« Nous assistons à l’éclatement de la pensée rationnelle face à la richesse infinie de l’experience »

Doses de vaccin Moderna COVID-19, le 9 mars 2021 à Jérusalem. Photo par Olivier Fitoussi / Flash90
Doses de vaccin Moderna COVID-19, le 9 mars 2021 à Jérusalem. Photo par Olivier Fitoussi / Flash90

« Nous assistons à l’éclatement de la pensée rationnelle face à la richesse infinie de l’experience » Gaston Bachelard

Paradoxalement la stratégie de gestion de crise sanitaire de Macron n’est pas le désastre annoncé. Des raisons objectives non apparentes viennent le prouver.

En matière de science et plus encore en médecine les vérités ne sont pas l’émanation d’une évidence manifeste ou d’une croyance obsessionnelle.

La rationalité résulte d’une discussion, d’une controverse d’avis scientifiques multiples et de résultats de retour d’expérience dûment analysés.

C’est le discours de la méthode expérimentale de Claude Bernard : observer, mesurer, reproduire puis publier. Cette séquence décisionnelle a-t-elle été partout observée au sujet de la vaccination?

Pas évident surtout sur du long cours, et c’est regrettable. Finalement en France le retard à la vaccination de masse systématique du à l’inefficacité de l’Europe a servi à l’expectative scientifique du modèle expérimental.

Israël a préféré juguler le risque systémique en privilégiant le bénéfice immunitaire collectif avec des résultats probants pragmatiques immédiats.

Faudra-t-il prendre le recul scientifique et éthique nécessaires après être sortis de l’épidémie ?

Pour illustrer ce propos faisons référence à la première polémique concernant les premiers vaccins effectués en EHPAD.

La critique médiatique a été violente, impitoyable taxant cette démarche d’éloge de la lenteur.

Pour autant, si on reprend les préconisations de l’HAS, elles répondent à des arguments de la plus haute éthique médicale et de la plus grande rigueur scientifique.

D’abord vacciner en premier les sujets âgés à risques immédiats plus importants que le risque vaccinatoire (30% de sujets hospitalisés pour 1% de la population).

Ainsi les demandes de consentement éclairé et d’information des patients font partie du fondement d’une médecine inscrite dans les droits de l’homme à l’honneur d’une démocratie exemplaire.

D’autre part, la lenteur de la vaccination a laissé le temps du retour d’expérience avec le recueil de tous les effets indésirables, voire majeurs, pour recadrer cette vaccination dans un contexte de sécurité que l’on doit aux patients et sortir peu à peu d’une stratégie de type expérimental.

Ce modèle conseillé par la HAS à été inscrit dans la rigueur scientifique enseignée par les maîtres de médecine.

Pourtant les médias et l’opinion générale ont vilipendé à tort cette méthode, car méconnue du grand public, préférant les annonces ronflantes avec résultats mirifiques mais sans rigueur scientifique.

Aujourd’hui 80% des patients des EHPAD sont vaccinés dans un climat de sécurité et d’immunité autorisant un retour à la vie collective essentielle pour une survie.
Un autre élément illustre ce discours.

Concernant le vaccin Astra Zeneca, des cas de thrombose ont été signalés dans certains pays.

Ces cas ont été d’une faible fréquence, mais en science expérimentale ces cas sont considérés comme signaux faibles et doivent être analysés et discutés.

Contre la pensée dominante l’arrêt temporaire du vaccin fait partie des protocoles éthiques et scientifiques des savants en science médicale appliquée et non pas du principe de précaution.

Après expertise et recensement des cas, on a conclu à une coexistence avec le vaccin de risques emboliques encéphaliques en nombre rétreint chez des femmes de moins de 50 ans.

Ce signal faible a suffit pour instaurer une attitude de prévention et d’indication de pratiquer le vaccin avec des indications précises protégeant les sujets.

Une indication de vaccination pour les sujets de plus de 55 ans a été instituée.
Ce qui est conforme au respect de la personne et aux principes de l’expérimentation médicale.

Cette attitude très scientifique classique dans des milieux de savants a été critiquée à tort par des médias et des politiques soucieux de performances au détriment de l’éthique et de la science expérimentale.

Aujourd’hui on peut avoir recours au vaccin Astra Zeneca dans un climat de sécurité et d’efficacité avec les indications de bonnes pratiques et les contre indications prudentielles.

Enfin dernier événement en cours c’est la decision de confinement-déconfinement qui soulève des critiques de toutes parts. 

En réalité il est désormais admis que les excès de confinement ont des effets pervers sur la dissémination des virus par effet de transmission par proximité familiale.
D’autre part on a désormais réalisé que le confinement professionnel, social, scolaire, universitaire avait des conséquences désastreuses sur les comportements et sur la vie sociale.

La décision de ne pas fermer les milieux scolaires est une décision de salut public dans l’intérêt de toute une jeunesse.

Pour aller plus loin, le maintien du confinement aboutit au contraire de la sauvegarde d’une société dans ce qu’elle a d’essentiel et fait resurgir des réactions de repli sur soi et de désespérance.

Ainsi la décision ou plutôt la non décision de convier les français à une vie en plein air en guise de confinement peut paraître anachronique ou même contradictoire.
C’est une habile méthode pour passer progressivement d’un paradigme de constriction a un paradigme de liberté, conjointement à une montée en puissance de la vaccination.

L’exécutif français est en voie de sortir d’une impasse faite d’exigences de recherche de performances absolues expérimentales et risquées.

Grace à l’imagination et l’audace qui semblent donner l’impression du désordre, la lumière est au bout du tunnel.

La patience, la prudence, la controverse, la recherche du consentement éclairé qui sont les maîtres mots de l’expérience scientifique ont finalement inspiré favorablement l’exécutif français, malgré le climat régnant d’agitation.

Qu’il lui en soit rendu hommage.

Mais ne dit-on pas que l’ordre vient du chaos !

à propos de l'auteur
Docteur en médecine, Gilbert est aussi médecin du travail, acupuncteur, homéopathe ainsi qu'enseignant de neurophysiologie.
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