Ouradour : l’histoire oubliée…

L’acte révisionniste perpétré à Oradour-sur-Glane est tout aussi odieux que stupide puisqu’il nie des faits dont la réalité ne saurait être mise en doute. Le vacarme, tant médiatique que politique, suscité par ce dernier est lui tout aussi dérangeant puisque masquant un pan d’une histoire bien plus complexe qu’il n’y parait.
Si la 2eme division SS Das Reich a effectivement commis ce crime, ainsi que bien d’autres, aucun propos tenu ne précise que cette unité n’était pas seulement composée de soldats allemands puisque cette dernière comprenait également treize Alsaciens et un engagé volontaire.
Il est vrai que l’annexion de l’Alsace au sein de la Grossdeutschland, le 18 octobre 1940, a fait de cette région un territoire allemand au point qu’y fut installé le camp de concentration de Natzweiler-Struthof.
Il est également vrai que 103 000 Alsaciens et 31 000 Mosellans furent incorporés de force dans l’armée allemande, et que toute tentative de désertion entrainait d’immédiates représailles sur leurs familles.
Ces « Malgré-nous » étaient donc dans une situation complexe, obligés d’accomplir des exactions particulièrement ignobles sous peine d’être exécutés et de voir leurs familles déportées. Les nazis prenaient également bien soin de les incorporer en petit nombre dans des unités composés en majorité d’allemands.
Les crimes atroces commis à Oradour ne furent donc pas que le fait de nazis allemands mais également celui de français dont la responsabilité fut reconnue lors d’un procès célèbre qui se déroula à Bordeaux en janvier 1953. Les treize incorporés de force furent condamnés à des peines de six à huit ans de prison et l’engagé volontaire, Georges René Boos à la peine de mort.
Le sentiment d’injustice et d’humiliation ressenti en Alsace fut tel, et les réactions si fortes, qu’une loi d’amnistie annulant la responsabilité des condamnés fut promulguée seulement neuf jours après le jugement.
Si le drame d’Oradour fut bien l’histoire d’un crime odieux de la barbarie nazi, ce ne fut pas que cela. C’est également la douloureuse histoire d’une responsabilité nationale conséquence directe d’un armistice qui acceptait de fait l’annexion allemande d’une région entière.
En reconnaissant, dans son discours du 16 juillet 1995, la responsabilité de la France dans la politique de collaboration, Jacques Chirac a mis un terme au roman national imposé par le gaullisme, au nom de l’unité du pays, qui aurait fait du régime de Vichy une parenthèse exclue d’une histoire qui ne se serait déroulée qu’à Londres.
Cette page particulièrement douloureuse de notre histoire ne s’est pas écrite qu’en noir et blanc. Elle est malheureusement parcourue de zones grises qui doivent nous questionner sur le sens du terme « responsabilité », qu’elle soit individuelle ou collective.
L’horreur absolue du nazisme a été d’abolir cette dernière par le fait d’un système destructeur faisant un bourreau d’un bon père de famille comme l’a si justement montré La liste de Schindler.
Peu importe que la main qui a mis le feu à l’église d’Oradour ai été française ou allemande, l’important est de démonter le mécanisme qui a pu ôter toute humanité à cette dernière afin que jamais il ne puisse jamais se reproduire.