Panier de crabes vs Dinosaures
Cher peuple d’Israël, il n’est pas facile de contrer ceux qui vous attaquent, y compris ceux qui vous reprochent de ne pas vous défendre contre les attaques dont vous êtes l’objet, bien qu’en même temps l’on vous reproche souvent de vous défendre contre de vraies attaques, armées, meurtrières, lorsque vous défendez seuls vos vies.
Il se conçoit qu’entre protéger ses enfants contre des roquettes et monter au front contre un article du Monde, qu’entre empêcher une bombe de sauter dans un bus et rectifier les propos de la radio belge, vous avez choisi les priorités les plus évidentes.
La diaspora est, elle, confrontée quotidiennement à une désinformation qui a fait œuvre, un récit devenu vérité historique, un prêt à penser qu’adoptent même certains Juifs, mais sa situation est plus confortable, bien qu’elle devienne dangereuse.
Il est navrant de voir, ici en Europe, comment s’expriment ceux qui vous défendent. Dans la presse juive, sur les dépotoirs d’égos cybernétiques, dans des assemblées de parlote, on est constamment surpris du niveau lamentable, du vocabulaire malheureux et de la pauvre logique qui se met en branle pour faire valoir des points de vue qui nous sont communs.
Pourquoi faut-il défendre Israël sans être citoyen de ce pays ? Parce que c’est la moindre des choses à faire, surtout pour les paresseux – dont je me plais à faire partie – qui n’ont pas à s’occuper des réunions de copropriétaires, ni du service d’ordre et encore moins de la transmission du patrimoine.
Même pour un antisémite, Israël est une bénédiction, en ce que l’existence d’un État nation pour le peuple Juif garantit la perpétuation du judaïsme, sans lequel l’antisémitisme n’aurait rien d’aussi croustillant à se mettre sous la dent.
Mais, pour en revenir à ceux qui, Juifs ou non, défendent les positions israéliennes, ils se divisent, de manière binaire, en deux catégories : le panier de crabes et les dinosaures. Le talent, si tant est que cette qualité ait un intérêt, est parfois présent, sous forme de pépites éparses, du côté du panier de crabes.
Les dinosaures – catégorie dans laquelle nous pouvons ranger les essayistes rigoureux, les analystes réfléchis et les historiens prudents – s’expriment pour un public constitué de leurs propres congénères, qui opinent du cou sans influer sur beaucoup d’opinions.
Un article récent du Dr. Manfred Gerstenfeld [Médias européens : des décennies de mensonges sur Israël] fait avec une grande clarté état des décennies de désinformation sur Israël ; dans une brillante analyse parue le 13 juin dernier dans The Times Of Israël, Haviv Rettir Gur résume tout aussi clairement le manque d’entrain du gouvernement israélien à lutter contre BDS [BDS : Israël parle mais n’agit pas]. Quelle est la portée de ces articles limpides sur le téléspectateur des JT français ? Ou sur les rédacteurs de l’AFP ? La réponse est dans la question.
Or, pour le prix d’un seul missile Tamir (mais avec une TVA à 21%), il serait possible d’intercepter bien des ogives et d’inverser les tendances.
Il s’agit d’éduquer, et éduquer, en cette époque de l’information basique et multicolore, nécessite de parler aux masses comme si l’on s’adressait à de tout petits enfants ; et si ces masses sont constituées des jeunes gens qui, demain, dirigeront le monde, il faut leur parler un langage de jeunes, très très simple, en leur montrant qui est branché et qui est ringard, puisque c’est souvent tout ce qui les intéresse.
Qui sont les méchants. Comment le gentil passe pour un méchant, comme dans les films à suspense (les films à suspense où le gentil est pris pour un méchant – il faut répéter pour bien se faire comprendre – les films à suspense où même le spectateur doute et prend le gentil pour un méchant). Bref, il faut travailler le pitch, et un pitch, c’est un exercice qui exige du talent, des connaissances et de la rigueur.
Créer une petite industrie médiatique pour inverser les tendances, cela ne coûte pas très cher. Je suis assez tenté de laisser mon numéro de compte en banque en signature de cet article.
La lecture de la « presse juive » francophone est désolante. Entre excès, arguments mal tricotés et fautes d’orthographe, on assiste à des urgences et des crises de panique trop rapidement expédiées sur les réseaux ; les réseaux sociaux eux-mêmes sont un dépotoir à invectives sans autre effet qu’une pollution sans produit dont elle serait la source.
Mais surtout, le théâtre de la défense d’Israël ne s’adresse qu’à un public convaincu. Or, ce sont les prochaines Morgerini, les prochains dirigeants des supermarchés boycotteurs, les futurs rédacteurs en chef des quotidiens nationaux qu’il faut empêcher de continuer à croire à ce qui est pour eux devenu un dogme à force d’en avoir été abreuvé. Il y a du boulot. Il faut le faire. Il faut bien le faire. Je vais finir par laisser mon numéro de compte pour de bon au bas de cet article.