L’honneur perdu des présidents
Certains esprits chagrins ont osé exprimer leur désapprobation en apprenant que François Hollande avait remis la Légion d’Honneur au prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Nayef, accessoirement ministre de l’Intérieur du royaume.
Il faut rappeler que c’est là une tradition que de décorer, lorsqu’il est en visite officielle, un souverain, un président, ou un ministre. La coutume est fréquente et souvent réciproque puisque le président avait lui-même reçu une décoration locale lors de sa visite à Riyad en mai 2015.
Peu importe que cette monarchie, qui ne supporte pas la moindre opposition, ai procédé à 153 décapitations l’année dernière. Peu importe les droits de l’homme y soient réduit à leur plus simple expression et ceux de la femme pratiquement inexistants. Et l’on ne parlera surtout pas du fait d’y être homosexuel, qui vous ferait perdre la tête au propre comme au figuré, la chose étant passible de la peine de mort.
De toute façon, vous aurez peu de chance de visiter ce fleuron de la démocratie puisque, mis à part les pèlerins se rendant à la Mecque, le visa de tourisme n’y existe pas. Au mieux, si vous avez la chance d’être parrainé par une personne originaire du cru, il vous sera peut-être possible d’obtenir un droit de visite, mais, nombre de villes étant interdites aux non-musulmans, vous n’y verrez pas grand chose.
Vous ne pourrez même pas jouer aux échecs pour passer le temps cette activité ayant été interdite par une fatwa. Dernier détail, évitez les vacances à Tel-Aviv, la présence d’un tampon israélien sur votre passeport risquant de ne pas du tout être appréciée.
Le fond du problème n’est pas tellement que l’Elysée ai remis une décoration depuis longtemps vide de sens au représentant d’une dictature. Jacques Chirac avait bien décoré Vladimir Poutine un grand démocrate devant l’Eternel, quant à Omar Bongo, bien connu pour son sens aiguë du respect des droits de l’Homme, il le fut par Nicolas Sarkozy.
Le problème réside plutôt dans l’hypocrisie de la procédure, qui autorise à ce qu’il n’y ait pas de publication au Journal Officiel, ni même de cérémonie de remise d’insigne, et que le nom des bénéficiaires soit gardé secret par la grande chancellerie de la Légion d’honneur.
Autrement dit, on décore mais on le fait en toute discrétion pour les invités à la réputation un peu trop sulfureuse sans que cela fasse l’objet de la moindre publicité. C’est ainsi que ce qui était autrefois un motif de fierté n’est plus qu’un argument de séduction diplomatique.
Le seul problème est, que la poussière cachée sous le tapis d’une diplomatie douteuse, a été révélée récemment par l’Agence de presse saoudienne créant les remous que l’on sait.
Invité de France Inter le 7 mars, Jean-Marc Ayrault a semblé pour le moins embarrassé. « C’est une tradition démo… euh diplomatique », a t-il bafouillé devant les micros. On le comprend étant donné que, seul le ministre en question, peut demander que cette décoration soit remise à un visiteur étranger.
Pourquoi ne pas dire franchement que les 10,3 milliards d’euros de contrats signés début juin avec l’Arabie saoudite valaient bien une décoration. A ce prix là, cela fait même plutôt cher la rosette.
Napoléon 1er en créant la Légion d’Honneur, aurait dit à Cambacérès : « C’est avec des hochets que l’on mène les hommes ».
Reste à savoir si, en écornant les valeurs républicaines pour un hochet d’une dizaine de milliards d’euros, ce n’est pas nous qui nous faisons mener par le bout du nez…