Non, Morsi n’était pas le Dalaï Lama égyptien !

Il n’est pas question de revenir ici sur les conditions de détention et le malaise cardiaque de Mohamed Morsi en pleine audience lors de son procès.

Il s’agit juste de rétablir certaines vérités après le flot d’inepties diffusées ici ou là par nombre de « savants-militants » français. Ceux-là même d’ailleurs qui croient également en un islamisme modéré ou que l’islam politique est attrayant, romantique, et est en fait une nouvelle Internationale pour les opprimés.

Pour ces idéologues, les Musulmans et les Arabes en général seraient donc les nouveaux damnés de la Terre qu’il faut exciter et aider à combattre les horribles autocrates, les méchants colons israéliens et bien sûr les affreux hommes blancs, coupables, cela va de soi, de tous les maux de l’humanité !

Donc, au risque de choquer ces thuriféraires, ces débiteurs ou ces collaborateurs de la mouvance frériste, rappelons que sous ses airs bonasses et de gros nounours sympathique, l’ancien président égyptien était loin d’être un parangon de vertu démocratique !

En effet, le « martyr » Morsi (tel que l’a qualifié le président turc Erdogan, la Turquie et le Qatar étant les derniers principaux soutiens de l’islam politique) a certes été le premier président égyptien élu démocratiquement en juin 2012. Mais il ne faut surtout pas oublier d’où il venait…

Après le chaos du Printemps du Nil, Morsi fut « choisi » par défaut par les militaires égyptiens pour être le candidat des Frères à la présidence. Second couteau, apparatchik de la confrérie, il était alors considéré comme un « modéré » et le moins dangereux des chefs du parti Liberté et Justice (vitrine politique des Ikhwan).

Cependant, même si certains commentateurs osent encore présenter les Frères musulmans comme de gentils moines bouddhistes persécutés par un méchant dictateur, la réalité est tout autre. Si depuis 2013, cette organisation est interdite et considérée comme organisation terroriste par l’Etat égyptien (comme d’ailleurs par de nombreux autres pays de la planète et notamment la Russie), ce n’est pas pour rien.

Faut-il rappeler le passé souvent violent de cette nébuleuse qui a parrainé (si ce n’est, aidé à créer) de nombreux groupes terroristes comme le Hamas ou des milices en Syrie, en Libye et ailleurs ? Faut-il rappeler l’assassinat de Sadate en 1981 commis par d’anciens Fréristes ? Ou encore les propos et les écrits antisémites, anti-occidentaux et appelant à la violence de nombre de ses dirigeants, comme l’un des plus grands « penseurs » de la Confrérie, Youssef Al-Qaradhâwî ? Enfin, faut-il rappeler à certains, qui semblent l’oublier, que le but ultime de la Confrérie est l’instauration d’un grand Etat islamique, un Califat, fondé sur les principes les plus rigoristes de la Charia… comme Daesh en Syrie et en Irak… ?

Matrice idéologique du terrorisme islamiste, pour les Frères, seule la méthode pour atteindre leur but diffère donc des mouvements jihadistes ayant choisi la lutte armée. Pour les Ikhwan, ce sera alors les processus démocratiques et bien sûr la taqîya (la dissimulation) !

Ainsi, une fois à la tête de l’Egypte, Morsi et ses partisans ont fait adopté une majorité de textes à l’Assemblée nationale égyptienne ayant un lien avec la charia. De plus, et alors que l’Egypte faisait face à de nombreuses pénuries, notamment celle du fioul, Morsi et les Frères ont fait preuve d’un amateurisme et d’une incurie totale. De fait, ils n’avaient pas la moindre idée de ce qu’étaient les affaires d’un Etat. Le président égyptien n’a été à la hauteur d’aucun défi, ce qui a eu pour effet de tendre ses relations avec l’armée, qui, il est vrai, ne manquait une occasion pour saper son autorité.

Quoi qu’il en soit, l’Egypte a connu entre juin 2012 et juillet 2013 une récession sans précédent. D’autant plus qu’en dépit d’accords secrets passés avec les militaires, les Frères ont très rapidement voulu grignoter les platebandes de l’armée. Ce fut là leur erreur, et sans aucun doute la première cause du coup d’Etat organisé par Sissi en juillet 2013. Dans le domaine sécuritaire notamment, les Frères ont voulu répliquer le même processus qu’en Turquie en évinçant peu à peu les officiers de tous les rouages de l’Etat. Ils ont ainsi procédé à de féroces purges dans la police, lesquelles ont amené à des failles sécuritaires importantes qui se sont ressenties lors des attaques terroristes qui touchèrent le pays par la suite. Une autre erreur de Morsi a été de vouloir prendre en main le domaine économique, là aussi tenu par l’armée.

Enfin, n’oublions pas que les coptes (les chrétiens d’Egypte) subirent également une exclusion et une pression étatique, ainsi qu’une recrudescence d’attaques violentes en toute impunité, comme jamais cette communauté n’en avait connues dans le passé.

Malheureusement, en France, où la confrérie agit comme un poisson dans l’eau, cette mise au point est inaudible. Il est vrai que dans les années 1930 et 1950, Hitler et Staline avaient déjà leurs idiots utiles dans l’Intelligentsia française…

Tribune initialement publiée dans GlobalGeoNews.com.

à propos de l'auteur
Roland est consultant géopolitique indépendant. Il traitera ici de relations internationales, particulièrement sur la région du Maghreb et du Moyen-Orient, ainsi que des problématiques de géopolitique, de sécurité et de défense
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