One Family Fund, « le pouvoir d’être ensemble »

Que signifie « The Power of Together » pour affronter cette guerre de Simhat-Torah ? En Israël, comment les victimes du terrorisme, les soldats blessés, les ex-otages, les orphelins, les familles endeuillées, peuvent-ils survivre et se reconstruire un avenir via une communauté de solidarité protéiforme et ultra réactive ? Pour vivre cette thérapie du partage de la joie et de la tristesse, voici un voyage au cœur de la base arrière, une journée dans le Sud d’Israël avec l’association One Family Fund.

Depuis le 7 octobre, reste pour dix millions d’Israéliens, un traumatisme à vif, qui se déploie chaque jour en direct. Les héros de Tsahal, les obsèques dédiées à la force et à l’espoir, les 6 000 soldats miraculeusement exfiltrés des zones de combat, sauvés du pire mais blessés, amputés, handicapés. Plus la tragédie toujours en cours des otages encore détenus à Gaza, plus les femmes victimes des crimes sexuels commis par les terroristes, qu’elles soient vivantes ou décédées ou encore prisonnières du Hamas et du Djihad islamique. Outre les trois fronts d’une guerre de haute intensité, ouverts à Gaza, au Sud Liban et en Judée-Samarie, l’Etat hébreu doit aussi veiller à héberger 200 000 réfugiés et aussi gouverner face aux bonnes et mauvaises nouvelles venues des tunnels, des roquettes, des missiles, des infiltrations ou des concertations diplomatiques. Le tout commenté et analysé au jour le jour par les rabbins, à la lumière de la Torah lors des conférences, des zooms, des célébrations et des Shabbatot.

Il y a la face cachée, la base arrière, c’est à dire tout un pays, mobilisé comme une seule famille, engagée dans un extraordinaire mécanisme de survie. Comme le dit le rabbin Menahem Akerman, « cette guerre est une leçon de Torah donnée au monde entier concernant la morale hébraïque qui permet de clarifier les valeurs. » Voici le récit d’une journée vers Ashdod, Netivot et Ofakim avec les coordinatrices bénévoles Adi et Tsophiat de l’association One Family Fund.

A Ashdod, nous rencontrons le père d’Ilan-Noam, jeune héros de 20 ans, tout juste sélectionné pour rejoindre la prestigieuse Brigade d’infanterie Golani et qui est mort le 7 octobre à Kizufim. Même s’il reste ses trois frères et leurs jeunes enfants, cette famille est en état de choc. Pourquoi ? Parce que cette unité compte déjà 70 soldats et officiers décédés au combat à Gaza ces derniers mois dont son commandant Tomer Grinberg. Soit plus de morts fin décembre, que pendant les guerres des Six jours et de Yom Kippour réunies. Que la base de commandement Golani de Nahal Oz avait été attaquée en premier, laissée nue désarmée privée de ses systèmes de surveillance et d’informatique, foudroyés dès la première heure de l’invasion.

Ilan-Noam appelé en urgence à Kizufim, avec un autre camarade de Golani, armés seulement de leurs pistolets, ont tué à eux deux beaucoup de terroristes, récupéré des armes, et ce jusqu’à la fin dernière de leurs munitions. Alors on devine l’ampleur de la déception, de la stupéfaction, quand le grand-père de cinq petits enfants nous dit : « la douleur reste là-haut et pas possible de monter jusque-là. La veille du samedi 7 octobre, je me sentais mal et j’ai pensé que quelque chose de terrible allait arriver. Mais le bon Dieu nous as dit ce sera votre pays, Il l’a donné à Abraham et jusqu’à maintenant Sa promesse a été tenue. Mais quand on n’est pas ensemble ici, il y a des guerres. Je suis certain que quant mon fils a été tué en héros cela a été le meilleur moment de toute sa vie. » Il faut savoir qu’en hommage à leurs morts, les soldats Golani engagés à Gaza, avaient tracé avec leurs véhicules blindés, une étoile de David géante sur l’esplanade d’un avant-poste terroriste du Hamas et du Jihad désormais site contrôlé par l’armée israélienne.

Ensuite l’équipe de One Family Fund a fait la connaissance de Kathy, la maman de Bar, 23 ans, décédée lors du festival Nova de Re’im. Elle et ses amis ont d’abord réussi à s’éloigner, à esquiver le danger pour ensuite se retrouver sous les tirs mortels des terroristes. Kathy : « J’ai vu les derniers instants de ma fille en vidéo, elle pleure, elle souffre atrocement et demande à mourir. Elle était partie avec ma voiture avec ses amis vers le festival juste après le repas de Shabbat. Quand les alarmes ont sonné, ils ont fui par la route mais les autorités leur ont dit de ne pas aller vers le kibboutz Beeri encore occupé par les terroristes du Hamas. Ils sont repartis et sont entrés en collision avec une voiture d’attaquants gazaouis qui leur ont tiré des rafales en criant qu’ils allaient les tuer. Ma fille déjà blessée a pris son courage, a repris le volant ils ont roulé mais elle a perdu le contrôle, elle a été aidée puis elle est morte. Avec ma fille, nous sommes une famille qui a toujours écouté beaucoup de musique. Mon fils a un bébé et nous avons fêté sa circoncision le matin et les obsèques de ma fille l’après-midi. Il faut finir vite toutes les affaires qu’on a avec Gaza remettre là-bas l’autorité militaire d’Israël et ne plus jamais laisser le pouvoir au Hamas. » Face au bilan du massacre du Festival Nova soit 364 morts, les familles de 42 victimes réclament 200 millions de shekels (50 millions d’€) à l’État. Pour ce procès civil les parents expliquent : « Un simple appel téléphonique de responsables de Tsahal aux responsables de la rave party de se disperser immédiatement, compte tenu du risque, aurait sauvé leur vie et évité des blessures physiques et mentales à des centaines de participants. »

Ensuite à Netivot nous avons rencontré Rachel la maman de Eliyahou, 31 ans et père de trois enfants, qui fait partie des policiers tués en héros au Commissariat de police de Sdérot. Que reste-t-il ? Un merveilleux petit film sur smartphone, quand la famille et les amis de Eliyahou sont venus lui souhaiter son anniversaire en juillet, à un carrefour de Sdérot, où il assurait la sécurité d’une manifestation. C’était la vie qui transcende toute réalité, l’explosion du bonheur, les embrassades, les ballons de la fête…Mais le samedi matin du 7 octobre, Rachel mère de Eliyahou, ressent elle-aussi un malaise comme une prémonition, elle s’isole pour prier. Quand elle apprend que « tous les policiers de Sdérot sont morts » elle tombe évanouie. Dans cet appartement, où Rachel nous reçoit avec son mari et sa fille, il y a un immense tableau qui représente les deux Eliyahou, le père de Rachel qui fût rabbin et son fils policier héros de Simhat-Torah. Sur cette photo récente, il a dans le regard d’Eliyahou, cette extraordinaire douceur et cette certitude au fond des yeux, les mêmes que celles des autres héros tombés pour Israël. Rachel : « Nos soldats ont la lumière dans le visage et les terroristes ont l’obscurité dans les yeux. »

A Ofakim, One Family Fund avait convié des jeunes veuves de guerre à échanger lors d’une session pilotée par un psychologue. Sarah qui a perdu son mari est mère de cinq enfants qui ont de 1 an à 14 ans: « être là ce soir  avec des gens qui vivent la même chose que moi, cela me donne de nouvelles directions auxquelles je n’avais pas pensé. Etre ici me donne des forces, de l’espoir, pour l’avenir, des forces pour les enfants, pour se lever pour eux le matin, pour sourire à mes enfants, pour moi. » Sarah quand on l’a rencontré une fois, on ne rêve que de la retrouver pour lui apporter toute la solidarité et le réconfort. C’est le quotidien de Tsoffiat, 35 ans, coordinatrice à One Family Fund et dont le mari, les deux frères, un beau-frère et le père sont tous en opérations avec Tsahal : « Chaque matin on se lève avec la même pression alors il faut être là pour eux. One Family Fund signifie être là, chacun de nous pour l’autre, nous avons les mêmes histoires. Mes amis, ma famille, mes copains me demandent mais comment peux-tu travailler là-dessus chaque jour ? Pour eux cette histoire est très triste mais quand les familles envoient des messages, des appels, des mercis, quand ils me confient comment One Family Fund a sauvé leurs vies, comme celles des autres parents de soldats disparus, d’enfants orphelins. La réunion de ce soir ? Quant on parvient à faire sortir de chez elle une femme veuve, qu’elle s’habille, qu’elle vienne ici, c’est déjà une réussite, un pas en avant. Nos soirées, nos événements sont comme des chargeurs de téléphone, tu donnes un petit peu de force et ça redémarre ! »

Les associations et les bénévoles comme ceux et celles de Brother for Life, de Latet, de Emotion Aid, de Yad Lakish, de l’Organisation Juive Européenne, du Coeur des Mamans, des Témoins de notre histoire, forment un vaste cercle sans frontière, soudé pour une solidarité maximum, automatique, immédiate, sans réelle ligne de séparation entre l’armée et les familles dans tout Israël. Avec 3 200 volontaires, One Family Fund s’occupe de 22 000 personnes ou familles via une galaxie de groupes, d’ateliers, d’initiatives. Oriella, chargée de communication One Family Fund : « nous sommes mobilisés H24 et 7 jours sur 7 pour donner un but à des gens qui, dans une journée ne veulent plus rien faire d’autre que regarder le mur, qui ont arrêté de fonctionner, qui ne voient plus personne, qui se replient sur eux-mêmes. Alors se réunir avec des gens comme eux est un acte de survie. Nous avons des soirées orphelins, des papas endeuillés qui ont fondé une chorale, des cours de peinture et d’art-thérapie, du théâtre, de l’expression corporelle, un livre des recettes préférées d’un enfant disparu, des fêtes, des séminaires, des séjours en centre de vacances. Nous travaillons avec des psychologues, des artistes, des animateurs sociaux.  »

Dans Topic 2011 numéro 116, titré « Du principe de la Mitzvah », Rachel Brami psychanalyste: « Pour accéder au Dieu Créateur, il y a nécessité de passer par l’autre humain, considéré dans le judaïsme, comme une créature d’essence divine. Dans le commandement de prendre soin tout autant de soi que de l’autre, émerge la dimension humaniste de la nécessité d’être en mouvement, en transformation en lien avec l’autre dont on devient le garant. Kol Israël arevim zé la zé. C’est la dynamique du vivant, qui concerne l’individu en lien avec le collectif. » Au centième jour de cette guerre de Simhat-Torah, la valeur primordiale qui consiste à être ensemble, est portée à son plus haut niveau par One Family Fund, toutes les associations et l’ensemble du peuple d’Israël.

La vision de One Family Fund: « Promouvoir la réhabilitation étape par étape et l’autonomisation de chaque victime du terrorisme et des membres de leur famille afin qu’ils puissent atteindre l’indépendance émotionnelle et économique. »

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