Les pays arabes, une bouée de sauvetage pour Israël ?
Le contexte contemporain international pourrait nous rappeler le « grand jeu » historique. Le concept, théorisé par les géostratèges Spykman et MacKinder, repose sur des enjeux énergétiques et géopolitiques. La mondialisation accélérée post union soviétique, ayant fait des échanges commerciaux le pilier de la stabilité politique, est devenue une nécessité vitale pour tout pays. Par conséquent, la nouvelle réalité crée des tensions et contrefait des alliances. Pour mesurer l’ampleur de ces unions historiques ou conjoncturelles, nous devons rester lucides face à l’étendue des alliances passées, actuelles et futures.
Composer avec l’ère du néoréalisme, à la Kenneth Waltz, nécessite une vision bien plus que pragmatique. Jusqu’à l’avènement du printemps arabe, les réalités politiques pouvaient se lire à travers la lucidité régionale et la clarté des intentions; seuls les régimes forts institutionnellement capables de maintenir l’équilibre de l’équation des pouvoirs. Depuis, la menace est multiple, les ramifications dépassent les réalités endogènes et la sécurité des États ne dépend plus des régimes politiques. Ne pas prendre en considération ces points relèverait de l’illogisme. Les grandes puissances, sont, elles aussi, soumises aux mêmes réalités et à la concurrence des petites nations. Ajoutons à cela, la montée en puissance de groupes non étatiques, parfois provocants et extraterritoriaux.
Dans le contexte présent, nous assisterons à la montée de différentes mini-puissances dans les quatre coins du monde. Subséquemment, l’équation des forces historiques Russie versus Occident doit tenir compte de l’empire du milieu. Les prises de positions idéologiques du temps de la bipolarité sont désuètes.
À titre d’exemple, les pays producteurs de pétrole du golfe arabe, historiquement alignés sur Washington, se tournent de plus en plus vers l’opportunité de croissance à la chinoise et l’armement russe pour se prémunir des pressions occidentales. Ne serait-ce que pour assurer une garantie de support diplomatique. L’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis et le Qatar se définissent déjà comme des mini-puissances financières et énergétiques capables de réfuter une ligne politique contraire à leurs intérêts et soutenir leurs alliés régionaux dans l’atteinte de leurs objectifs régionaux.
Présentement, à quelques exceptions près, les pays optent pour des politiques très réalistes, préférant confronter leurs adversaires de manière fragmentée, plutôt qu’opter pour une offensive tous azimuts.
De toute évidence, les États-Uniens ne pourront survivre sur la seule base de leur robustesse militaire, le monde a évolué et les moyens de guerre aussi. Les pays, de nos jours, se spécialisent militairement selon la géostratégie de leur territoire.
Les horreurs du 7 octobre et l’offensive israélienne à Gaza devraient alerter l’électorat israélien. Le réalisme militaire communique désormais avec le politique et vice-versa. Et, la classe politique en Israël devrait prendre acte de ces changements.
D’après l’article publié hier par Thomas Friedman dans le New York Times après sa visite à Riyad : « Israël doit choisir: Rafah ou Riyad », la position du Royaume se tourne vers « travailler à l’établissement d’un État palestinien ». Les intérêts à long terme d’Israël sont à Riyad. La route de Riyad rapporte des bénéfices bien plus importants que la route vers Rafah, qui sera une impasse dans tous les sens du terme.
Dans un monde diplomatique difficile et soumis à la réalité mondialisée, les chancelleries cherchent avant tout à garder un équilibre entre la rationalité des impacts décisionnels, au niveau international, et les répercussions possibles sur leur réalité intérieure. Désormais, toute décision de la politique étrangère est traitée sous un prisme local interne. Le cas du Canada devrait être l’exemple à étudier, à titre indicatif et non exhaustif. Le gouvernement Trudeau se force jusqu’à date à ne fâcher aucun protagoniste tout en prenant des décisions partisanes de part et d’autre. Le réalisme ambiant outre-passe la portée morale de toute action politique. Le pluralisme interne du Canada oblige le gouvernement à être plus flexible envers toutes les causes.
Aujourd’hui, la pensée objective devrait prendre le dessus sur l’idéologie. Le monde est en perpétuelle anarchie, d’où sa théorie néoréaliste qui vient colmater les brèches de la pensée réaliste traditionnelle.
De ce fait, plus que jamais, Israël doit penser à sa survie. Cette dernière passe par la solution ultime à ce conflit.
Que la solution passe par la création de deux États ou par un État fédéré, force est de constater que le statu quo ne profite à aucune partie.
Aujourd’hui, la classe politique israélienne doit saisir l’occasion de la main tendue des pays arabes pour établir un cadre de paix et une feuille de route crédible menant à une intégration régionale complète. L’initiative de paix de Beyrouth de 2002 pourrait être revisitée pour mener à un accord historique de paix. L’ouverture du prince Mohamed Ben Salmane pour conclure un accord de paix négocié et les accords déjà signés entre États arabes et l’État d’Israël sont une opportunité inédite à saisir.
Le prince Faisal bin Farhan tend la main : « Nous devons passer des paroles aux actes… Il est dans l’intérêt de la région tout entière et dans l’intérêt des Palestiniens, d’Israël, des Nations Unies et de la communauté internationale de trouver une solution permanente à la question palestinienne. Parce que c’est la seule manière qui nous permettra d’éviter une répétition de cette guerre et d’éviter les souffrances qui ont eu lieu ».
Il est désormais temps de faire des compromis politiques pour faire de la paisibilité une réalité israélienne, sans avoir besoin d’un quelconque soutien hégémonique américain.