L’électrique au forceps

Mercredi 6 mai 2020, des berlines Model 3 invendues, chez un concessionnaire Tesla à Superior, au Colorado (AP Photo / David Zalubowski)
Mercredi 6 mai 2020, des berlines Model 3 invendues, chez un concessionnaire Tesla à Superior, au Colorado (AP Photo / David Zalubowski)

Que vous le vouliez ou non, vous roulerez électrique ! C’est un peu le sens du discours présidentiel qui vise à ce que notre industrie atteigne plus d’un millions de véhicules alors qu’il y  a actuellement 200.000 véhicules en circulation,  soit une part de marché moyenne de 1,9 % du parc automobile français.

Si elle n’est pas polluante lorsqu’elle roule, rappelons que la voiture électrique fonctionne avec des batteries qui sont très loin d’être écologiques. Le prix de ces dernières représente par ailleurs 40% du prix global du véhicule et, pour l’instant, la volonté de domination de la Chine, que ce soit sur les terre rares qui servent à leur fabrication autant que sur les batteries elles-mêmes, ne fait pas l’ombre d’un doute, d’autant plus que qu’une réponse européenne n’est pas prévue avant 2023…

Reste les deux défauts majeurs de l’électrique, l’autonomie et le temps de recharge. Si l’autonomie en ville ne pose plus de problème, il est loin d’en être de même sur la route, et encore moins sur de longues distances, puisque le modèle le plus performant, la Tesla Model 3 ne vous offrira que 257 kilomètres d’autonomie sur autoroute. Sachant que le prix de ce modèle frise malgré tous les 50.000 euros, voilà qui, même avec les aides de l’état, la met hors de portée de pas mal de bourses…

Quant au temps de charge, il peut effectivement être réduit grâce aux bornes de recharge rapide, mais, lorsque l’on constate que cette même marque Tesla, considérée comme le leader de l’électrique, conseille de n’utiliser que très modérément les bornes en question sous peine d’une dégradation rapide des batteries, on peut légitimement se demander si les utilisateur vont être prêts à patienter  plusieurs heures sur une aire d’autoroute avant de pouvoir repartir.

Reste enfin la question de la consommation qu’entrainerai un parc automobile massivement électrique. Un parc de cette nature induirait une consommation supplémentaire d’environ 50 terrawatt. C’est que notre pays exporte annuellement, donc, n’en déplaise aux écologistes, si nous conservons nos capacités de production d’électricité d’origine nucléaire, cela ne devrait pas présenter de problème. Mais, certains se rappellent peut-être de la panne géante de 1978 qui a failli provoquer l’effondrement total du réseau. Hors, le fait d’avoir un grand nombre de véhicules simultanément en charge dans des conditions hivernales entrainaient une consommation tendue qui pourrait mettre le réseau à rude épreuve

Il existe bien une solution qui pourrait mettre à mal tous ces argument en défaveur de l’électrique. Plutôt que de subir les affres d’un rechargement, pourquoi ne pas mettre en place un système permettant de changer de batterie tout comme l’on fait le plein d’un moteur thermique ?

Un pays a expérimenté cette solution : Israël. La société israélo-américaine Better Place a mis en place, en partenariat avec Renault-Nissan, un réseau de mini-stations de remplacement de batteries, entièrement automatiques. Le pays a été le pilote de cette expérience qui se montrait, à priori, séduisante. Même Christian Estrosi, Ministre chargé de l’Industrie à l’époque, avait fait le déplacement en 2009. Malheureusement, au dire même d’un responsable de la société, le remplacement de la batterie a été plus l’exception que la règle. Le résultat ne s’est pas fait attendre, après plus de 850 millions de dollars de perte, la société abandonnée par Renault a dû mettre la clé sous la porte.

Même si le pays travaille actuellement sur des routes à effet d’induction, le coût kilométrique et la nécessité d’une réfection totale dû réseau ne laissent que peu de chances à cette solution.

L’on pourrait, comme cela a déjà été fait à une certaine époque avec le GPL, adapter les moteurs thermiques à essence pour qu’ils puissent fonctionner avec de l’hydrogène, mais, le mauvais rendement énergétique de ce gaz en ferait une mauvaise idée. Quant à la conversion en voiture électrique équipée d’une pile à combustible, qui devrait être bientôt autorisée, elle ne sera rentable que pour les véhicules lourds

Reste que le prix des voitures à hydrogène, l’absence de station services dédiées, et le coût énergétique de la fabrication et du transport de ce gaz, font que cette solution n’est pas envisageable dans un terme raisonnable.

Plutôt que de céder à un choix idéologique, qui ne saurait au final ne satisfaire que les bobo des grands centres urbains en laissant sur la touche l’immense majorité de la population dont les besoins de mobilité sont tout autres, il serait bon de regarder la vérité en face.

Qu’on le veuille ou non, le moteur thermique possède un rendement inégalé puisque qu’il ne lui faut qu’un gramme d’essence pour 14 grammes d’air. Il offre une autonomie et une rapidité de remplissage a laquelle ne saurait prétendre la voiture électrique. A cela, on pourra répondre qu’il est polluant. Ce serait oublier un peu vite qu’en l’espace d’une vingtaine d’années, au fil des normes antipollution, les émissions de ce dernier ont considérablement baissées au point qu’un diesel récent ne pollue pas plus qu’un véhicule hybride et moins qu’une voiture à essence ! 

En ces temps de réchauffement climatique et d’écologie reine, l’on me permettra de m’étonner qu’aucun discours officiel n’ait abordé le véritable point noir constitué par le transport routier. 

Près de 5 millions de poids lourds traversent chaque année notre pays sans s’y arrêter avec toutes les incidences sur la pollution et la sécurité que cela comporte. Le cadeau du aux exonérations sur la fiscalité du carburant s’élèverait à 900 millions d’euros par an depuis 2015 !

Grand oublié de notre histoire, (en 2016 il  représentait moins de 1 % du transport de marchandises), le ferroutage fut l’objet d’une expérimentation aussi limitée qu’inefficace,  Pour être rentable, il doit être mis en vigueur sur des distances égales ou supérieures à 500 kilomètre, ce qui pourrait également comporter les transports à l’intérieur de l’hexagone.  

Déjà appliqué en Europe cette solution permettrait tout à la fois une forte réduction de la pollution qu’une augmentation de la sécurité routière. L’appliquer n’est qu’une question de moyens et de volonté politique.

La réalité ne s’achète pas à coup de milliards. Vouloir forcer la main à des ménages qui n’auront, pour la plupart, ni l’envie, ni les moyens, d’acquérir un véhicule électrique, montre qu’il ne serait que temps pour nos gouvernants de faire preuve de pragmatisme, sachant que le miroir du pouvoir ne renvoie le plus souvent qu’une réalité déformée par le prisme des idées préconçues. 

 

à propos de l'auteur
Fondatrice du collectif Trans-Europe, première candidate trans a l'élection présidentielle
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