Opération survie

Ouverture de la session d'été de la Knesset, le parlement israélien, à Jérusalem, le lundi 9 mai 2022. AP Photo/Maya Alleruzzo)
Ouverture de la session d'été de la Knesset, le parlement israélien, à Jérusalem, le lundi 9 mai 2022. AP Photo/Maya Alleruzzo)

La Knesset a repris ses travaux le 9 mai pour sa session d’été. Depuis la session d’hiver, quelque chose a changé. La coalition n’a plus de majorité. Après le départ de sa présidente, Idit Silman, elle ne dispose plus que de 60 voix et est à la merci de la moindre défection.

Celle-ci pourrait résulter du départ de l’un des membres de coalition (un « déserteur »), mais cela parait peu probable. Le danger pourrait venir de deux partis membres de la coalition. Au sein du parti du Premier ministre, Yemina, sur six députés, trois (Abir Kara, Nir Orbach, Ayelet Shaked), coordonnent leurs positions en vue de faire prendre par le gouvernement des mesures très à droite. Par la suite, ils pourraient quitter leur parti et former un groupe parlementaire, ce qui reviendrait à faire tomber le gouvernement.

Le danger pourrait aussi venir du parti islamo-conservateur, Ra’am, qui a déjà suspendu sa participation à la coalition, et demande pour y revenir que soit redéfini le statut du Mont du Temple en concertation avec la Jordanie. En fait, la situation au sein de ce parti est très compliquée : son président, Mansour Abbas, ne souhaite pas quitter la coalition.

En décidant de la rejoindre l’an dernier, il a pris une décision qui n’avait rien de tactique. Il entendait inscrire son action en faveur de la communauté arabe dans le cadre d’un soutien à l’action gouvernementale, une forme de participation pleine et entière à la prise de décision. Mais au sein de son parti, deux des quatre députés font pression pour qu’il prenne des positions plus classiques sur le Mont du Temple, la solution à deux Etats etc.

Le gouvernement tient à un fil. Dès cette semaine, une proposition de dissolution de la Knesset pourrait être déposée par l’opposition. Mais, elle y réfléchira à deux fois, car si elle n’est pas adoptée, cela lui interdirait d’en déposer une autre dans les six mois. Ce qui ne signifierait pas une victoire pour le gouvernement. Pendant toute cette session, il aura du mal à faire adopter des lois, et devra éviter les pièges que l’opposition ne manquera pas de lui tendre.

En fait, les esprits sont déjà ailleurs. Le parti Meretz propose au Parti travailliste de former un grand parti social-démocrate. Il a essuyé une fin de non-recevoir. A droite, on prête au député Amichaï Chikli, déclaré démissionnaire du parti Yemina, le projet de constituer un nouveau parti avec Boaz Bismuth, l’ancien directeur du journal Israel ha Yom.

On l’aura compris : pendant l’opération survie que le gouvernement tente au cours de cette session d’été, on envisage déjà l’issue la plus probable de la crise : de nouvelles élections. Le problème est que d’après les sondages, elles ne dégageraient toujours pas de majorité. L’opération survie risque de durer longtemps.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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