Madame Le Pen, votre histoire n’est pas la nôtre !

Madame Le Pen, permettez-moi de m’adresser à vous. Je vous interpelle au nom des treize personnes de ma famille déportées vers les camps de la mort dont douze ne sont jamais revenues.
Je m’adresse à vous au nom de ce grand-père que je n’ai jamais connu, juif, communiste et franc-maçon, qui fut lâchement abattu d’une balle dans le dos en fuyant le wagon qui l’emmenait vers l’enfer.
Permettez-moi de m’adresser à vous au nom de toutes ces ombres qui ne cherchent pas la vengeance mais la justice, mot dont vous semblez ignorer le sens.
En déclarant que ces ombres n’avaient pas été des victimes de notre pays lors de la rafle du Vel d’Hiv, c’est l’histoire que vous venez d’insulter madame Le Pen.
Vous semblez oubliez un peu vite que le Maréchal Pétain n’est pas arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’état mais par un vote démocratique de l’Assemblée Nationale auquel seuls 80 parlementaires se sont opposés. Vous semblez ne pas vous souvenir que tous les magistrats, sauf un, prêtèrent serment au régime de Vichy.
Vous ne vous rappelez pas que 4 000 enfants de moins de 16 ans, qu’il n’avait pas été initialement prévu de déporter, le furent par la seule volonté du régime français.
Il ne s’agit ici nullement de stigmatiser le peuple de France, qui a eu ses résistants et ses justes, mais, comment oublier que les policiers qui ont entraîné des femmes et des enfants vers les camps de la mort étaient eux aussi français ?
Si François Mitterrand, dont certaines amitiés furent pour le moins coupables, refusa la reconnaissance officielle des crimes de Vichy, ce fut Jacques Chirac qui rétablit l’honneur de notre nation en reconnaissant solennellement la responsabilité de l’Etat français dans les crimes commis pendant l’Occupation.
Cette ligne fut suivie par l’actuel président qui, le 22 juillet 2012, évoquant ce que vous niez farouchement, à savoir que la rafle du Vél d’Hiv était « un crime commis en France par la France », perpétua, malgré les négations et les refus, l’honneur de notre pays.
Je n’ai heureusement pas connu cette époque madame, pas plus que vous n’avez assisté à la poignée de mains entre Pétain et Hitler à Montoire, tâche de boue sur les livres d’histoire.
Mais, ce dont je suis sûre, c’est qu’en voulant, comme vous le faites, considérer que le gouvernement de Vichy n’a jamais été que le jouet de l’Allemagne et l’administration une marionnette de l’occupant, vous niez tout simplement l’existence de la sombre et sinistre collaboration qui fut bien malheureusement une réalité historique.
En clamant votre conviction, vous avez, madame la présidente, tenu le discours d’une vérité : la vôtre. Celle d’une France qui n’aurait connu que la fierté au nom d’un populisme que vous revendiquez comme l’on brandit un drapeau.
En niant la réalité de l’Histoire, vous vous excluez vous-même du débat démocratique auquel vous avez un temps fait l’illusion d’appartenir.
Votre candidature est indigne de notre démocratie tout simplement parce qu’elle est incapable de l’embrasser aussi bien dans sa gloire que dans ses erreurs.
En niant ces dernières, ce n’est pas seulement les victimes de la Shoah que vous insultez, mais celles et ceux de nos concitoyens qui croient encore aux valeurs de notre République.