travail ». Quant aux traducteurs John Darby, Louis Segond et Samuel Cahen, ils traduisent respectivement « six jours on travaillera », « on travaillera six jours » et « six jours tu feras de l’ouvrage ».
Si l’on s’en tient à la grammaire du verbe תֵּעָשֶׂה Te’asse, l’on doit traduire le verbe « faire » non point à la forme active du pa’al, comme le font la plupart des traducteurs, mais à la forme passive du nif’al. André Chouraqui, quant à lui, tient compte de la forme passive et traduit : « six jours l’ouvrage sera fait ».
En quoi le fait de respecter la forme passive dans la traduction est-il si important?
Au-delà de l’explication littérale, à savoir qu’il est permis de travailler et de s’occuper des activités quotidiennes durant six jours hebdomadaires, la source biblique tente certainement de nous livrer un message supplémentaire. Ce ne serait plus les jours profanes qui mèneraient au repos du Shabbat mais le Shabbat qui, lui, introduirait un souffle de repos dans les jours de labeur hebdomadaire. Le verset pourrait, alors, être traduit : « le travail sera fait de lui-même », sans que l’Homme n’ait à déployer d’effort exagéré et excessif.
La bénédiction du Shabbat rejaillit sur le temps profane. L’Homme, s’il poursuit ses efforts en semaine pour construire et réparer le monde, le respect de la cessation de toute activité au jour du Shabbat – il est écrit שַׁבַּת שַׁבָּתוֹן Shabbat Shabbaton / « une cessation totale » (littéralement « une interruption des interruptions ») – rayonne positivement sur l’activité profane des six jours de la semaine. L’énergie positive du Shabbat écarte les écueils et la fatigue de tout labeur hebdomadaire.
Le Shabbat est un don divin, un jour de repos et de libération du travail, destiné à permettre à l’homme de se sanctifier et de s’élever. Le Shabbat, dénommé « convocation sainte » מִקְרָא־קֹדֶשׁ Miqra Qodesh, est un temps sacré et consacré à la sainteté [séparé et différent des autres jours], à l’étude, à la prière et à la famille. L’essence du Shabbat est l’abstention de tout travail, en reconnaissance de la souveraineté de l’Éternel en tant que Créateur suprême et Libérateur des fils d’Israël de l’Égypte pharaonique.
L’idée selon laquelle, pour celui qui observe le Shabbat, son travail se fait de lui-même, apparaît dans les écrits hassidiques et dans des interprétations profondes sur le Shabbat. Dans Likouté Halakhot , il est dit :
Car grâce au Shabbat, on mérite que le travail se fasse de lui-même.
C’est-à-dire, grâce à l’observance du Shabbat, la personne mérite que son travail soit accompli, réussisse et soit béni facilement, comme s’il se faisait tout seul.
L’origine de cette idée est que le Shabbat est la source de la bénédiction pour les six jours de la semaine. Lorsqu’une personne respecte véritablement le Shabbat et le sanctifie, elle mérite une aide divine dans son travail pendant les autres jours. Au sens simple, cela ne signifie pas que le travail se fait littéralement sans aucun effort, mais que ses actions seront bénies et qu’il connaîtra une réussite particulière grâce à l’observance du Shabbat.
Le concept selon lequel le Shabbat est la source de la bénédiction se trouve dans de nombreux textes de la Torah, du Midrach et de la tradition juive. Dès le récit de la Création, il est écrit :
ג וַיְבָרֶךְ אֱלֹהִים אֶת-יוֹם הַשְּׁבִיעִי וַיְקַדֵּשׁ אֹתוֹ כִּי בוֹ שָׁבַת מִכָּל-מְלַאכְתּוֹ אֲשֶׁר-בָּרָא אֱלֹהִים לַעֲשׂוֹת. (בראשית ב:ג) 3
Et le Seigneur bénit le septième jour et le proclama saint, parce qu’en ce jour il se reposa de l’œuvre entière qu’il avait produite et organisée. (Genèse 2:3)
C’est-à-dire que le jour du Shabbat a été béni et sanctifié par l’Éternel comme un temps particulier. Les Sages expliquent que la bénédiction du Shabbat n’est pas seulement spirituelle, mais qu’elle s’étend aussi à la réussite matérielle de toute la semaine : le Shabbat est « source de la bénédiction ». C’est de lui que découle l’abondance et la réussite pour les six jours de travail.
Dans le poème liturgique « Lekhah Dodi », par lequel on accueille le Shabbat, on dit :
Car elle [La journée du Shabbat] est la source de la bénédiction.
Ainsi, observer le Shabbat selon la Tradition hébraïque est considéré comme un moyen d’attirer la bénédiction dans la subsistance, la sérénité et la prospérité. L’idée que sous-tend la traduction « le travail se fait de lui-même » est que lorsqu’une personne s’abstient de tout travail le Shabbat et sanctifie ce Jour, elle ouvre un canal de bénédiction pour les autres jours de la semaine, et ses actions sont bénies.
Le Shabbat constitue, à n’en pas douter, la source par excellence de toute bénédiction – tant spirituelle que matérielle – et c’est de lui que découle la réussite de la semaine et de la vie quotidienne.
לִקְרַאת שַׁבָּת לְכוּ וְנֵלְכָה
כִּי הִיא מְקוֹר הַבְּרָכָה
Allons à la rencontre du Shabbat, car elle [journée du Shabbat] est la source de la bénédiction. (Chant liturgique « Lekhah Dodi »)
Shabbat shalom !