Mohammed VI, repenser en urgence notre modèle de développement
Dans son discours célébrant le vingtième anniversaire de son accession au Trône, Mohammed VI aurait pu se contenter de dérouler le bilan d’un règne qui procure par le nombre de ses réalisations autant de fiertés que de satisfactions. Des projets gigantesques et structurants, une gouvernance consolidant la culture démocratique, une place et une parole dans le concert des nations enviables, une stabilité et une attractivité aussi rares dans un environnement mouvant et dangereux.
Mais le Roi du Maroc a préféré pour mieux la traiter focaliser sur la moitié vide du verre. Celle concernant toutes les frustrations sociales qui n’ont pas été assouvies, toutes les marginalités qui n’ont par été traitées.
Dans un cri de cœur sincère, Mohammed VI lance ce constat aux marocains pour mieux en souligner l’urgence et la nécessité d’agir : « Dieu sait à quel point Je suis peiné de voir que des citoyens marocains, ne représenteraient-ils que 1% de la population, continuent à vivre dans la précarité et le dénuement matériel ».
Et justement pour lutter contre la permanente de cette situation dramatique, Mohammed VI appelle les marocains à se mobiliser et à sa classe politique à prendre des grandes mesures pour que le moteur économique marocain puisse être plus producteur et que ses richesses puissent être répartie et bénéficier aux classes restées l’écart de cette dynamique.
Et Mohammed VI de faire lui même ce constat d’une grande lucidité et qui pointe du doigt les failles et les faiblesses du modèle développement marocain qui a échoué à « réduire les inégalités sociales et les disparités spatiales ». Le temps est venu de procéder à sa réévaluation. Cette mission de mise à jour de ce modèle de développement et des réflexions pour l’actualiser sera confié à une commission spéciale qui selon les mots de Mohammed VI « ne tiendra lieu ni de second gouvernement, ni d’institution officielle parallèle.
Elle jouera le rôle d’organe consultatif investi d’une mission limitée dans le temps ». Mais le constat royal est limpide. Il pointe du doigt une faille de compétence énorme chez les grands patrons d’entreprises publiques dont le manque de compétence et d’investissement de certains rejaillit directement sur leurs efficacité et leur rentabilité.
Dans ce discours, une des idées maîtresses est cette ambition, transformée par les mots et la tonalité combative de Mohammed VI, d’insuffler une nouvelle dynamique dans les postes de responsabilité qui managent les grandes entreprises d’état. Il demande à ce que ce spectre soit ouvert à d’avantage de profils connus pour leurs expertises, leurs compétences et leurs savoirs-faire.
L’idée est de déverrouiller un cénacle de décideurs hermétiquement fermé à la nouveauté et qui s’est longtemps et confortablement installé dans un monde de certitudes et de manque d’imagination. La harangue royale dans ce domaine se veut limpide et sans forfaiture : « Du sang neuf doit, donc, être apporté au sein des institutions et des instances politiques, économiques et administratives, y compris le gouvernement ».
Parallèlement à la création de ce nouveau leadership entrepreneurial qui aura pour profil la compétence et pour horizon l’efficacité et la productivité, Mohammed VI a beaucoup insisté sur la nécessité de procéder à l’ouverture de certains secteurs clefs de l’économie marocaine pour rendre encore plus attractif le marché marocain aux investissements nationaux et étrangers. Il s’agit d’un acte et d’une posture structurante pour libérer les énergies et permettre à l’esprit de l’entreprise de déployer ses ailes pour participer à la création des richesses et lutter contre un chômage parfois endémique.
La manière avec laquelle Mohammed VI a insisté sur cette indispensable ouverture montre à quel point des lourdeurs, des conservatismes et de corporatismes risquent de bloquer cet élan dont l’objectif principal est de lutter contre les poches de pauvreté et de réduire les périmètres de la marginalité. Et Mohammed VI d’expliquer les gains de cette ouverture : « L’ouverture est d’autant plus fondamentale pour le développement économique qu’elle offre aux entreprises et aux opérateurs marocains nombre d’opportunités de rehausser leur compétitivité ».
Un nouveau leadership pour les grandes entreprises et les grandes administrations basé sur la compétence et l’engagement, une ouverture vers le monde pour bénéficier de ses atouts, une politique pour repenser le modèle de développement axée sur la nécessité absolue de panser les plaies sociales et réduire les disparités. Tel semble être l’état d’esprit de Mohammed VI pour apporter des thérapies à des maux qui n’ont pu bénéficier des projets structurants lancés ces dernières années.
A ce propos, Mohammed VI ne lance pas une ambition dans le vide ni quelques idées générale dans l’air du temp. La gravité de son discours, sa détermination à obtenir de résultats lui imposent une approche très particulière. Celle d’accompagner l’ensemble de l’opération avec un agenda qui court sur quelques semaines, voire quelques mois. Selon le programme annoncé, Mohammed VI a décidé de suivre de très près l’élaboration de ce nouveau modèle de développement pour en accompagner les modalités de réalisations et vérifier les rouages.