L’Union Européenne, en terrain miné

Rien ne va plus dans l’attelage européen. Le tandem franco-allemand, si souvent mis en avant, n’est plus d’actualité. L’élection américaine est un tournant tant pour les Américains que les Européens.
Coup sur coup, on a assisté à la montée de L’AFD en Allemagne et sa percée dans certaines Assemblées régionales. Cette séquence a été suivie par l’échec du parti présidentiel français aux élections européennes, qui provoqua la dissolution de l’Assemblée nationale. Laquelle entraina de nouvelles élections. Elles confirmèrent ce revers majeur, en dépit de la constitution au deuxième tour, d’un « front républicain » unique en son genre.
La France subit cette situation, face à une Assemblée nationale où les groupes s’affrontent et s’appliquent à défendre des intérêts partisans sans avoir l’intérêt général comme seul objectif. La durée de vie du gouvernement est largement posée, tant la culture du compromis ou plus encore la notion même de coalition paraissent très loin du logiciel politique français.
Comme si ce qui précède n’était pas suffisant, la coalition tripartite allemande vient de voler en éclats. Un vote de confiance aura lieu d’ici fin décembre. Il entrainera de nouvelles élections d’ici mars 2025. Pendant ce temps, on va voter une loi contre l’antisémitisme permettant à l’État de réprimer et de punir tous les actes antisémites, dont les manifestations pro-palestiniennes. On rappelle qu’en Allemagne il n’y a pas plus de 110 000 Juifs pour 85 millions d’Allemands.
Le plafond de verre a sauté
Plus de cordon sanitaire. La Commission comprendra à l’avenir deux commissaires d’extrême droite (nomenclature européenne actuelle) Raffaele Fitto de Fratelli d’Italia parti de Giorgia Meloni, et Olivér Várhelyi du Fidesz, et proche du premier ministre Hongrois Viktor Orban. Mme von der Leyen a pris en compte la réalité : la présence importante des partis d’extrême droite dans la composition de l’Assemblée et sa capacité de blocage à l’avenir. Le vote définitif est prévu dans les prochains jours.
L’attelage franco-allemand
Les dissensions entre les objectifs allemands et français son telles que la question se pose désormais avec force : où va l’Union Européenne ? Car l’Allemagne est confrontée à plusieurs grands problèmes en politique intérieure, extérieure et économique. Elle ne peut, ni ne veut se laisser dicter ses décisions par une France très amoindrie et dont la voix dans le concert des nations est presque inaudible. On ne peut utilement donner des leçons aux autres que si on a su balayer devant sa porte et maitriser ses propres turpitudes. Les évènements qui s’enchainent donnent plutôt une image inverse.
Ukraine, vers la cobelligérance
Comme si ce n’était pas suffisant, le président Volodymyr Zelenski a finalement obtenu l’autorisation de Washington de lancer des missiles de croisière (300 kms de portée) sur la Russie, idem pour les missiles d’origine anglaise ; ce qu’il a fait avec la collaboration effective américaine, dès lundi soir.
Comme si ce n’était pas suffisant, il a également obtenu des mines antipersonnel dont l’utilisation est en principe interdite (160 pays signataires[1], mais pas les États-Unis). Ces engins provoquent de graves blessures et touchent en très grande majorité des civiles. Va-t-on parler de crimes de guerre et de Cour pénale internationale ?
Symétriquement, le président russe a signé un nouveau décret modifiant sa doctrine nucléaire. Pour le Kremlin, les décisions américaines consacrent officiellement le concept de cobelligérance et l’entrée en conflit avec l’OTAN et ses membres… La Pologne et l’Allemagne sont en première ligne. Cette notion avait fait long feu depuis le début du conflit.
L’OTAN s’était abstenu d’intervenir directement jusque-là. La Russie se réserve maintenant le droit d’utiliser l’arme nucléaire si elle juge que cette nouvelle donne vient menacer ses positions. Les experts militaires ne pensent pas que ces décisions puissent permettre à Kiev de renverser la tendance qui se confirme : l’armée russe tient le front et poursuit son grignotage, avant l’arrivée de l’hiver, qui verra sans doute les deux armées se figer sur le front en raison des conditions climatiques, tout en poursuivant le combat par les airs.
En revanche, on peut s’attendre à des mouvements importants et sanglants dans la région de Koursk où le contingent nord-coréen arrive. Chaque partie voudra anticiper l’éventualité de négociations pour arriver avec des arguments, dont l’occupation sur le terrain. Ce qui ne pourra se faire qu’au prix de pertes importantes, de part et d’autre. Les morts s’ajouteront aux centaines de milliers de victimes déjà dénombrées, et dont on limite les annonces des deux côtés. La désinformation bat son plein.
Certains voient dans la réaction russe un grand bluff. Or, contrairement aux détenteurs de l’arme atomique en Europe, la Russie dispose de plusieurs milliers de mini-bombes nucléaires dites « tactiques » – c’est à dire d’une capacité moindre que LA bombe – susceptibles d’être utilisées dans un rayon plus réduit ; ce qui permet de provoquer une catastrophe à une échelle choisie. Ce pourrait être « un avant-gout » en cas d’escalade dont le risque s’accroit considérablement. L’envoi récent d’un missile balistique susceptible d’emporter une tête nucléaire constitue un avertissement sérieux.
Élection de Trump
Les Européens sont déçus que les électeurs américains n’aient pas respecté leur choix. On semble avoir oublié quelques grandes leçons de l’histoire contemporaine. Harry Truman, commerçant, fut un grand président. C’est lui qui pris la décision des bombardements nucléaires pour arrêter le conflit avec le Japon (les seuls bombardements nucléaires à date). Ronald Reagan, acteur de série B, fut aussi un grand président. Arnold Schwarzenegger, acteur d’origine autrichienne, fut un bon gouverneur de la Californie, État comparable à la France.
Enfin le plus connu de la planète Volodymyr Zelenski, comédien de télévision dans une série où il jouait le rôle d’un président, comique, soutenu par un oligarque, fut élu président de l’Ukraine. Il est vrai que les Européens et la France en particulier, sont infiniment plus sensibles aux arguments d’autorité, aux diplômes ; à la notoriété, au sauveur de la nation, notamment.
Le contribuable américain n’a pas dans son héritage ni 1789, ni mai 1968. Ce qui n’est pas sans expliquer la différence. Peut-être que 2024 deviendra une date mémorable, l’avenir le dira. Il n’en reste pas moins que durant son premier mandat, Trump a réalisé les accords d’Abraham et le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem[2], ce que ses prédécesseurs avaient voté dix ans plus tôt, mais en oubliant le transfert (ni Bush, ni Obama).
Le sort de l’Ukraine et de l’Europe
Au fond, en y regardant de plus près, pour régler des questions de vie ou de mort, un ex-comédien de la télé ukrainienne s’adressera à une ex-vedette de la télé américaine dans les prochaines semaines. Ainsi va le monde.
[1] Plus de 150 pays, dont le Royaume-Uni, se sont engagés à interdire leur utilisation, leur production, leur stockage et leur transfert dans le cadre de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel de 1997, également connue sous le nom de Traité d’Ottawa. Il convient toutefois de noter que certaines grandes puissances comme les États-Unis, la Russie et la Chine n’ont pas signé ce traité.
[2] Passed Senate amended (10/24/1995) Jerusalem Embassy Act of 1995 – Declares it to be U.S. policy that:
- Jerusalem remain an undivided city in which the rights of every ethnic religious group are protected;
- Jerusalem be recognized as the capital of the State of Israel; and
- the U.S. Embassy in Israel be established in Jerusalem no later than May 31, 1999.