L’Iran au G7 : Coup de génie ou coup de com de Macron ?
Roland Lombardi revient sur le G7. Et pose une question : Macron a-t-il réussi un simple coup médiatique, ou insuffle-t-il au contraire une nouvelle géopolitique « à la Française » ?
A première vue, l’invitation surprise faite à Mohammad Djavad Zarif, le ministre iranien des Affaires Etrangères, en marge du G7 à Biarritz, afin de discuter avec son homologue français pour trouver une solution aux tensions dans le Golfe persique, pourrait faire croire à un coup de génie de la diplomatie macronienne.
Ce G7 n’a d’ailleurs pas manqué d’être qualifié de franc succès par la majorité des médias et des observateurs mainstream.
En effet, cette initiative, couplée à la venue de Vladimir Poutine au fort de Brégançon quelques jours avant la tenue du sommet des sept puissances économiques, peut paraître, au premier abord, comme une inflexion positive de notre politique étrangère à mettre au crédit du Président Macron. Soit.
Toutefois, restons prudents.
Car la présence de Zarif n’est pour l’instant qu’un formidable coup de com’ médiatique. Rien de plus. Comme d’ailleurs, la grande leçon de morale écologique, très médiatique et à bon compte de la France, faite au Brésil de Bolsonaro, alors que la Sibérie et l’Afrique connaissent actuellement de graves incendies et que surtout, l’Amazonie brûlait déjà sous Lula !
Au moins, de son point de vue, Macron a-t-il réussi son G7 puisqu’il a fait plaisir au petit microcosme de ses soutiens et séduit les journalistes !
De plus, n’oublions pas que les chefs d’État profitent toujours des grands évènements internationaux pour tenter de se repositionner sur la scène intérieure et auprès de leurs opinions publiques. Surtout lorsqu’ils sont impopulaires, comme l’actuel locataire de l’Elysée…
Certes, Emmanuel Macron montre une image de dynamisme, discute et parle avec tout le monde. Et c’est très bien. Ses déclarations sur sa volonté d’instaurer un nouveau multilatéralisme sont peut-être même sincères. Il s’inscrit dans l’héritage d’une politique d’équilibre. De la fameuse « troisième voie » gaullo-mitterrandienne, qui n’est par ailleurs qu’un mythe historique.
Dernièrement, dans un entretien, le Président français s’est inquiété – chose étonnante venant de lui – des pesanteurs d’un « Etat profond » français, regroupant élus, diplomates, membres d’influents groupes de réflexion néoconservateurs ou grands médias et, surtout , de grands industriels, ce qui nuirait ainsi à notre politique étrangère. Là encore, c’est très bien. Mais a-t-il vraiment les moyens de s’en affranchir, lui, « l’enfant chéri du système » ?
Il n’a malheureusement pas l’indépendance financière et le culot d’un Donald Trump, les épaules d’un Valdimir Poutine ou même le soutien populaire massif d’un Salvini ou d’un Orban.
Car l’indépendance d’un pays ne s’impose pas à coup d’incantations.
Ainsi, l’invitation de Zarif à Biarritz fut-elle en définitive une initiative strictement française ou une manœuvre concertée ?
Ne soyons pas naïfs. A bien y réfléchir, celle-ci était sûrement l’aboutissement d’une totale concertation entre les diplomaties alliées. N’oublions pas que les « Sherpas », les conseillers diplomatiques personnels des dirigeants occidentaux, se rencontrent toujours des semaines à l’avance pour préparer les discussions du G7…
Quoi qu’il en soit, rien n’aurait pu se faire sans l’aval du puissant parrain américain et bien sûr l’accord tacite de Trump. D’où l’étonnante réserve et la pondération inhabituelle dans les commentaires de ce dernier à propos de cet épisode. Certes, en prenant une relative distance avec son « intermédiaire » français, Trump se met ainsi à l’abri d’une quelconque responsabilité en cas d’échec. Logique.
Le fait est que le président américain ne veut pas d’une nouvelle guerre au Moyen-Orient, surtout dans la perspective de sa réélection. Il est réellement décidé à entamer une désescalade dans la crise iranienne. Même si, inflexible, il compte bien sortir « gagnant » de ce bras de fer. Pour cela, il impose toujours la mise au ban internationale du pays et maintient la pression sur Téhéran grâce aux sanctions mais également sur les capitales européennes, avec son chantage économico-commercial extra territorial, véritable arme américaine de dissuasion et de contrôle sur l’Europe.
Au final, Trump a sûrement senti l’intérêt de profiter de l’initiative du président français dans cette tentative de reprise du dialogue (il en existe d’autres…) avec un régime iranien littéralement pris à la gorge, et beaucoup plus demandeur qu’il n’y paraît…
Article initialement publié sur GlobalGeoNews.com