Les dépenses militaires en Israël s’envolent, mais jusqu’où ?

La guerre contre le Hamas au sud et le Hezbollah au nord contraint le gouvernement israélien à débloquer des fonds supplémentaires pour conserver sa supériorité militaire.

Partout dans le monde, une guerre se traduit logiquement par une hausse des dépenses militaires ; en Israël aussi, tous les conflits militaires qui ont jalonné l’histoire du pays ont exigé des budgets supplémentaires pour faire face à des dépenses imprévues.

Polémique politico-militaire

La guerre contre le Hamas à Gaza a déclenché en Israël un débat public autour de l’ampleur du budget militaire dont le pays a besoin pour se défendre, contre-attaquer et assurer sa survie.

En ce début 2024, la controverse sur le budget de Tsahal pour les années à venir bat son plein ; en pleine guerre, l’augmentation des dépenses militaires pour les années à venir est devenue une certitude pour beaucoup d’hommes politiques, la question est juste de savoir de combien.

D’un côté, les spécialistes militaires exigent un supplément de 220 milliards de shekels sur les quatre années à venir, soir 55 milliards par an ; une hausse énorme de 70 % par rapport au budget militaire régulier d’Israël qui, avant la guerre à Gaza, tournait autour de 80 milliards de shekels, soit 20 milliards d’euros (aide américaine comprise).

Face aux experts militaires, d’autres observateurs (politiciens et économistes) mettent en garde contre une envolée incontrôlée des dépenses militaires qui pourrait déstabiliser l’économie du pays.

Traumatisme de 1973

Durant ses soixante-quinze années d’existence, Israël s’est développé autour d’une économie de guerre ; les fortes dépenses de défense ont été mises à profit pour développer une technologie militaire qui fut largement appliquée aux besoins civils.

Si les guerres d’Israël furent souvent courtes et financées par le budget courant et quelques rallonges, il faut remonter 50 ans en arrière pour trouver un contre-exemple : le traumatisme de 1973 a laissé une marque profonde sur l’économie israélienne qui a été gravement endommagée par l’augmentation fulgurante des dépenses de défense.

Alors que le budget de la Défense d’Israël était équivalent à 10 % du PIB dans les années 1960, il a fait un bond à 30 % du PIB en 1975, proportion qui a conduit à une crise économique sans précédent et à une inflation galopante au début des années 1980.

Il faudra attendre les années 1990 pour voir le budget militaire revenir à 10% du PIB israélien et tomber en dessous de 5% du PIB au début des années 2020 ; c’est en 2022 qu’Israël a consacré la part la plus basse de son histoire à ses dépenses militaires qui ont représenté 4,5% de son PIB.

Merkava contre Toyota

Et puis l’attaque surprise du Hamas le 7 octobre a changé la donne et surtout le « concept » de guerre : les dépenses militaires ont fait un nouveau bond pour faire face à un conflit multi-fronts, prolongé et intense, donc coûteux.

Seulement voilà, des dépenses militaires importantes ne garantissent pas forcément la supériorité d’Israël face à ses ennemis proches ; l’échec du 7 octobre en est la preuve. Les barrières électroniques et les tanks Merkava super-modernes n’ont pas résisté aux camionnettes Toyota des terroristes venus de Gaza.

Désormais, beaucoup de spécialistes militaires le reconnaissent : l’ampleur des dépenses militaires ne garantit plus la défense du pays. La question est donc posée : quel est le niveau de dépenses militaires qui garantisse la sécurité d’Israël ?

En fait, de nombreux facteurs assurent la défense d’un pays comme : le niveau de préparation à la guerre, les capacités de renseignement, l’analyse des informations fournies par l’observation quotidienne de l’ennemi, etc.

Ces facteurs ne sont pas coûteux mais ils exigent une révision de la stratégie de l’armée israélienne face à des ennemis de plus en plus menaçants. Tsahal doit être préparé à toutes les éventualités, il en a les capacités et les forces ; et les préparer ne coûte pas forcément beaucoup d’argent…

à propos de l'auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de "Les Arabes d’Israël" (Autrement, 2008), "Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ?" (Armand Colin, 2012), "Les Israéliens, hypercréatifs !" (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et "Israël, mode d’emploi" (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : "Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël" (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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