Les médias de gauche préfèrent soutenir Harvard contre Trump que Balanche contre l’islamisme

Fabrice Balanche quittant sa salle de cour à l'université de Lyon 2, après avoir été interrompu et pris à partie par un groupe d'individus masqués, le 1er avril 2025. (Crédit : Capture d'écran Youtube utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)
Fabrice Balanche quittant sa salle de cour à l'université de Lyon 2, après avoir été interrompu et pris à partie par un groupe d'individus masqués, le 1er avril 2025. (Crédit : Capture d'écran Youtube utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)

Plus qu’une lamentable histoire. Le symbole accablant de notre abaissement. Il s’appelle Fabrice Balanche, il est maître de conférences en géographie à l’université Lyon 2. C’est un spécialiste reconnu de la Syrie. Elle s’appelle Isabelle von Bueltzingsloewen, elle est présidente de l’université lyonnaise. Le 1er avril – la scène a été évidemment filmée – le professeur quitte calmement et dignement la salle de cours sous les cris et les clameurs d’étudiants (ou prétendus comme tels) hurlant à son encontre et à tue-tête : « Sale sioniste , dehors ! », « Complice du génocide » et « Palestine vaincra ! ».

Monsieur Balanche avait en effet osé protester publiquement sur CNews contre le blocage du campus de Bron par des militants venus dénoncer l’interdiction d’une grande soirée de rupture du jeûne islamique dans l’enceinte de l’université. Pour des raisons touchant à la laïcité. Il y avait vu également la marque de l’islamo-gauchisme. En l’occurrence peu difficile à discerner, sans vouloir diminuer son acuité visuelle. Mais il est vrai que pour les pontes académiques qui gouvernent encore l’université française, l’islamo-gauchisme est chimérique. C’est ainsi que l’Association France Université, qui regroupe des dirigeants d’universités, a dénoncé « les fantasmes d’islamo-gauchisme et de wokisme » qui règneraient à l’université.

L’université lyonnaise, avec une toute relative vélocité, avait mis trois jours avant de protester contre l’attitude des vociférants à l’égard de son professeur expulsé. Nous en étions là et l’affaire était déjà en passe de passer en grosses pertes et nul profit quand Madame la présidente a décidé de remettre une méchante pièce dans la machine médiatique. La combien affligeante affaire a été narrée par Le Figaro dix-sept jours plus tard dans un article intitulé : « Militants pro-Palestine : à Lyon, un enseignant lâché par sa chef » (vendredi 18 avril).

Dans un ahurissant entretien donné la veille au journal local Tribune de Lyon, Madame von Bueltzingsloewen reproche à son professeur agressé des « paroles affligeantes, complotistes et délétères pour l’université » ! Il semblerait que ce soit l’épithète d’ « islamo-gauchistes » appliquée aux perturbateurs qui lui vaille cette accusation de complotiste… « C’est à lui de trouver sa place », dit-elle à propos d’un professeur chassé de cette place par les injures. Et de manière menaçante d’ajouter : « La polémique redescend mais l’affaire n’est pas terminée, nous allons en discuter au cours du prochain conseil d’administration ».

Nous ne parierions pas sur les qualités de divination de la présidente quant à la fin de ladite polémique. Car, dans la queue de ses déclarations, se cache le venin : « Je n’ai pas été étonnée que [ce blocage] tombe sur ce collègue-ci eu égard à ses positionnements sur Gaza »… Ces déclarations légitiment le mot d’inqualifiable quand vous ne comprenez pas comment une responsable peut se montrer aussi irresponsable. Il n’est pas nécessaire dans ces colonnes d’indiquer qu’être professeur est aujourd’hui en France un métier à risques quand vous l’exposez inutilement à la question islamique. Il n’est pas nécessaire de rappeler les destins funestes de Samuel Paty ou de Dominique Bernard.

Et voici qu’une lettrée diplômée, alors que nul ne lui demande rien, invective une victime, le taxe de conspirationniste, et non seulement lui reproche ses positions (que nous ignorons encore après avoir bien cherché) sur le conflit le plus passionnel du monde mais plus encore justifie son agression par ses positions ! Effectivement, comme d’aucuns l’ont justement indiqué et comme l’intéressé l’a indiqué lui-même sobrement, rappelé sur Europe 1 samedi : « La présidente me met une cible sur le dos »…

La seule explication rationnelle, au demeurant terrible, que je puisse trouver à ses déclarations irrationnelles est qu’elles sont pour complaire à sa classe universitaire. Car la dame est élue par ses pairs. Cela en dit long sur la sociologie idéologique académique. Je veux écrire à ce stade que les réactions de la classe politico-médiatique ne sont aucunement à la hauteur de ce qu’il faudrait nommer scandale, si précisément il y en avait un.

Que voit-on sur le plan politique ? Une saine réaction de Laurent Wauquiez qui proteste et réclame une enquête. Et heureusement , une protestation locale outragée de Jérémie Bréaud, maire Les Républicains de Bron, qui réclame la démission de la responsable irresponsable. Sur le plan médiatique, hormis l’article explicite du Figaro précité, on notera sans plus s’en étonner, un article bien tiède du Monde, qui oublie curieusement la réflexion venimeuse concernant Gaza… Bien qu’étant assez attentif à ce qui se dit sur l’audiovisuel public, je n’ai rien entendu concernant cette affaire sur France Info ou France Inter. Une fois de plus, heureusement, il y avait la fâcheuse sphère…

Les médias progressistes préfèrent plaindre les universités américaines mises en danger, paraît-il, par un gouvernement américain qui a l’étrange idée de supprimer les subventions en faveur de celles qui ne voudraient pas lutter contre l’antisémitisme et une discrimination prétendument positive prétendant favoriser certains étudiants en fonction de leur race. La Cour suprême l’a déclarée illégale pour cause de racisme. Mais il est vrai que cette instance est à majorité conservatrice.

Il paraîtrait que de nombreux scientifiques américains, inquiets dans leur pays, souhaiteraient venir en France. Je leur conseillerais néanmoins de se renseigner auparavant sur l’ouverture d’esprit qui règne dans certains milieux scientifiques ou universitaires. Quant au gouvernement, son silence est consternant. Si l’affaire Balanche était moins grave, je dirais qu’il dépasse les bornes. Plus qu’une lamentable histoire, le symbole accablant de notre abaissement. Mais je crois l’avoir déjà écrit.

Tribune publiée sur LE FIGARO le 22/04/25. Avec l’aimable autorisation de l’auteur.

à propos de l'auteur
Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain.
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