Ma cliente, Naama Issachar, doit être libérée
« Pourquoi es-tu si triste, Naama ? » avait demandé le chef de ce centre de détention réservé aux accusés dont les procès n’ont pas encore eu lieu.
« Parce que je veux retourner chez moi », avait répondu Naama.
Dans une petite salle de réunion située à l’intérieur de ce centre où elle était incarcérée, à 50 kilomètres de Moscou, Naama Issachar nous avait raconté son histoire, un sourire triste sur son jeune visage. Seule nouvelle positive dans ce cauchemar kakfkaïen, Naama était restée calme dans ces circonstances pourtant très dures.
Et en effet, elle s’était comportée d’une manière qui avait suscité notre admiration. Compte-tenu de tout ce qu’elle avait été amenée à traverser, ce qui lui avait essentiellement permis de rester debout et de conserver espoir était le soutien de sa famille, son esprit agile, sa détermination et aussi son excellent sens de l’humour.
C’est un euphémisme de dire que les poursuites judiciaires intentées en Russie comme Naama Issachar et le jugement des magistrats qui a suivi ont entraîné une « réponse forte » en Israël. Les Israéliens ont été indignés par la peine de prison de sept ans et demi qui a été prononcée pour neuf grammes de haschisch retrouvés dans son sac à dos lors d’une escale à l’aéroport de Sheremetyevo, alors qu’elle rentrait à Tel Aviv depuis Delhi.
Ce jugement à l’encontre de Naama est également une énigme pour les Russes et, plus spécifiquement, pour les professionnels de la justice.
Conformément au code de procédure criminel russe, un jugement de la cour doit être légal, bien-fondé et équitable. En l’examinant, il devient évident que le jugement, dans l’affaire qui nous intéresse, s’est soustrait à toutes ces exigences.
Les conclusions du tribunal – que le trafic de drogues de la part de Naama avait été établi et dûment prouvé par les faits et par les circonstances – ne résistent pas à la critique légale. Le tribunal n’est pas parvenu à prendre en compte le fait que le dossier impliquait une ressortissante israélienne âgée de 25 ans qui se trouvait brièvement dans une zone de transit à l’aéroport de Moscou, qu’elle n’avait pas caché la drogue ou tenté d’accéder aux produits incriminés et que, de toute façon, elle n’avait pas franchi le contrôle des douanes.
Mais ces faits prouvent toutefois que Naama n’avait aucunement l’intention de se livrer à un trafic et qu’il y a des incohérences évidentes entre les conclusions tirées par les juges et les circonstances du dossier. En d’autres mots, le jugement est à la fois infondé et inéquitable.
Il est excessivement clair que les enquêteurs et le tribunal ont tous deux accompli leur devoir de manière négligente. Ils ont agi avec cynisme, et avec la plus forte cruauté. Le seul à avoir été impliqué dans l’affaire et à avoir agi de manière professionnelle est le chien renifleur qui, selon la cour, a détecté le haschisch dans le sac à dos rouge de Naama et y a réagi. Toutefois, personne n’a nié, que ce soit au cours de l’enquête ou de la procédure judiciaire qu’il y avait de la drogue à l’intérieur du bagage.
Concernant la condamnation à la prison, même si nous partons du principe que la cour a eu une présomption « raisonnable » de pencher vers une velléité de trafic ou, comme c’est plus probable, qu’il y a eu d’autres raisons qui ont poussé à éviter de classer le dossier, une sentence de sept ans et demi d’emprisonnement semble sévère et injuste.
Le cas incroyable de Naama défie le principe de proportionnalité sur lequel toute démocratie doit fonder son système de droit. Une sanction criminelle doit correspondre à la nature de l’acte commis, à sa gravité et à l’identité de son auteur. Aucun de ces facteurs n’a été évalué avec justesse par les magistrats dans leur jugement. Et ce dossier met en doute, une fois encore, la transparence et l’indépendance du système judiciaire russe – en particulier en matière de procédure criminelle où le taux de condamnation s’élève à 99.78 %.
Exemple criant de la justice outrageusement punitive mise en oeuvre en Russie, le cas de Naama Issachar soulève également des questions troublantes qui vont bien au-delà de questions relatives au droit pénal et aux particularités de son dossier. L’aéroport international de Sheremetyevo, avec tous les bénéfices économiques offerts par ses services de transit, ne sera probablement pas considéré comme un lieu sur pour les voyageurs. Ce qui se reflète d’ores et déjà par une baisse des voyageurs israéliens qui choisissent de faire escale à Moscou. Le taux déjà peu élevé de voyageurs russes et israéliens se déplaçant entre les deux pays va assurément souffrir davantage suite à la condamnation de Naama.
Enfin, cet épisode soulève des questions sur le renforcement possible de la coopération militaire et sécuritaire entre la Russie et Israël. Aujourd’hui, une vaste gamme de sujets – et notamment celui d’une grâce en faveur de Naama Issachar – sont abordés dans le cadre du dialogue politique entre les chefs d’Etat des deux pays. Il est néanmoins extrêmement risqué de compter sur une grâce dans le dossier qui nous préoccupe. En effet, le président Poutine a toujours clamé que les querelles judiciaires devaient se régler devant les tribunaux.
Indépendamment des obstacles qui nous font face, nous portons le dossier de Naama devant une cour d’appel et nous controns les accusations des procureurs de manière dépassionnée, professionnelle et à l’aide d’arguments fondés.
C’est le moins que nous puissions faire pour Naama.