Les déboires de Yaïr Lapid

Le chef de l'opposition Yaïr Lapid faisantt une déclaration aux médias sur la Place des Otages, à Tel Aviv, le 1er août 2024. (Crédit : Capture d'écran ; utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)
Le chef de l'opposition Yaïr Lapid faisantt une déclaration aux médias sur la Place des Otages, à Tel Aviv, le 1er août 2024. (Crédit : Capture d'écran ; utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)

Les déclarations de Yaïr Lapid après les frappes israéliennes de l’Iran ont de quoi surprendre. Il a regretté qu’elles n’aient pas été jusqu’à atteindre les capacités atomiques et pétrolières du pays des mollahs.

On avait connu un président du parti centriste Yesh Atid (Il y a un avenir) plus nuancé. Mais Yaïr Lapid est un rebelle né.

Ce fils d’un célèbre journaliste passé en politique et d’une romancière réputée a refusé son destin d’enfant gâté. N’ayant pas fait d’études, il a été acteur et écrivain avant de devenir journaliste vedette à la télévision. À l’approche de la cinquantaine, il change de vie et crée son parti qui, aux élections à la Knesset en 2013, arrive en deuxième position avec 19 sièges.

Allié puis opposant à Benjamin Netanyahu, il a été l’enfant chéri de la bourgeoisie laïque qui, dans les kibboutzim, les moshavim et les centres-villes, abandonnait la gauche. Doté du premier groupe de la minorité à la Knesset (24 mandats), il est chef de l’opposition (qui en Israël dispose d’un statut officiel).

Non compromis dans le gouvernement d’urgence nationale formé après le 7 octobre, il pouvait critiquer sans limite Benjamin Netanyahu. Mais il est pris en tenaille entre une opinion publique de plus en plus à droite et ses concurrents au sein de l’opposition.

Les sondages ne lui prédisent plus que 14 sièges, soit moins que Benny Gantz et surtout moins que Naftali Bennett qui caracole en tête des candidats au poste de Premier ministre.

Un malheur n’arrivant jamais seul, Yaïr Lapid est critiqué au sein de son parti. Il y a quelques mois, il s’en est fallu de 29 voix sur plus de 1000 pour qu’il en perde la présidence au profit de Ram Ben Barak, un ancien numéro deux du Mossad.

Il y a quelques jours, c’est Elazar Stern, un général devenu député de son parti qui a déclaré que Gadi Eizenkot, ancien chef d’État-major, député d’un autre parti centriste, ferait un excellent Premier ministre.

On l’aura compris, et Yaïr Lapid, le premier : pour être chef du gouvernement en Israël, il faut avoir aujourd’hui encore plus qu’hier une image sécuritaire.

Le problème de Yaïr Lapid est qu’il a bien du mal à être identifié ainsi par l’opinion publique. Il a fait son service militaire au sein du journal de l’armée, et n’a pas vraiment de compétences en matière de défense. Ce Macron israélien (il est dans les meilleurs termes avec le président français) pourrait bien connaître les mêmes déboires que l’hôte de l’Élysée : désormais trop à gauche pour ses électeurs et pas assez à droite pour les autres, après avoir beaucoup pris la lumière, il risque de finir dans l’obscurité.

Une perspective intenable pour Lapid dont le prénom, Yaïr, signifie « il éclairera ».

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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