Les superprofits des banques israéliennes sont choquants

© Stocklib / vladirina32
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La faillite de la banque américaine SVB a suscité beaucoup d’inquiétudes en Israël avec le spectre qu’un scénario semblable touche une banque locale.

L’épargnant israélien peut se rassurer, il n’a pas à craindre la faillite de sa banque préférée, au contraire ; les banques israéliennes affichent des profits record.

Alors que l’effondrement de la Silicon Valley Bank provoquait un vent de panique dans le secteur bancaire mondial, les banques israéliennes publiaient leurs résultats pour 2022 ; ici, pas de scénario de faillite à l’horizon, ce serait plutôt la tendance business as usual.

Effectivement, les banques israéliennes affichent une insolente bonne santé et on pourrait s’en réjouir. Seulement voilà : leurs superprofits paraissent choquants à l’heure où l’inflation et les taux d’intérêt élevés pèsent sur le budget des ménages israéliens.

Rentabilité record

En 2022, le profit net des quatre grandes banques d’Israël (Leumi, Hapoalim, Mizrahi, Discount) s’est monté à 22 milliards de shekels ; c’est 30% de mieux que l’année précédente.

En tête de classement, la banque Leumi qui affiche un profit de 7,7 milliards de shekels pour 2022, suivi de l’Hapoalim (6,5 milliards), la Mizrahi (4,5 milliards) et la Discount (3,5 milliards). Le taux de rentabilité des banques (profit comparé au capital propre) se situe dorénavant entre 15 et 20%, battant tous les records antérieurs.

A priori, on devrait se réjouir de la bonne santé des banques israéliennes qui les met à l’abri d’une faillite à l’américaine ; sauf que les profits se font sur le dos des clients, épargnants et déposants.

Car la cause principale des profits bancaires de 2022 est le bond du taux d’intérêt de la Banque d’Israël ; les banques de dépôts en ont profité pour augmenter les intérêts facturés sur les prêts accordés à leurs clients.

Sans compter que malgré leurs profits record, les banques ont fermé beaucoup de leurs agences de quartier, réduisant les services de proximité à leur clientèle et favorisant les services digitaux moins coûteux.

Réserves obligatoires

Un scénario à l’américaine est improbable en Israël, même s’il n’est jamais impossible, et pour cause : le contrôle des banques est plus étroit ici qu’il ne l’est de l’autre côté de l’Atlantique.

Certes, la situation en Israël a évolué depuis une vingtaine d’années ; beaucoup d’Israéliens se souviennent du traumatisme causé en 2002 par la faillite de la Banque israélienne pour l’Industrie ; une employée peu scrupuleuse avait réussi à vider les caisses de la banque sans se faire repérer !

Suite à cette faillite frauduleuse, la Banque d’Israël a renforcé ses contrôles ; elle a notamment relevé le taux de réserves obligatoires, contraignant les banques à conserver en argent liquide 9% des dépôts reçus, ce qui leur permettrait de faire face à d’éventuels retraits massifs.

A titre de comparaison, le taux de réserves obligatoires est de 1% seulement dans la zone euro et de 0% aux Etats-Unis.

En 2023, les banques israéliennes se portent bien et ont un bel avenir devant elles ; dommage que leur clientèle n’en profite pas….

à propos de l'auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de "Les Arabes d’Israël" (Autrement, 2008), "Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ?" (Armand Colin, 2012), "Les Israéliens, hypercréatifs !" (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et "Israël, mode d’emploi" (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : "Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël" (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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