Parashat BeHar, Méditation sur la Liberté

Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.

La parashat BeHar[1], très courte, délivre toutefois un message fort concernant la Liberté.

Si, certes, nombreux sont les peuples à s’être battus pour leur Liberté, il n’est pas d’autre peuple que le peuple d’Israël qui se soit, tout au long de sa longue histoire quatre fois millénaire, battu autant pour y accéder. Ainsi, si le livre de l’Exode s’ouvre sur la servitude des fils d’Israël, le livre du Lévitique se referme sur le devoir pour tout maître de rendre la Liberté à son serviteur :

י וְקִדַּשְׁתֶּם אֵת שְׁנַת הַחֲמִשִּׁים שָׁנָה וּקְרָאתֶם דְּרוֹר בָּאָרֶץ לְכָל-יֹשְׁבֶיהָ יוֹבֵל הִוא תִּהְיֶה לָכֶם וְשַׁבְתֶּם אִישׁ אֶל-אֲחֻזָּתוֹ וְאִישׁ אֶל-מִשְׁפַּחְתּוֹ תָּשֻׁבוּ. (ויקרא כה: י)

10 Et vous sanctifierez cette cinquantième année, en proclamant, dans le pays, la Liberté pour tous ceux qui l’habitent : cette année sera pour vous le Jubilé, où chacun de vous rentrera dans son bien, où chacun retournera à sa famille. (Lévitique 25 : 10).

La Torah met une limite à la servitude. Cette limite se rapporte au temps. A la cinquantième année, tous les hommes, femmes et enfants soumis à l’esclavage doivent recouvrer leur liberté individuelle et regagner leur terre et leurs proches. Nul homme ne peut s’accaparer la liberté d’autrui.

Le bien le plus précieux dont puisse jouir l’Homme n’est ni l’argent, ni les honneurs mais la Liberté !

Cette Liberté – dror, דְּרוֹר si chère à toutes les nations et à tous les peuples, combien de sang a-t-elle fait couler ? La Liberté dror, דְּרוֹר –constitue l’un des thèmes principaux du prophète Jérémie. Le mot dror דְּרוֹר y apparaît pas moins de quatre fois, alors qu’il n’est cité que neuf fois dans l’ensemble de la Bible- TaNaKH[2]) :

טו וַתָּשֻׁבוּ אַתֶּם הַיּוֹם, וַתַּעֲשׂוּ אֶת-הַיָּשָׁר בְּעֵינַי, לִקְרֹא דְרוֹר אִישׁ לְרֵעֵהוּ וַתִּכְרְתוּ בְרִית לְפָנַי בַּבַּיִת אֲשֶׁר-נִקְרָא שְׁמִי עָלָיו. טז וַתָּשֻׁבוּ וַתְּחַלְּלוּ אֶת-שְׁמִי, וַתָּשִׁבוּ אִישׁ אֶת-עַבְדּוֹ וְאִישׁ אֶת-שִׁפְחָתוֹ אֲשֶׁר-שִׁלַּחְתֶּם חָפְשִׁים לְנַפְשָׁם וַתִּכְבְּשׁוּ אֹתָם לִהְיוֹת לָכֶם לַעֲבָדִים וְלִשְׁפָחוֹת. יז לָכֵן, כֹּה-אָמַר יְהוָה אַתֶּם לֹא-שְׁמַעְתֶּם אֵלַי לִקְרֹא דְרוֹר אִישׁ לְאָחִיו וְאִישׁ לְרֵעֵהוּ הִנְנִי קֹרֵא לָכֶם דְּרוֹר נְאֻם-יְהוָה אֶל-הַחֶרֶב אֶל-הַדֶּבֶר וְאֶל-הָרָעָב וְנָתַתִּי אֶתְכֶם לזועה (לְזַעֲוָה) לְכֹל מַמְלְכוֹת הָאָרֶץ. (ירמיהו לד: טו-יז).

15 Pour vous, vous vous étiez amendés un certain jour, en faisant ce qui est juste à mes yeux, en proclamant la Liberté de vos frères ; vous en aviez contracté l’engagement devant moi, dans la maison qui porte mon nom. 16 Puis, vous ravisant, vous avez outragé mon nom, et chacun a repris son esclave et chacun sa servante, que vous aviez rendus, libres, à eux-mêmes, et vous les avez contraints à redevenir vos esclaves ! 17 C’est pourquoi ainsi parle l’Eternel : Vous ne m’avez point obéi, vous, quand il s’agissait pour chacun de proclamer la Liberté de son frère, de son prochain ; eh bien ! Moi, dit l’Eternel, je vais proclamer contre vous la liberté du glaive, de la peste et de la famine, et je ferai de vous un objet d’épouvante pour tous les royaumes de la terre. (Jérémie 34 : 15-17).

La colère du prophète Jérémie s’abat avec véhémence sur les riches propriétaires fonciers qui, eux-mêmes appartenant à Israël, ne font montre d’aucun scrupule à rappeler leurs serviteurs l’année du Jubilé. Comment ceux-là mêmes dont les aïeux ont tant souffert de l’esclavage s’octroient-ils le droit de ramener par la coercition leurs propres frères à l’esclavage, sur le modèle de Pharaon, alors que les Hébreux s’apprêtent à sortir d’Egypte ? La source biblique va jusqu’à considérer cette négation de la Liberté comme un ‘Hilloul HaShem חִילּוּל הֶשֵּׁם, une profanation du Nom divin, un outrage à l’encontre de la Divinité on ne peut plus grave.

Mais en quoi le fait de nier la Liberté d’autrui constitue-t-il un outrage et une profanation du Nom divin ?

Si l’on considère que tout Homme porte en son être le plus profond, le sceau divin lui prodiguant sa propre singularité de créature douée de libre-arbitre, alors toute atteinte à son intégrité physique et mentale constitue une grave atteinte à l’Unité divine. La reconnaissance de l’Unité divine, pilier de la croyance d’Israël, s’inscrit avant tout et surtout dans le respect d’autrui où justement se reflète la toute singulière Présence du Divin.

La dimension tragique du 7 octobre révèle la monstruosité – nous n’avons pas assez de mots pour le dire – des terroristes du Hamas et de la majorité de la population de Gaza. Leur but avoué : nier Israël, l’éradiquer dans ce qu’il a de plus cher, sa Liberté. Dans la courte vidéo[3] devenue virale dans le monde entier, témoignant de l’horreur indicible perpétrée par le Hamas à l’encontre des soldates éclaireuses de Tsahal à Na’hal Oz, l’on voit et entend des terroristes crier qu’ils feront de ces jeunes filles juives israéliennes des « esclaves sexuelles ». La sourate 23 « Al Muminune, les croyants » du Coran encourage les hommes à « connaître leurs femmes légitimes et leurs esclaves [femmes] ».

Alors même que l’ensemble du peuple d’Israël en Israël et en diaspora pleure ses enfants et ses proches encore aux mains ensanglantées du Hamas, le procureur général Karim Khan de la Cour Pénale Internationale vient de soumettre une requête pour la délivrance d’un mandat d’arrêt international contre le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et son ministre de la Défense Yoav Galant pour des crimes apparentés à un génocide systématique contre la population de Gaza. La Cour Pénale Internationale, en diabolisant Israël, seul Etat démocratique de la région, et en mettant ses dirigeants sur le même plan que ceux du Hamas, vise à isoler Israël.

Le grand commentateur médiéval, Rashi, rapporte le sens du mot  » דְּרוֹר dror Liberté » selon Rabbi Yehoudah :

« מַהוּ לְשׁוֹן ‘דְּרוֹר’? כִּמְדַיַּר בֵּי-דְיָרָא וְכוּ’, שֶׁדָּר בְּכָל מָקוֹם שֶׁהוּא רוֹצֶה וְאֵינוֹ בִּרְשׁוּת אֲחֵרִים. » (תלמוד בבלי, ראש השנה ט: ב)

« Que signifie le mot ‘דְּרוֹר Liberté’ ? C’est celui qui a le droit d’habiter en n’importe quel logement (דְיָרָא dayyara), qui habite là où il veut et n’est pas tributaire d’autrui » (Talmud de Babylone, Rosh HaShana 9: b).

Nous gardons toutes et tous en Israël le vif espoir d’une imminente libération des otages.

ד  גַּם-צִפּוֹר מָצְאָה בַיִת וּדְרוֹר קֵן לָהּ אֲשֶׁר-שָׁתָה אֶפְרֹחֶיהָ אֶת-מִזְבְּחוֹתֶיךָ יְהוָה צְבָאוֹת מַלְכִּי וֵאלֹהָי. (תהלים פד: ד).

4 Même l’oiseau trouve un abri, et le moineau fait son nid où il dépose ses oisillons. [Moi, je rêvais] de tes autels, Eternel-des Armées, mon roi et mon Seigneur. (Psaume 84 : 4).

[1] Parashat Behar: Lévitique 25: 1-26: 2.
[2] Lévitique 25: 10 – Jérémie 34: 8; 15; 17- Ezéchiel 46: 17; Psaume 84: 4 et Proverbes 26: 2. La première des neuf occurrences en Exode 30: 23 se réfère à la myrrhe, plante aromatique entrant dans la composition de l’huile d’onction. Quant aux deux dernières références, le mot דְּרוֹר dror signifie « moineau » (Oiseau de la Liberté).
[3] Vidéo d’une durée de 3 minutes et 10 secondes dont les images ont été filmées par les terroristes du Hamas eux-mêmes.

Shabbat shalom !

à propos de l'auteur
Diplômé de l’Institut des Civilisations et Langues Orientales de Paris (INALCO) et certifié de l’Institut Catholique de Paris (ICP) enseigne la Bible (TaNa’Kh), sa langue, son éthique et son histoire. Installé, depuis son Alya en 1989 à Ashkelon, il participe activement au refleurissement d'Erets Israël. Végétalien par conviction morale, Haïm rêve d'une ère nouvelle où les grandes spiritualités pourraient se rencontrer en vue d'instaurer un monde meilleur. Convaincu que le retour du peuple d’Israël en Erets-Israël annonce la restauration de l'idéal de fraternité abrahamique, il encourage le dialogue interreligieux dans le respect de l'autre
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