Netanyahu arrêté par la police allemande ?

Le chancelier allemand Olaf Scholz s'entretient avec le porte-parole du gouvernement allemand Steffen Hebestreit avant la réunion hebdomadaire du cabinet à la Chancellerie de Berlin, en Allemagne, le 27 mars 2024. (Photo de JOHN MACDOUGALL / AFP)
Le chancelier allemand Olaf Scholz s'entretient avec le porte-parole du gouvernement allemand Steffen Hebestreit avant la réunion hebdomadaire du cabinet à la Chancellerie de Berlin, en Allemagne, le 27 mars 2024. (Photo de JOHN MACDOUGALL / AFP)

La voix de Steffen Hebestreit, porte-parole du gouvernement allemand, ne tremble pas ce 22.05.2024 lors de la conférence de presse. A la question : « Est-ce que le gouvernement allemand va (…) mettre en œuvre la décision de la Cour Pénale Internationale [d’arrêter Benyamin Netanyahu et Yoav Gallant pour les livrer à la Justice] ? Sa réponse dans le texte[1] : « (…) Grundsätzlich, sind wir Unterstützer des Internationales Strafgerichthofes und dabei bleibt es auch ».  Et en français : « Fondamentalement, nous soutenons la Cour Pénale Internationale et cela ne changera pas ».

Le journaliste devant cette déclaration à la fois précise et glaciale comme un hiver à Dachau, indique qu’étant donné les circonstances, il ne s’agit pas d’une question hypothétique de sa part. Il demande donc confirmation. Le « Natürlich » [naturellement] suivi de « Wir halten uns ans Recht und Gesetz » [nous nous en tenons au droit et à la loi], claque comme un bruit de bottes.

Pour ceux qui auraient des doutes quant à la valeur à accorder à ces réponses, je les invite à écouter le reste de la conférence de presse. Ils constateront alors que toutes les autres réactions portant sur d’autres sujets, sont vagues et sans engagement. Seule la question de livrer des dirigeants israéliens à la Justice ne souffre d’aucune équivoque.

Même à la question qui aurait pu être salvatrice posée quelques minutes plus tard : « Netanyahu d’accord, mais comptez-vous arrêter aussi Bachar El Assad qui a tué 1 million de Syriens ? » La réponse ferait rire si elle n’était pas tragique. « Nous suivons la situation des droits de l’Homme en Syrie tous les jours. Soyez assurés que nous sommes du côté des gens »[2]. En d’autres termes : « malheureusement mon bon Monsieur, ce sujet est le cadet de nos soucis. L’agresseur présumé n’étant pas Juif, il nous est impossible d’y accorder plus d’importance ».

Quelques jours plus tard, à des milliers de kilomètres de Berlin, une soirée agréable dans un jardin de Jérusalem. Malgré la tension, malgré la guerre, malgré les soldats au front, malgré les otages prisonniers, malgré les annonces de décès, les survivants survivent. Ce qui est pris est pris. Un ami me dit : « Chiche : que Bibi se rende en Allemagne. Je voudrais voir les Allemands lui passer les menottes, et le livrer à la Justice. Je voudrais le voir défendre Israël dans un tribunal qui sera obligé de l’écouter. Il fera ce qu’il sait faire de mieux, le Peuple d’Israël et les Juifs le soutiendront en masse et il quittera la scène politique israélienne avec honneur ».

Incongrue de prime abord, cette idée est en fait excellente. Elle obligerait l’Allemagne à être conséquente avec ses paroles. Comme les Nazis qui expliquaient qu’ils s’étaient contentés de respecter les ordres, oubliant leur responsabilité d’être humain, l’Allemagne fait abstraction de son soi-disant « Staatsräson », cette Raison d’État mise en avant par Angela Merkel en 2008 puis par Olaf Scholz en octobre 2023. Ce concept jamais évoqué pour l’Allemagne d’après-guerre jusque-là, était censé montrer que l’Allemagne d’après-guerre n’avait survécu que pour protéger Israël. Plus qu’une Raison d’État, il devait s’agir d’une Raison d’Être.

Mais comme la relation Israël-US qualifiée à l’envi de « ironclad with no daylight », [relation en béton ne laissant pas même passer de lumière du jour], ces qualifications veulent souvent dire l’inverse de ce qu’elles laissent entendre. Les désaccords Israël-US sont nombreux, et l’Allemagne est apparemment prête à sacrifier sa « Raison d’Être » sur l’autel de la Cour Pénale Internationale.

L’Allemagne, on le voit, succombe aux sons du « Joueur de flûte de Hamelin »[3] alias « les mouvements anti-israéliens » qui prolifèrent depuis quelques mois dans les démocraties occidentales. Elle traîne des pieds, il est vrai, embourbée qu’elle est dans une boue d’Auschwitz, mais elle suit néanmoins le mouvement comme une voiture-balai. Est-ce cela qui causera sa déchéance, ou bien plutôt sa décroissance démographique la plus forte d’Europe de l’Ouest[4] ? A moins que ce ne soit le fait qu’un Allemand sur cinq prévoit de voter pour l’AFD-Alternative für Deutschland, le parti populiste de droite fondé en 2013. Ou bien encore l’assimilation difficile de sa population immigrée ?

Cela sera sans doute un peu tout cela. Mais ce qui est sûr, c’est que son incapacité à mettre la morale « über alles », « au-dessus de tout » comme une valeur suprême, sera un facteur essentiel. Au contraire, le respect froid du droit international, sans considération de moralité, précède de peu la perte de la boussole morale. Et celle-ci annonce la fin de cette civilisation allemande telle que les Alliés l’ont voulue après le nazisme : ce peuple guerrier et massacreur devenu pacifiste et progressiste deviendra insignifiant.

Netanyahu lui, arrêté par des Allemands, saura utiliser la valeur symbolique de cette disgrâce historique. Il sera peut-être le mieux placé pour prouver l’absurdité des accusations de la communauté internationale vis-à-vis d’Israël. Il saura faire preuve d’un courage équivalent à celui des très nombreux soldats de Tsahal qui donnent de leur personne pour défendre le Peuple juif.

Et, par la même occasion, il laissera la place à des dirigeants qui sauront faire preuve d’un regard inédit sur la position d’Israël au Moyen-Orient, ce regard inédit, vital pour la survie d’Israël.

[1] Voir la vidéo de la conférence de presse du 22.05.2024 à 37:00 : https://www.youtube.com/watch?v=H2W0Jiwb8hs&list=PLuQE_zb4awhV8JxSNeJzUnHskCx0eyjVj&index=2
[2] Ibid. à 45:00
[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Joueur_de_flûte_de_Hamelin
[4] https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/tous-les-pays-du-monde/?lst_continent=908&lst_pays=926

à propos de l'auteur
Laurent souhaiterait partager ses observations de la vie israélienne et française à travers son regard de Juif français devenu israélien en 2008. Il a pris l'habitude de regarder et analyser les phénomènes politiques, culturels, religieux, géopolitiques, sous un regard différent de celui qu'on a l'habitude de voir. En effet, avant d'arriver en Israël, il a vécu en France, en Allemagne, en Belgique et au Royaume Uni. Il observe les phénomènes humains avec un très large point de vue, puisant dans son expérience de vie et dans son désir d'écrire. Laurent a passé son enfance en Allemagne, fait ses études de management en Alsace et passé sa carrière professionnelle au Royaume-Uni, en France, en Belgique, en Israël.
Comments