Méditation sur la racine Pessa’H

Que revêt le sens de la racine P. S. ‘H/ פ.ס.ח. ?

La racine P. S. ‘H/ פ.ס.ח. est polysémique.

יג וְהָיָה הַדָּם לָכֶם לְאֹת עַל הַבָּתִּים אֲשֶׁר אַתֶּם שָׁם וְרָאִיתִי אֶת-הַדָּם וּפָסַחְתִּי עֲלֵכֶם וְלֹא-יִהְיֶה בָכֶם נֶגֶף לְמַשְׁחִית בְּהַכֹּתִי בְּאֶרֶץ מִצְרָיִם. (שמות יב: יג)

13 Et le sang, dont seront teintes les maisons où vous habitez, vous servira de signe : je reconnaîtrai ce sang et Je [l’Eternel] vous épargnerai et le fléau n’aura pas prise sur vous lorsque je sévirai sur le pays d’Égypte. (Exode 12 : 13).

Le commentateur Rashi explique, sur ce même verset :

«וּפָסַחְתִּי. וְחָמַלְתִּי וְדוֹמֶה לוֹ « פָּסוֹחַ וְהִמְלִיט » (ישעיהו לא: ה). וַאֲנִי אוֹמֵר כָּל פְּסִיחָה לְשׁוֹן דִּלּוּג וּקְפִיצָה. וּפָסַחְתִּי: מְדַלֵּג הָיָה מִבָּתֵּי יִשְׂרָאֵל לְבָתֵּי מִצְרַיִם שֶׁהָיוּ שְׁרוּיִם זֶה בְּתוֹךְ זֶה. וְכֵן פֹּסְחִים עַל-שְׁתֵּי הַסְּעִפִּים (מלכים א, יח: כא), וְכֵן כָּל הַפְּסָחִים הוֹלְכִים כְּקוֹפְצִים. וְכֵן « פָּסוֹחַ וְהִמְלִיט » מְדַלְּגוֹ וּמְמַלְּטוֹ מִבֵּין הַמּוּמָתִים:»

« Je passerai (וּפָסַחְתִּי) par-dessus : J’éprouvai de la miséricorde (1), comme dans : « en sautant il laissera s’enfuir » (Isaïe 31 : 5). Tout « passage au-dessus- פְּסִיחָהpessi‘hah (2) » signifie, à mon avis : « saut » et « passage au-dessus ». Le mot : « Je passerai par-dessus » : Il évitait les maisons des Hébreux pour celles des Egyptiens, contiguës les unes aux autres. De même, « jusqu’à quand sauterez-vous (פֹּסְחִים pos‘him) sur les deux branches ? » (I Rois 18, 21). De même, les boiteux (פְּסָחִים pesa‘him) (3) se déplacent en sautant. De même : « en sautant il sauvera ». Il saute par-dessus lui et le sauve (4) de parmi les morts. ».

Le commentaire de Rachi est passionnant car, s’inspirant du livre des Rois et du prophète Isaïe, il réussit à tirer quatre significations de la racine P. S. ‘H / פ.ס.ח. que l’on peut traduire par « éprouver de la miséricorde » (1), « passer au-dessus-de » (2), « boîter » (3) et « préserver, sauver » (4).

Le sens de « passer au-dessus de » apparaît au moment de la dixième plaie avant la sortie d’Egypte :

כג וְעָבַר יְהוָה לִנְגֹּף אֶת-מִצְרַיִם וְרָאָה אֶת-הַדָּם עַל-הַמַּשְׁקוֹף וְעַל שְׁתֵּי הַמְּזוּזֹת וּפָסַח יְהוָה עַל-הַפֶּתַח וְלֹא יִתֵּן הַמַּשְׁחִית לָבֹא אֶל-בָּתֵּיכֶם לִנְגֹּף. (שמות יב: כג)

23 Et lorsque le Seigneur s’avancera pour frapper l’Égypte, il regardera le sang appliqué au linteau et aux deux poteaux et Il [L’Eternel] passera devant la porte et il ne permettra pas au fléau d’entrer dans vos maisons pour sévir. (Exode 12 : 23).

Mais comment pouvons-nous accorder le sens de boîter à la racine P. S. ‘H/ פ.ס.ח. ?  Comment comprendre que l’Eternel se soit mis à « boîter » pour sauver son peuple de la servitude d’Egypte ? Quel rapport pouvons-nous établir entre l’évènement majeur de la Libération d’Egypte et la « boiterie » de l’Eternel ?

La réponse à cette question m’a été donnée par ma regrettée amie et étudiante Monique-Lise Cohen qui m’envoya en 2016 un article passionnant intitulé « Les boiteries rituelles de printemps : étude anthropologique, astronomique et biblique sur la fête de Pâque ».

Dans ce brillant article, Monique-Lise développe la thèse selon laquelle « dans les cultes païens, la boiterie évoque un raccourci pour aller au ciel. Boîter, clocher, c’est aller mal et montrer en même temps un état de complétude originel par où l’on va au ciel. Dans quel but ? La mythologie grecque parle d’un Age d’or où il n’y avait pas de différence entre les hommes, les dieux et les animaux. Si c’est là la perfection originelle à laquelle aspire le paganisme, la tradition juive est bien évidemment farouchement opposée à de telles idéologies… c’est l’Eternel Lui-même qui saute sur un pied pour frapper les idolâtres et les tyrans et épargner sur terre les maisons des Israélites qui sont précisément « dans leurs maisons », c’est-à-dire pas sous le ciel des astres, « debout » et non pas agenouillés, et « chaussés des deux pieds », c’est-à-dire étrangers aux cultes idolâtres du monosandalisme. ».

Quant à la cinquième signification, elle nous est rapportée par les deux versets suivants :

יא וְכָכָה תֹּאכְלוּ אֹתוֹ מָתְנֵיכֶם חֲגֻרִים נַעֲלֵיכֶם בְּרַגְלֵיכֶם וּמַקֶּלְכֶם בְּיֶדְכֶם וַאֲכַלְתֶּם אֹתוֹ בְּחִפָּזוֹן פֶּסַח הוּא לַיהוָה… כז וַאֲמַרְתֶּם זֶבַח-פֶּסַח הוּא לַיהוָה אֲשֶׁר פָּסַח עַל-בָּתֵּי בְנֵי-יִשְׂרָאֵל בְּמִצְרַיִם בְּנָגְפּוֹ אֶת-מִצְרַיִם וְאֶת-בָּתֵּינוּ הִצִּיל; וַיִּקֹּד הָעָם וַיִּשְׁתַּחֲווּ. (שמות יב: יא; כז)

11 Et voici comme vous le mangerez : la ceinture aux reins, la chaussure aux pieds, le bâton a la main ; et vous le mangerez à la hâte, c’est la pâque en l’honneur de l’Éternel… 27 Et vous répondrez : ‘C’est le sacrifice de la pâque en l’honneur de l’Éternel, qui épargna les demeures des Israélites en Egypte, alors qu’il frappa les Égyptiens et voulut préserver nos familles.’  » Et le peuple s’inclina et tous se prosternèrent. (Exode 12 : 11; 27).

L’agneau sacrifié par les Hébreux à la veille de la Sortie d’Egypte porte le nom de פֶּסַח Pessa’h qui porte le nom de l’empreinte rédemptrice de l’Eternel.

Aux significations classiques mentionnées précédemment, il est possible de rajouter une sixième signification en se fondant sur l’anagramme de la racine P. S. ‘H / פ.ס.ח. pouvant également être lue S. Ph. ‘H/ . ס.פ.ח.

Cette dernière racine signifie « lier, annexer, associer, attacher ». Autrement dit, l’agneau et l’action salvatrice de l’Eternel ont pour but de conduire le futur peuple d’Israël à s’unir, comme une femme à son époux, à l’Eternel :

ז וְלָקַחְתִּי אֶתְכֶם לִי לְעָם וְהָיִיתִי לָכֶם לֵאלֹהִים וִידַעְתֶּם כִּי אֲנִי יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם הַמּוֹצִיא אֶתְכֶם מִתַּחַת סִבְלוֹת מִצְרָיִם. (שמות ו: ז)

7 Et Je vous prendrai pour moi comme peuple, je deviendrai votre Seigneur ; et vous reconnaîtrez que moi, l’Éternel, je suis votre Seigneur, moi qui vous aurai soustraits aux tribulations de l’Égypte. (Exode 6 : 7).

Livre : Méditations sur la racine biblique

Moadim LeSim’ha !

Haïm Ouizemann

Commentaire publié sur Campus biblique

à propos de l'auteur
Diplômé de l’Institut des Civilisations et Langues Orientales de Paris (INALCO) et certifié de l’Institut Catholique de Paris (ICP) enseigne la Bible (TaNa’Kh), sa langue, son éthique et son histoire. Installé, depuis son Alya en 1989 à Ashkelon, il participe activement au refleurissement d'Erets Israël. Végétarien par conviction morale, Haïm rêve d'une ère nouvelle où les grandes spiritualités pourraient se rencontrer en vue d'instaurer un monde meilleur. Convaincu que le retour du peuple d’Israël en Erets-Israël annonce la restauration de l'idéal de fraternité abrahamique, il encourage le dialogue interreligieux dans le respect de l'autre
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