L’économie d’Israël sous Trump

Principal partenaire commercial d’Israël, les États-Unis influencent directement l’orientation de la production et l’argent de l’Israélien, rendant les « taxes Trump » lourdes en conséquence pour l’économie du pays.
Les tarifs douaniers imposés par le président Trump ont pris de court la communauté internationale. En Israël aussi, on a vite mesuré les effets attendus des nouvelles taxes dont le choc sera lourd à supporter pour l’économie.
Source d’inquiétude pour les marchés et les industriels, la hausse des droits de douane remet aussi en cause l’accord de libre-échange États-Unis/Israël signé en 1985 qui exempte de tarifs douaniers l’immense majorité des biens et services échangés entre les deux pays.
Protectorat américain
Selon la nouvelle vision « trumpiste » du monde, l’ordre libéral repose désormais sur l’hypothèse que les pays faibles doivent se soumettre aux forts ; autrement dit, la tentative du gouvernement Netanyahu d’abolir les tarifs douaniers renforcera la soumission d’Israël au protectorat américain.
L’Israélien n’aime pas entendre dire que son économie est largement dépendante des États-Unis, mais il faut se rendre à l’évidence : Israël n’irait pas loin sans son allié américain, et pas seulement pour sa défense, mais aussi pour les échanges de biens et services, placements et investissements, technologie, etc…
- Échanges de biens :
En 2024, Israël a exporté pour 17 milliards de dollars de biens aux États-Unis, soit 28% des exportations totales israéliennes (diamants polis inclus), proportion forte et incomparable à beaucoup d’autres pays.
- Échanges de services :
Israël exporte vers les États-Unis davantage de services (informatiques et bancaires) que de marchandises, environ 20 milliards de dollars par an. C’est donc le tiers des exportations israéliennes totales de services (60 milliards de dollars par an) qui est acheté par des firmes américaines.
- Aide militaire :
Les États-Unis fournissent une assistance militaire de près de 4 milliards de dollars par an à leur allié israélien, sans compter les rallonges exceptionnelles (14 milliards en 2024) ; une aide qui doit être dépensée en totalité aux États-Unis, ce qui favorise les entreprises américaines.
- Placements :
Les fonds israéliens de placement et de retraite investissent plus de la moitié de leurs dépôts aux États-Unis, rendant l’argent de l’Israélien fortement dépendant du billet vert et de la conjoncture américaine.
- Investissements directs :
Les États-Unis occupent la première place des investissements directs étrangers entrants en Israël, et qui sont essentiellement dirigés vers le secteur des technologies de l’information.
Les États-Unis sont donc bien le principal partenaire économique, financier, technologique et militaire d’Israël. Le marché américain est le premier débouché commercial pour les marchandises israéliennes, son principal destinataire d’investissement, son premier fournisseur de devises, etc…
Croissance à la baisse
Trump affirme à qui veut l’entendre que ce sont les États-Unis qui subventionnent le monde, comme Israël qui bénéficie chaque année de plus de 20 milliards de dollars américains ; c’est le montant de l’excédent commercial qu’empoche Israël en vendant aux Américains pour 35 milliards de dollars en biens et services par an (diamants compris), mais en ne leur achetant que pour 15 milliards de dollars.
Sans attendre le relèvement des droits de douane, les dirigeants de l’économie israélienne ont pris rapidement en compte la dégradation prévisible de la conjoncture internationale. C’est ainsi que début avril, la Banque centrale d’Israël a abaissé ses prévisions de croissance pour 2025 : elle estime dorénavant que la croissance du PIB ne dépassera pas 3,5% cette année, contre 4% anticipés jusque-là.
À l’origine de ces prévisions à la baisse : l’hypothèse selon laquelle les « taxes Trump » provoqueront une baisse du commerce international, et donc un ralentissement mondial, qui se répercutera inévitablement sur l’économie israélienne très ouverte et dépendante de l’économie mondiale, sous la forme de récession, inflation, endettement et chômage.
En 77 années d’indépendance, Israël a largement tiré profit de la mondialisation, en s’intégrant pleinement à l’économie mondiale. Une tendance qui a accéléré son développement tout en accroissant les risques d’instabilité et de dépendance.
Revers de la mondialisation
Or, en 2025, Donald Trump voit d’un mauvais œil les relations commerciales que l’État juif entretient avec des concurrents américains. C’est ainsi que la guerre commerciale que se livrent les États-Unis et la Chine aura un impact direct et indirect sur l’économie d’Israël.
En faisant pression pour que ses partenaires commerciaux réduisent leurs relations économiques avec la Chine, Donald Trump va impacter fortement l’économie d’Israël. L’intense coopération bilatérale, qui se traduit par des investissements et achats réciproques ainsi que de vastes échanges technologiques, pourrait en prendre un coup.
Les impératifs commerciaux doivent aussi prendre en compte le fait que le pouvoir d’achat de l’Israélien est plus faible que celui de l’Américain d’environ 30%, ce qui ne permet pas au consommateur israélien d’acheter beaucoup des produits américains, trop chers, même sans droit de douane ; c’est pourquoi l’intention de Trump d’éliminer le déficit commercial américain avec Israël sera difficilement réalisable. Et même s’il y parvenait, ce serait contraire aux intérêts d’Israël.
« Trumpisation » d’Israël
L’économie d’Israël sous Trump se prépare donc à vivre une période agitée, largement tributaire des humeurs changeantes de l’homme le plus puissant du monde.
L’incertitude géopolitique régionale sera amplifiée par un président américain imprévisible qui bouscule l’économie mondiale. Notamment, il modifie la vision d’une coopération internationale qui aurait dû profiter à toutes les parties et éviter les conflits.
Au moment où Israël a besoin de certitudes et de stabilité pour redresser son économie, les années Trump pourraient retarder le retour à la croissance forte et la maîtrise de l’endettement. C’est le prix à payer de la dépendance économique vis-à-vis d’un Oncle Sam, peu désireux de voir Israël échapper à son emprise.
Si une majorité d’Israéliens se disent « trumpistes », c’est-à-dire favorable à l’idéologie néolibérale, nationaliste et conservatrice du président américain, ce ne sont pas eux qui l’ont porté au pouvoir, ni qui l’en démettront, restant prisonniers de ses caprices.
La trumpisation d’Israël n’est pas inéluctable, la mondialisation a encore de beaux jours devant elle, pour le meilleur et pour le pire. Israël le sait, mais sa marge de manœuvre reste limitée…