Otages israéliens tués : « Compassion et condamnations à géométrie variable »

Cette combinaison de six photos non datées des otages, en haut à gauche, Hersh Goldberg-Polin, Ori Danino, Eden Yerushalmi ; en bas à gauche, Almog Sarusi, Alexander Lubnov, et Carmel Gat. (Crédit : Forum des familles des otages et disparus via AP)
Cette combinaison de six photos non datées des otages, en haut à gauche, Hersh Goldberg-Polin, Ori Danino, Eden Yerushalmi ; en bas à gauche, Almog Sarusi, Alexander Lubnov, et Carmel Gat. (Crédit : Forum des familles des otages et disparus via AP)

Cette chronique est écrite dans l’avion Air France qui me ramène ce dimanche de Tel Aviv vers Paris. L’aéronef survole des nuages qui annoncent l’orage pour mes deux chers pays. En Israël, on apprenait peu avant le départ que les corps des six otages capturés et détenus par le Hamas avaient été retrouvés dans un tunnel, sans vie. Les terroristes les avaient assassinés peu avant, de sang-froid.

Serait-ce l’effet de mon imagination, mais il ne m’apparaît pas qu’en France, les réactions médiatiques et politiques aient été à la hauteur de cette nouvelle infamie. Toujours selon ma propre perception, compassion et condamnation seraient réparties en fonction de la population. Ou plus exactement de la nation. L’État-nation occidental démocratique en Orient n’étant aucunement traité à la même aune que les pays ou les organisations d’Orient. Fussent-elles terroristes. Pour le premier, l’esprit critique. Avec alacrité. Pour les seconds, l’indulgence béante. Et béate.

S’ajoute à cela l’obsession de la question juive qui fait que le conflit soudanais qui a fait des dizaines de milliers de morts et plus de dix millions de déplacés est totalement occulté. Le Monde, citant Médecins sans frontières reconnaissait pourtant en juin qu’il s’agissait de «l’une des “pires crises” humanitaires depuis des décennies». Mais ce fait est insuffisant pour lui consacrer les articles que ses victimes méritent.

Il faudrait pointer du doigt, comme l’a fait Le Figaro, la responsabilité des milices arabes Janjawid qui avaient déjà autrefois martyrisé le Darfour. Mais les morts noirs n’intéressent pas l’idéologie médiatique quand on ne peut accabler les blancs. Et j’en reviens ainsi à mon État-nation occidental d’Orient, qui inspire plus de mots… Des mots au demeurant chaque fois plus obscènes.

En 1975, l’ONU et sa majorité automatique votèrent que le sionisme était un racisme. Avant d’effacer plus tard son obscénité. Les années 2000, sous l’impulsion d’ONG gauchisantes dévoyées, telle qu’Amnesty, décrétèrent contre l’évidence qu’Israël pratiquait un régime d’apartheid. Peu importe l’évidence, le plaisir étant précisément dans l’outrance. Mais le 7 octobre et ses suites tragiques ont permis aux porteurs de haine de pratiquer un saut qualitatif infernal pour marquer au fer rouge l’État judéo-blanc honni.

Je veux parler du mot « génocide » qu’un parti comme La France Insoumise utilise impunément comme s’il évoquait la pluie et le beau temps. J’avais prévu dès le 10 octobre dans mon Journal de Guerre que l’État Juif pogromisé serait bientôt nazifié. La riposte forcément brutale et meurtrière à l’intérieur d’un territoire exigu contre une organisation terroriste qui joue cyniquement à qui perd gagne avec sa malheureuse et impuissante population bouclier, de préférence dans les hôpitaux et les écoles, ne pouvait que sécréter un tel poison mortel.

Et mes comparaisons avec les avions alliés bombardant sans merci l’Allemagne et la France occupée sans pour autant faire renvoyer Churchill et Roosevelt à Nuremberg, ne pouvaient passer que pour vaines arguties. On ne peut résister à la force du courant de haine quand il souffle de Columbia à Colombes en passant par Alger.

Mais à ce stade verbal terminal, je tiens à écrire que l’accusation de génocide appliquée sadiquement à l’état du peuple de la Shoah, victime du Grand Pogrom, correspond très exactement en notre période mécréante postchrétienne à l’accusation du peuple déicide des temps de grande croyance. On connaît ses effets du passé, on peut sans être devin, deviner le futur.

J’approche de Paris, au-dessus de ma France, tout autant de sombres cumulus. Je l’avais quittée après la funeste décision de dissolution. L’intelligence politique se fait niaise quand elle est narcissique. Il y eut encore pire : un front républicain favorisant l’élection d’authentiques représentants du fascisme d’extrême gauche. Dans l’acception galvaudée du terme évidemment.

Mais pourquoi se gêner, quand le mot a été utilisé ad nauseam pour discréditer la droite ? Aujourd’hui, j’affirme que la violence, l’antisémitisme, l’intolérance ont traversé la rue et habitent sur le trottoir de gauche. Que le Parti socialiste et la macronie aient pu, dans le cadre d’un jeu pervers de désistement, favoriser l’élection des plus extrémistes parmi les extrémistes, en période inflammable, me paraît impardonnable.

Et comme si ce malheur ne suffisait pas, la France hérite d’une Assemblée ingouvernable. Et qui ne pourra pas être correctement gouvernée. Nous voilà donc contraints, faute de mieux et par peur du pire, de nous remettre entre les mains d’un président dont la parole et les actes ne valent pas mieux que l’économie du pays. Et je n’évoquerai ici ni les syndicats ni les meneurs de rues, ni l’immigration invasive qui va se poursuivre impunément, pour ne pas désespérer mon lecteur définitivement.

C’est dans ce contexte consternant qu’une femme de gendarme tué par un étranger délinquant récidivant ou le père d’une petite fille sacrifiée par un chauffard laissé en liberté, lui aussi écœuré par le laxisme politique et judiciaire, ont laissé éclater leur ressentiment. Il peut arriver que la colère d’un père soit bonne conseillère. Je suis presque arrivé, si j’ose dire, à bon port. Les nuées qui obscurcissent les cieux et annoncent l’orage sont-elles si différentes d’où je viens et où je vais ?

Chronique publiée sur LE FIGARO le 02/09/2024. Avec l’aimable autorisation de l’auteur.

à propos de l'auteur
Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain.
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