L’école doit rester un sanctuaire de neutralité, les élèves n’ont pas à connaître les opinions politiques des enseignants

Illustration. Drapeaux flottant au fronton du Lycée Voltaire à Paris, en 2013. (Crédit : Capture d'écran Youtube ; utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)
Illustration. Drapeaux flottant au fronton du Lycée Voltaire à Paris, en 2013. (Crédit : Capture d'écran Youtube ; utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)

Nos enfants ne sont pas des cibles idéologiques – L’école doit rester un sanctuaire de neutralité.

La scène se déroule il y a peu de temps dans une école élémentaire publique de la proche banlieue parisienne : Une maîtresse demande aux enfants de dessiner une ville de leur choix. La petite Julie[1] dessine la ville de Jérusalem. L’un de ses camarades lui demande où se trouve cette ville. « C’est en Israël » lui répond-elle tout naturellement. L’institutrice intervient alors : « Non, ça c’est ce que vous croyez, en fait c’est en Palestine ».

Une dérive inquiétante dans nos écoles

L’antisémitisme s’installe profondément dans nos écoles.

Cela s’est confirmé après l’étude lancée par le Crif, en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès et l’IFOP, « L’École de la République à l’épreuve de la montée de l’antisémitisme ». Cette étude est construite autour de différents matériaux, dont une série d’entretiens avec de jeunes écoliers juifs, âgés de 8 à 15 ans, et scolarisés dans des écoles publiques ou dans des écoles privées non juives.

Les témoignages sont édifiants et nous poussent à nous poser la question de la responsabilité de certains enseignants eux-mêmes dans cette poussée de l’antisémitisme.

Un nouveau tabou que nous avons le devoir de dénoncer

En tant que femmes, mères, citoyennes engagées, il nous est impossible de rester dans le silence.

Trop de signaux nous alertent, trop de dérives s’installent. Ce que nous voyons, ce que nous entendons dans les écoles de la République ne peut plus être ignoré.

Au nom de nos enfants, de leur avenir et du respect des principes qui fondent notre société, nous, membres de Women United for Peace, prenons la parole.

Il est de notre devoir de dénoncer ce qui se joue derrière les murs de certaines salles de classe, et d’exiger une réponse ferme et claire de l’État.

Nous souhaitons alerter sur un sujet grave qui gagne du terrain au sein même de nos écoles de la République, dès le primaire, et de manière encore plus marquée à partir du collège.

Des propos idéologiques hors programme

De plus en plus d’enseignants – plus particulièrement en histoire, en anglais, et plus tard au lycée en sciences économiques – sortent du cadre éducatif pour orienter politiquement leurs élèves. Certains n’hésitent pas à donner des consignes de vote pour le futur. D’autres, dans un détournement manifeste du programme scolaire, tiennent des propos très radicaux sur Israël ou les États-Unis : accusations de génocide, prises de position idéologiques, discours manichéens.

Ces interventions, souvent déconnectées des contenus pédagogiques, sont présentées comme des vérités absolues à des élèves encore en construction.

Un phénomène en forte progression

Ce phénomène, déjà préoccupant, s’est considérablement amplifié ces dernières semaines. L’OJE (Organisation juive mondiale) est informée et alerte depuis longtemps sur ces dérives.

Et malheureusement, les exemples ne manquent pas.

L’exemple de ce lycée de l’ouest parisien, avec une professeure de langue qui a pris l’habitude de donner des exercices sur ce qu’il semble être son sujet favori : Gaza. Dernier exercice en date, l’étude d’une œuvre d’un artiste ouvertement pro palestinien. Pourquoi pas… mais avec de nombreuses incohérences par rapport à la réalité du terrain, parlant de territoires occupés là où il n’y en n’a pas, de mur de séparation décrit au mauvais endroit, autant de propos montrant une méconnaissance du sujet par cette professeure. Ce qui ne l’empêche pas d’en parler tout le long de l’année à ses élèves. Et lorsqu’une maman d’élève lui demande des comptes, elle prononce le discours tout prêt de l’extrême gauche, lui-même tout droit sorti de celui du Hamas !

Autre exemple, toujours dans un lycée parisien. Un nouveau professeur vient en remplacement d’une collègue. Les parents voulant se renseigner sur lui ont eu la mauvaise surprise de tomber sur ses réseaux sociaux remplis de propagande de la LFI et du Hamas. Mais le pire sont ces signes distinctifs de lutte pro-palestinienne qu’il porte sur lui en classe ! Les parents d’élèves sont inquiets, mais ne le diront pas. Pour ne pas mettre leurs enfants en danger.

Et nous pourrions en évoquer des dizaines comme cela.

  • Des enfants du primaire revenus en pleurs d’un cours d’histoire où on leur a affirmé que certaines démocraties « mentent au monde entier » et « oppriment des peuples sans raison ».
  • Des enseignants qui, en classe, tiennent des propos à charge uniquement contre Israël ou les États-Unis, sans aucun contrepoint, ni mise en contexte historique.
  • Des élèves qui reçoivent des punitions ou des remarques cinglantes pour avoir exprimé une opinion différente.
  • Des travaux notés favorablement uniquement lorsqu’ils vont dans le sens d’une idéologie précise.
  • Des professeurs qui relaient sur leurs réseaux sociaux personnels des messages ouvertement politiques, parfois même ambigus vis-à-vis du terrorisme, visibles par leurs élèves.

Une frontière à rétablir

Une limite claire doit être établie entre les convictions personnelles des enseignants – qu’ils soient dans le public ou dans le privé – et les prises de position qu’ils expriment en classe ou sur les réseaux sociaux. Certaines publications ou propos frôlent parfois l’apologie du terrorisme, ce qui est d’une gravité extrême. Il est impératif que l’Éducation nationale donne des instructions claires sur ce sujet crucial, afin de protéger les élèves et de garantir la neutralité de l’école républicaine.

Le silence des familles

Face à cela, les familles hésitent à parler.

Les parents ont peur de dénoncer ces situations, redoutant que cela retombe sur leurs enfants : mauvaises notes, remarques dans les bulletins, pressions… En classe de 3ème, au moment du Brevet, puis au lycée avec Parcoursup, ces craintes sont d’autant plus fortes. L’angoisse d’un préjudice sur le parcours scolaire pousse beaucoup de familles au silence.

Une alerte lancée et un appel à l’État

Nous avons interpellé à nouveau sur ce sujet Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations.

Elle est totalement à notre écoute et très réceptive sur ce sujet. Nous attendons désormais ses actes.

Cette dérive de l’enseignement n’est évidemment pas totale. Beaucoup d’enseignants respectent heureusement une neutralité qui devrait être la règle.

Ce silence forcé est insupportable. Nous devons le briser. Et ce message s’adresse également, directement, à l’Éducation nationale.

Il est temps d’agir : une circulaire claire, des consignes précises – parfois même évidentes – doivent être formulées et diffusées dans tous les établissements scolaires.

Le respect du cadre républicain, de la neutralité de l’école et de la liberté de conscience de nos enfants en dépend.

Il faut aujourd’hui une action politique courageuse.

Cela implique aussi des ajustements dans les directives officielles et dans les programmes scolaires, afin de garantir un cadre véritablement neutre, républicain et protecteur pour tous les élèves.

[1] Le prénom a été modifié.

[2] Rapport : L’École de la République à l’épreuve de la montée de l’antisémitisme

Tribune publiée par Women United for Peace sur  Valeurs Actuelles le 17/04/25. Avec l’aimable autorisation des auteurs.

à propos de l'auteur
Sandra Ifrah est une militante engagée pour la paix, porte-parole du collectif Women United for Peace et ambassadrice de l’association France-Israël, où elle œuvre au rapprochement des sociétés civiles. Très active en France, elle se mobilise particulièrement sur les questions de l’antisémitisme, du sort des otages et de l’image d’Israël. Elle écrit également de nombreuses tribunes et articles pour sensibiliser et faire entendre ces enjeux.
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