Liberté de la presse

Le ministre des Communications Shlomo Karhi, à Jérusalem, le 17 juillet 2023 ; la procureure générale Gali Baharav-Miara, à la Cour suprême de Jérusalem, le 1er octobre 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90 ; Oren Ben Hakoon/POOL)
Le ministre des Communications Shlomo Karhi, à Jérusalem, le 17 juillet 2023 ; la procureure générale Gali Baharav-Miara, à la Cour suprême de Jérusalem, le 1er octobre 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90 ; Oren Ben Hakoon/POOL)

On pourrait croire que le gouvernement israélien s’occupe surtout de faire libérer les otages et d’envisager la fin d’une guerre qui met le pays au banc des Nations, le président des États-Unis menaçant même d’ « abandonner » son allié traditionnel. Erreur. Nombre de ministres et de parlementaires de la coalition consacrent toute leur énergie à compléter la réforme judiciaire engagée en 2023, et à proposer une série de mesures qui vont dans le même sens : limiter la liberté d’expression, amoindrir les contre-pouvoirs.

Ainsi, les associations financées par des gouvernements étrangers verraient leurs budgets imposés à 80% (!). Une place de choix revient aux initiatives de Shlomo Karhi, le ministre des Communications. Formé par un rabbin extrémiste, il est considéré comme l’un des membres les plus à droite du Likoud. Interprétant toute critique du gouvernement comme une manifestation de traîtrise à l’égard de la Nation, il entend mettre au pas l’audiovisuel.

L’audiovisuel public d’abord. En 2024, la Knesset a approuvé en vote préliminaire un projet de loi visant à privatiser la chaîne de télévision Kan et les radios publiques. Cette réforme prévoit leur fermeture et leur vente à des entreprises privées dans un délai de deux ans. Désormais c’est l’audiovisuel privé qui fait l’objet de toutes ses attentions.

Le projet de « loi sur les communications » entend créer une Haute autorité en la matière, qui serait composée de sept membres dont trois seraient des représentants du gouvernement et quatre des représentants du public. Mais ces derniers seraient sélectionnés par un comité présidé par le directeur général du ministère des Communications, c’est-à-dire en fait par le ministre. Le projet de loi conduirait également à supprimer l’obligation de séparation qui existe actuellement sur les chaînes de radiodiffusion, entre la société diffusant les informations et le reste des programmes.

Cette séparation vise à réduire l’influence des considérations économiques sur les émissions d’informations, et à neutraliser dans la mesure du possible les pressions politiques. Devant les risques présentés par ce projet de loi, la conseillère juridique du gouvernement avait engagé un travail de concertation avec les services du ministre. Mais celui-ci a préféré abandonner cette approche pour accuser la conseillère juridique de « fonctionner comme un acteur politique à part entière ».

Le très sérieux « Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël » a qualifié le projet de loi de tentative de prise de contrôle de la presse sur le modèle de la Hongrie. Une Hongrie dirigée par Viktor Orban, ce grand ami de Benjamin Netanyahu.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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