Lettre ouverte à Mme Bergé : Non, vous n’avez pas tout dit

Non, tout n’a pas été dit à ces assises contre l’antisémitisme.
Tant qu’il n’aura pas été dit haut et fort que :
- sioniste n’est pas une insulte ;
- le sionisme est le droit légitime d’Israël à exister en tant que foyer national juif ;
- la France est sioniste car elle reconnaît la légitimité de l’État d’Israël en tant que foyer national juif ;
- quiconque appelle et incite à la haine contre Israël est passible de poursuites et se verra appliquer les sanctions les plus sévères relatives à l’incitation à la haine ;
- accuser fallacieusement Israël d’être un « État assassin », un « État terroriste », un « État génocidaire », est une incitation à la haine – contre Israël, les Israéliens, et contre quiconque les soutient, et en particulier supposément les Juifs – et doit donc être poursuivi comme tel[1] ;
- (un bonus pour votre collègue du Quai d’Orsay) la France condamne les régimes qui se revendiquent comme anti-sionistes, à commencer par l’Iran et l’Algérie[2] par exemple ; et pourquoi pas que la France prenne désormais des mesures contre tout État qui participe à la diffusion calomnieuse et infâme qu’Israël serait un État génocidaire [3].
Non Mme Aurore Bergé, ni vous ni la France n’avez dit tout ça. Et c’est bien fâcheux.
Toutes ces accusations, ces calomnies, dans l’esprit malade des antisémites (paranoïaques au sens psychiatrique du terme pourraient dire certains – cf [2]), ont des répercussions directes et dramatiques sur les Juifs de France. Une pensée ici pour la petite fille de 12 ans, séquestrée, humiliée, battue, violée, en groupe, sous les cris de « sale juive » et autre « vive la Palestine »[4]. Violée comme on peut violer une femme. À 12 ans.
💬 "L'antisémitisme n'est pas que l'affaire des Juifs. C'est l'affaire de toute la société.
Chacun doit être clair. Chacun doit sortir de l'ambiguïté.
C'est pour cela que j'ai souhaité organiser des Assises de lutte contre l'antisémitisme."#DirectAN pic.twitter.com/9rZMpKlQBL
— Aurore Bergé (@auroreberge) March 27, 2024
Vous reprenez les mots mais vous les videz de leur substance. Vous parlez de l’antisémitisme venu de l’extrême droite, et de celui venu des « quartiers populaires »[5]. Non seulement c’est calomnieux pour ces pauvres habitants des « quartiers », qui en subissent déjà bien assez (et qui, étonnez-vous en, sont même parfois juifs), mais cela fait longtemps que les islamistes en France ne se cantonnent plus aux « quartiers ».
Déjà en 2014, des personnes arrivées en France pour étudier – l’informatique par exemple – dans les années 2000 gagnaient très bien leur vie, et habitaient les beaux quartiers parisiens. Et déjà ils parlaient, à la pause café, sans aucune précaution oratoire, du « génocide à Gaza » lors de la guerre de l’été 2014 entre Israël et le Hamas[6].
Non. Ce n’est pas des « quartiers » que vient l’antisémitisme qui insulte, agresse, viole et tue, en France. Quand oserez-vous dire le mot ? Quand la peur d’être accusé d’ « islamophobie », quand la peur de « stigmatiser », cessera donc de vous paralyser. Tant que la France n’en sera pas sortie, rien ne pourra avancer, et certainement pas la lutte contre l’antisémitisme. On n’est pas près de battre l’ennemi si on n’est même pas capable de le nommer – haut et fort, je le répète. Voldemort, c’est l’islamisme.
Il y a du chemin. Un très, très, long chemin.
La situation est trop grave. Les incantations vides ne suffisent plus. Il faut du courage. En avez-vous ? Cela reste à prouver. Et le temps presse.
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[1] Le cas échéant, c’est l’État français lui-même qui devrait saisir la justice pour dénoncer ces faits, autant parce que la France est un État allié d’Israël, que parce qu’elle défend ses citoyens juifs, religieux ou séculaires, ses citoyens « pris pour » Juif, et ses citoyens sionistes, tous potentielles victimes collatérales des incitations à la haine contre Israël.
[2] ONU – Justice internationale : 14 pays veulent rejoindre l’Afrique du Sud dans son procès contre Israël (Afrique du Sud, Nicaragua, Belgique, Irelande, Colombie, Lybie, Égypte, Cuba, Mexique, Espagne, Turquie, Chili, Maldive, Bolivie)
[3] Quelques exemples de l’obsession paranoïaque du « complot sioniste » (parce qu’ils ont bien intégré que ça ne se fait plus de dire « complot juif », en tout cas pas en public). Liste non exhaustive :
- La délégation olympique algérienne impute la controverse liée à sa boxeuse à une « conspiration sioniste »
- Boualem Sansal : l’agence de presse algérienne confirme l’arrestation de l’écrivain et étrille la « France Macronito-sioniste »
- Kais Saied : Le nom de la tempête Daniel traduit une « influence sioniste »
[4] Le calvaire de l’adolescente victime d’un viol antijuifs à Courbevoie
[5] « Il existe un antisémitisme dans certains de nos quartiers populaires » (Aurore Bergé interviewée sur CNews / Europe 1)
[6] Je peux en témoigner personnellement. Je l’ai vécu. Je l’ai reçu moi-même, en plein visage. Des collègues que je pensais être des exemples d’intégration, qui ne buvaient pas d’alcool et allaient à la mosquée, mais qui étaient très sympathiques et conviviaux, et pouvaient sans aucun problème être amis avec des Juifs. Je pensais. Jusqu’à ce qu’un jour, suite aux bombes envoyées par le Hamas à l’été 2014, le sujet d’Israël n’arrive dans la conversation. Le désenchantement fut terrible. La haine viscérale ou non contre Israël, c’est ça le marqueur d’intégration. Pas de savoir s’ils disent bonjour à la voisine ou portent les courses de la vieille dame.