Parashat Emor, Méditation sur la Sanctification du Nom

La capitaine Shir Eilat. (Crédit : Armée israélienne)
La capitaine Shir Eilat. (Crédit : Armée israélienne)

Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.

La Parashat Emor[1] met en évidence la notion de sanctification du Nom:

לב וְלֹא תְחַלְּלוּ אֶת-שֵׁם קָדְשִׁי וְנִקְדַּשְׁתִּי, בְּתוֹךְ בְּנֵי יִשְׂרָאֵל  אֲנִי יְהוָה מְקַדִּשְׁכֶם. (ויקרא כב: לב)

32 Ne profanez point mon saint nom, afin que je sois sanctifié au milieu des enfants d’Israël. Je suis l’Éternel, qui vous sanctifie (Lévitique 22: 32).

Que signifie cette sanctification du Nom divin ?

Rashi est d’avis qu’à la suite d’une condamnation à mort due au culte de l’Eternel et au refus d’adorer les faux dieux, il ne faut point compter sur un miracle:

 ש « וְלֹא תְחַלְּלוּ, לַעֲבֹר עַל דְּבָרַי מְזִידִין. מִמַּשְׁמָע שֶׁנֶּאֱמַר: « וְלֹא תְחַלְּלוּ », מַה תַּלְמוּד לוֹמַר « וְנִקְדַּשְׁתִּי? » מְסֹר עַצְמְךָ וְקַדֵּשׁ שְׁמִי. יָכוֹל, בְּיָחִיד? תַּלְמוּד לוֹמַר: בְּתוֹךְ בְּנֵי יִשְׂרָאֵל; וּכְשֶׁהוּא מוֹסֵר עַצְמוֹ יִמְסֹר עַצְמוֹ עַל מְנָת לָמוּת, שֶׁכָּל הַמּוֹסֵר עַצְמוֹ עַל מְנָת הַנֵּס, אֵין עוֹשִׂין לוֹ נֵס; שֶׁכֵּן מָצִינוּ בַּחֲנַנְיָה, מִישָׁאֵל וַעֲזַרְיָה, שֶׁלֹּא מָסְרוּ עַצְמָן עַל מְנָת הַנֵּס, שֶׁנֶּאֱמַר: ‘וְהֵן לָא יְדִיעַ לֶהֱוֵא-לָךְ, מַלְכָּא וְגוֹ’ ‘ (דניאל, ג, יח), מַצִּיל וְלֹא מַצִּיל: ‘יְדִיעַ לֶהֱוֵי-לָךְ וְגוֹ’ ‘ « : (רש »י על הפסוק ויקרא כב: לב).ש

« Et vous ne profanerez pas En transgressant délibérément mes paroles. Puisqu’il est écrit: ‘et vous ne profanerez pas’, pourquoi le texte ajoute-t-il: ‘je serai sanctifié’ ? Livre-toi [à la mort] et sanctifie mon nom! J’aurais pu penser qu’il fallût le faire seul. Aussi est-il écrit: ‘au milieu des fils d’Israël’. Et quand on se livre, on doit être prêt à la mort, car quiconque se livre au martyre en comptant sur un miracle ne bénéficiera pas d’un miracle. C’est ce que nous trouvons chez ‘Hanania, Michael et ‘Azaria, qui n’ont pas affronté le martyre en comptant sur un miracle, comme il est écrit : ‘Le Seigneur que nous adorons est capable de nous sauver […] et sinon, sache, ô roi, que nous n’adorerons pas tes divinités’  » (Daniel 3, 17 et 18). En d’autres termes : Qu’Il nous sauve ou qu’Il ne nous sauve pas, sache… ‘ » (Rashi sur le verset Lévitique 22: 32).

Alors qu’à la parashah précédente, la parashat Qedoshim, nous avons appris que la sainteté relevait du principe de Vie, la parashat Emor, selon le commentaire de Rashi, relève, quant à elle, de la mort.

Comment expliquer cette apparente contradiction et concilier les deux thèses, la sanctification du Nom pour la Vie ou bien la mort pour la sanctification du Nom ?

Si en effet, la Torah s’oppose catégoriquement à la mort pour sanctifier le Nom de l’Eternel, néanmoins, les Sages d’Israël[2], sur la base de la source biblique (Lévitique 22: 32) s’accordent unanimement pour affirmer que le fait de sacrifier sa vie constitue dans trois cas une mitsvah, une ordonnance divine: « יֵיהָרֵג וּבַל יַעֲבוֹר/Yehareg OuVal Yaavor, se faire tuer plutôt que de transgresser. »

Quels sont ces trois cas ?

Ces trois cas relèvent de trois interdits fondamentaux qu’aucun Hébreu/ Juif ne doit enfreindre, et ce, quelles qu’en soient les circonstances: « Tu ne tueras point לֹא תִרְצָח » (Exode 20: 12; Deutéronome 5: 16), (interdiction de faire couler le sang, אִיסּוּר שְׁפִיכוֹת דָּמִים Issour Shephikhout Damim); interdiction de transgresser les règles concernant les unions interdites (אִיסּוּר עֲרָיות Issour Arayiot, Lévitique 18), et l’interdiction de rendre un culte païen (אִיסּוּר עֲבוֹדָה זָרָה Issour Avoda Zarah, Exode 20: 3; Deutéronome 5: 7).

A ces trois cas de sanctification du Nom divin, l’on peut rajouter, depuis la naissance de l’Etat d’Israël, celui de se battre corps et âme pour son pays.

Cette sanctification du Nom divin, à distinguer du Shahid musulman se sacrifiant (cherchant la mort) afin de témoigner de sa fidélité à la Parole d’Allah, vise à glorifier la Vie. Ce désir de se battre corps et âme et de tout donner de sa personne témoigne d’une volonté profonde de préserver la Vie, aussi bien la sienne que celle de ceux qui seraient attaqués !

Tous les soldats et toutes les soldates, engagés dans Tsa’hal depuis le 7 octobre, s’ils sont conscients qu’ils engagent leur propre vie, savent que leur combat au front est celui de tout un peuple menacé sur le plan existentiel. C’est toujours la vision de la Vie qui l’emporte. La mort, si elle arrive, n’est jamais désirée. Elle est alors sublimée par la cause juste de défendre le peuple d’Israël qui a recouvré son indépendance politique et spirituelle. Ainsi l’exprima Golda Meïr, en son temps :

ש « בַּיּום שֶׁהָעֲרָבִים יאהֲבוּ אֶת הַיְּלָדִים שֶׁלָהֶם יותֵר מֵאֲשֶׁר הֶם שׂונְאִים אותָנוּ, יִהְיֶה שָׁלום. » (גולדה מאיר)

« Le jour où les Arabes aimeront leurs enfants plus que ce qu’ils nous haïssent, alors il y aura la Paix » (Golda Meïr).

Est-ce à dire que ceux qui nous haïssent ne s’aiment pas eux-mêmes ? Qu’ils n’aiment pas leur vie ? Cela semblerait expliquer pourquoi ils prennent la mort, voire le suicide, à la légère et en font leur objectif suprême…

Notons que la sanctification du Nom tend vers un but ultime en Israël: la Vie du peuple d’Israël sur sa terre:

לג הַמּוֹצִיא אֶתְכֶם מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם לִהְיוֹת לָכֶם לֵאלֹהִים  אֲנִי יְהוָה. (ויקרא כב: לג).
33 …qui vous ai fait sortir du pays d’Egypte pour devenir votre Seigneur: Je suis l’Éternel. » (Lévitique 22: 33).

 

Notre combat, le combat d’Israël, est celui de la Liberté et de son indépendance ! Le combat du peuple d’Israël, son combat éperdu, corps et âme, a pour raison primordiale de recouvrer et préserver sa fière Liberté et la conserver précieusement pour les générations futures.

Le verbe « VeNikdashti /וְנִקְדַּשְׁתִּיet je serai sanctifié » (Lévitique 22: 32) est mentionné quatre fois par le prophète Ezéchiel (Ezéchiel 20: 41; 28: 22; 25; 39: 27). Le prophète Ezéchiel, contrairement à Rashi, ne met point l’accent sur la notion de sacrifice par la mort, qu’il soit individuel ou collectif, du peuple, mais sur le retour des fils d’Israël sur la terre d’Israël, אֶרֶץ יִשְׂרָאֵל, Erets Israël, promise aux Patriarches d’Israël, pour qu’ils accomplissent les mitsvoth du Seigneur d’Israël.

Ce retour des fils d’Israël témoigne de la sanctification du Nom, c’est-à-dire de la véracité, de l’accomplissement de la Parole de l’Eternel qui a promis depuis Avraham le Patriarche que les Hébreux, et la tribu de Juda par la suite, retourneraient sur la terre de leurs ancêtres et, ainsi, Israël témoigne de la Gloire divine parmi les Nations :

כה כֹּה-אָמַר אֲדֹנָי יְהוִה בְּקַבְּצִי אֶת-בֵּית יִשְׂרָאֵל מִן-הָעַמִּים אֲשֶׁר נָפֹצוּ בָם וְנִקְדַּשְׁתִּי בָם לְעֵינֵי הַגּוֹיִם וְיָשְׁבוּ עַל-אַדְמָתָם אֲשֶׁר נָתַתִּי לְעַבְדִּי לְיַעֲקֹב. (יחזקאל כח: כה)

25 Ainsi parle l’Eternel le Seigneur: « Quand je rassemblerai la maison d’Israël d’entre les peuples chez qui ils ont été dispersés, Je me sanctifierai par eux aux yeux des nations, et ils demeureront sur le territoire que j’ai donné à mon serviteur Jacob. » (Ezéchiel 28 : 25).

Shabbat shalom!

[1] Parashat Emor: Lévitique 21: 1-24: 23.
[2] Talmud de Babylone, Traités San’hedrin 74, a; Berakhot 21, b; Meguilah 23, b.

à propos de l'auteur
Diplômé de l’Institut des Civilisations et Langues Orientales de Paris (INALCO) et certifié de l’Institut Catholique de Paris (ICP) enseigne la Bible (TaNa’Kh), sa langue, son éthique et son histoire. Installé, depuis son Alya en 1989 à Ashkelon, il participe activement au refleurissement d'Erets Israël. Végétarien par conviction morale, Haïm rêve d'une ère nouvelle où les grandes spiritualités pourraient se rencontrer en vue d'instaurer un monde meilleur. Convaincu que le retour du peuple d’Israël en Erets-Israël annonce la restauration de l'idéal de fraternité abrahamique, il encourage le dialogue interreligieux dans le respect de l'autre
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