Les Olim de France existent !
Petite histoire attristante, mais caractéristique : il y a quelques jours, le 22 décembre, quelques titres de la presse israélienne ont publié des données alarmantes du Secrétariat de la Population au ministère de l’Intérieur (équivalent de l’Etat Civil), selon lesquels seuls 16 % des olim arrivés en Israël au cours des huit dernières années seraient juifs au regard de la halakha. Le pourcentage d’olim de France reconnu comme juifs par le Rabbinat était ainsi annoncé à 27 %.
Un certain nombre de personnes, dont Yaëlle, ont immédiatement détecté une anomalie et se sont adressés au Secrétariat de la Population afin d’obtenir des éclaircissements. En moins de 24 heures un démenti a été publié, les chiffres ont été rectifiés, et l’Agence Juive a même publié un communiqué selon lequel 97 % des olim de France sont juifs au regard de la halakha. Cet incident en apparence anodin, fruit d’une erreur bureaucratique, n’est en fait qu’un des symptômes de la relation pour le moins particulière que la société israélienne entretient avec les olim de France.
D’un côté, l’habituel festival de clichés et d’exagérations, depuis le personnage grotesque d’Analie, la Française dans la série “Tsomet Miller” en passant par l’identification des olim avec une pratique religieuse obscurantiste, et l’accusation d’avoir causé l’augmentation des prix de l’immobilier ; pourquoi pas en effet y ajouter que seul un olé hadash de France sur six est vraiment juif ?
De l’autre côté, une indifférence complète à la aliyah de France, ou un cynisme glaçant. Aucun réel programme d’intégration, pas de budgets dignes de ce nom ; nombre de promesses creuses en période de campagne électorale, et quelques candidats sur des listes de petits partis, placés en position inéligible, et c’est tout.
Et pourtant, les chiffres sont parlants : près de 250 000 francophones vivent en Israël ; 150 000 israéliens sont également citoyens français ; au cours de la dernière décennie, 10 % des Juifs de France ont fait leur aliyah, motivés par un fervent sionisme et une profonde identification aux valeurs de l’Etat d’Israël.
Ajoutons que 90 % des Juifs de France sont séfarades. Leur identité est en toutes choses européenne, ainsi que leur culture. La distinction séfarade/ashkénaze n’est absolument pas pertinente en France et on n’y fait quasi jamais allusion. La culture politique est importante, le débat est vif et souvent soutenu, le taux de vote très élevé, l’identification politique aussi bien à droite qu’au centre ou à gauche.
Après quelques années en Israël et passée la lune de miel, les olim de France déchantent et découvrent la vérité : personne ne les calcule, pour parler familièrement. Eux, leur sionisme, leur aliyah depuis un pays riche et où la qualité de vie est excellente, on les prend pour argent comptant. Et cela en bas comme en haut, là où se prennent les décisions.
Aujourd’hui, alors que nous approchons d’une troisième campagne aussi inutile que superflue aux yeux de la majorité des citoyens d’Israël, nous lançons un appel aux politiques et aux journalistes : Changez de comportement avec les olims de France ! Nous en avons assez d’être les bons élèves du sionisme. Nous réclamons une vraie vision politique, des positions éligibles sur les listes de la Knesset, des budgets qui ne soient pas des saupoudrages, et des programmes dédiés pour une intégration sur le long-terme.
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Yaëlle Ifrah, ola hadasha, conseillère parlementaire à la Knesset
Dr Marie-Lyne Smadja, ola vatika, professeure et chercheuse en Sciences de l’Education