Mal nommer les choses c’est faire le jeu de l’extrême droite

Des milliers de personnes se rassemblent pour manifester contre l'extrémisme de droite, à Cottbus, en Allemagne, le 21 janvier 2024. (Crédit : Frank Hammerschmidt/dpa via AP)
Des milliers de personnes se rassemblent pour manifester contre l'extrémisme de droite, à Cottbus, en Allemagne, le 21 janvier 2024. (Crédit : Frank Hammerschmidt/dpa via AP)

Les résultats des élections européennes 2024 viennent de tomber : l’extrême droite passe de 115 à 178 sièges et représente 24,8 % du Parlement européen, contre 16% en 2019. L’article qui suit pose la question de la raison de la montée de l’extrême droite. Il a été publié dans le numéro 1721 du journal Actualité Juive, édition du 25 janvier 2024.

Plus le temps passe et plus les extrêmes droites européennes arrivent au pouvoir. Suivant l’Italie (octobre 2022), la Slovaquie (octobre 2023) et les Pays-Bas (novembre 2023) ont rejoint le club des pays gouvernés par cette tendance politique.

Quand elle n’arrive pas au pouvoir, elle gagne un tel poids que les autres partis doivent constituer une coalition avec elle pour gouverner : Finlande (juin 2023) et Suède (septembre 2023). Enfin, plusieurs autres pays sont scrutés de près : Allemagne, Portugal, Espagne et Grèce.

En France et depuis 2002, l’extrême droite s’est retrouvée 3 fois au second tour sur 6 élections présidentielles au total. Aujourd’hui c’est le premier groupe de l’opposition à l’Assemblée nationale. Comment l’expliquer ?

Il s’avère que la gauche sociale-démocrate, au pouvoir en Europe ces 40 dernières années, a refusé de traiter une part croissante de sujets pourtant source d’inquiétudes pour les citoyens européens : mondialisation (délocalisation des usines, dumping social), immigration (pressions sur les bas salaires, insécurité culturelle), abandon de l’État dans les territoires (fermeture des hôpitaux, des services publics et de la vie locale), abandon des revendications des classes populaires, déni des crimes et délits…

À cela s’ajoute la défense d’une Europe surpuissante dans les normes et réglementations locales, un choix clairement assumé de privilégier les revendications des nouvelles minorités et une gestion hasardeuse des crises financières, sanitaires et géopolitiques. Si on rajoute la pression fiscale qui est toujours plus forte, tous les ingrédients sont réunis pour créer des cocktails explosifs. Ce furent les cas des gilets jaunes en 2018 et de la réforme de la retraite en 2023.

Pour gagner en crédibilité, l’extrême droite a su s’emparer avec habileté de tous ces sujets, même si ses solutions s’avèreront impraticables.

La gauche et les médias majoritaires, plutôt que de répondre aux attentes, ont ostracisé et condamné à une mort sociale tous ceux qui ont tenté de garder la main, quitte à insulter les Français : « Le peuple peut se tromper. Il faut lui parler avec insolence », « Je ne pense pas qu’il faille satisfaire toutes les demandes populaires », et même: « Le peuple est con ».

Comment s’étonner encore d’une telle déconnexion entre les élites et les citoyens ? Vraiment, mal nommer les choses c’est faire le jeu de l’extrême droite.

à propos de l'auteur
Laurent Beyer est consultant en stratégie d’entreprise et travaille dans les plus grandes banques européennes. Il vulgarise, synthétise et présente les enjeux avec pédagogie. Ces compétences, Laurent les réutilise sur son temps libre pour contribuer dans la presse en répondant à des questions de société.
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