Non, Israël n’est pas isolé sur la scène internationale

Entretien de Aditya Raj Kaul
avec le ministre israélien de l’Économie et de l’Industrie, M. Nir Barkat, à New Delhi le 12 février 2025. (Crédit : Capture d'écran Instagram / adityarajkaul, utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur les droits d'auteur)
Entretien de Aditya Raj Kaul avec le ministre israélien de l’Économie et de l’Industrie, M. Nir Barkat, à New Delhi le 12 février 2025. (Crédit : Capture d'écran Instagram / adityarajkaul, utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur les droits d'auteur)

Contrairement à une idée répandue, l’État hébreu dispose d’appuis à travers le monde. Un clou de plus sur le cercueil du mythe du « Sud global ».

Israël a gagné militairement mais perdu diplomatiquement.

Ainsi ont tranché, en France, la plupart de nos experts de plateaux télévisés. Depuis la trêve avec le Hamas et les premières libérations d’otages, il n’est pourtant pas simple de dire où se tient Israël sur la scène internationale – et les récentes déclarations du président Trump sur Gaza ne facilitent pas l’analyse.

Mais pour notre clergé idéologique, qui influence jusqu’à ses adversaires, la situation est claire : parodiant le titre du dernier essai de Bernard-Henri Lévy, Solitude d’Israël, on répète à l’envi que l’État d’Israël serait isolé, sinon rejeté par une humanité indignée de sa réponse dévastatrice au pogrom du 7 octobre 2023.

Vraiment ? Il suffit pourtant d’ouvrir les yeux sur le monde – sur le monde réel – pour constater que c’est faux.

Hélas, une partie de notre service public d’information, comme de l’AFP ou encore la secte nichée au cœur d’un ancien quotidien de référence, continue à jouer les caisses de résonance de ce mensonge.

Son but idéologique est connu, et sa méthode vieille comme le fascisme et les lyncheurs : malheur à qui ne pense pas comme la foule ! Ceux qui haïssent Israël étant, d’après nos militants, majoritaires sur la planète, tout journaliste, universitaire ou élu français ferait bien de courber l’échine, de baisser d’un ton et d’adopter quelques éléments de langage islamo-gauchistes.

Coopération aux quatre coins du monde

La situation internationale indique pourtant une tout autre réalité. Si quelques pays – Algérie, Turquie, Malaisie, régimes d’extrême droite, xénophobes et ouvertement anti-occidentaux – manifestent une hostilité bruyante envers l’État hébreu, d’autres nations musulmanes prennent des positions bien différentes.

L’Égypte, la Jordanie et même l’Arabie saoudite coopèrent avec Israël, notamment dans des domaines stratégiques, comme la défense ou le renseignement. Elles sont également pressenties, aux côtés du Qatar, pour jouer un rôle neutre dans l’après-guerre à Gaza.

Le Maroc sunnite et l’Azerbaïdjan chiite n’ont cessé, pour leur part, de développer leurs liens avec Israël, au point d’être considérés par certains comme des alliés de facto.

Poursuivons vers l’Orient, et nous découvrons l’Inde, représentant près d’un cinquième de l’humanité. L’opinion comme le gouvernement y soutiennent Israël, avec lequel les échanges commerciaux, technologiques et militaires ne cessent de croître. À Mumbai comme ailleurs dans la péninsule, on y suit la libération des otages israéliens en alliés.

En Asie du Sud-Est, dans des pays où l’Israélien est perçu comme quelqu’un « qui travaille et qui se défend », valeurs appréciées des locaux, le visiteur ne trouvera guère de réprobation non plus. Certes, il y a l’Indonésie islamiste… Mais on serait tenté de lever l’objection d’une simple question : qui peut donc bien rechercher l’adhésion de l’Indonésie, ou de l’Algérie, ou de la dictature iranienne ?

Pour le reste, de la Thaïlande au Vietnam, on constatera que les touristes israéliens reçoivent un accueil chaleureux et que l’État juif y est davantage loué que vilipendé. Un clou de plus sur le cercueil du mythe du « Sud global ».

Même chose pour Singapour, l’Australie, les Philippines, Taïwan et la Corée du Sud, qui partagent une vision largement favorable à Israël.

La Chine est un cas plus complexe. Pour qui s’attache aux déclarations de la dictature, la Chine condamnait jusqu’à présent fermement Israël. On sait pourquoi : ne pas froisser l’Iran afin de maintenir un approvisionnement en pétrole bradé, et agacer au maximum le rival américain. Mais sans qu’en découle aucune mesure concrète. Strictement aucune. Entre l’empire du Milieu et la Terre sainte, dès avant le cessez-le-feu, c’était business as usual.

Et ces dernières semaines, les diplomates observent un net rééquilibrage du discours de Pékin : on se félicite de l’arrêt des combats mais aussi de la libération des otages et, élément nouveau, on dit comprendre les « préoccupations sécuritaires israéliennes ». Enfin, pour qui connaît un peu le pays et ses populations, l’idée d’un soutien à la cause du Hamas au détriment d’Israël est un pur fantasme. Voilà encore un milliard quatre cents millions d’êtres humains à déplacer sur la balance…

Opinion mondiale fantasmée

En Afrique noire, c’est peu dire que la cause dite « palestinienne » ne remue pas les foules chrétiennes et animistes, qui ont compris de longue date ce qu’elle dissimule.

L’Afrique du Sud, que les braves Français rêvent les yeux ouverts alors qu’elle est devenue un enfer raciste et corrompu, gouvernée par un parti qui recycle les narcodollars du Hezbollah, a dû, elle aussi, amorcer un virage depuis que les élections y ont imposé une cohabitation… Et que les États-Unis ont décidé de la mettre au pas. On guettera donc avec curiosité les suites qu’elle donnera à sa plainte téléguidée auprès de la Cour pénale internationale contre Israël (pour « génocide »).

De l’autre côté de l’Atlantique, en Amérique latine, le contraste est saisissant : des dictatures meurtrières, comme le Venezuela, soutiennent la « résistance palestinienne » tandis que d’autres pays, à commencer par l’Argentine, cultivent des liens solides avec Israël.

Au Brésil, une majorité de la population (dont les évangélistes) a clairement choisi son camp, ce qui est parfois occulté par les sorties de son dirigeant, Lula, un Mélenchon en bout de course.

En conclusion

On serait tenté de dire que ce n’est pas dans l’opinion internationale qu’Israël est isolé : c’est au sein de notre clergé idéologique français, largement dominant dans le service public, les universités et les associations, mais de plus en plus coupé du pays. Et qui fantasme l’opinion internationale comme il fantasme la société française.

Une anecdote symbolique en témoigne : lors du dernier Eurovision, en un plébiscite silencieux, le vote populaire de la France (mais aussi de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne, des Pays-Bas et de la Grande-Bretagne, de la Suisse, du Portugal et de 14 autres pays européens) aura donné la note maximale à la candidate d’Israël pour la porter en finale. La vérité, ce soir-là encore, c’est que ce n’était pas Israël qui était isolé, mais les quelques énergumènes qui manifestaient dehors.

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Tribune parue sur LE POINT le 10/02/25. Avec l’aimable autorisation de l’auteur.

à propos de l'auteur
David Emton, ancien grand reporter, est écrivain et essayiste. Il est né en France et a vécu à New-York, Bruxelles et à Amsterdam. Diplômé de Columbia University, il a travaillé dans la presse (journaux, radios) et a créé des entreprises de service (médias, communication) et publié des essais, notamment chez Fayard. Il a ensuite été grand reporter, des bas-fonds de Cuba au Turkménistan en passant par Corleone, et a publié des thrillers (traduits en primés) chez Albin Michel. Il vient de faire paraître un recueil de nouvelles : "Une balle en diamant"
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