Le silence autour de Boualem Sansal, conséquence du masochisme français
Je viens soutenir ici que les grands silences et les petites lâchetés autour de Boualem Sansal sont les conséquences perverses du masochisme français. Tout d’abord, quelques remarques parajudiciaires : Boualem Sansal n’est pas détenu mais otage du régime algérien depuis à présent plus de six mois. Il s’agit d’un écrivain français innocent, victime de sa plume à succès, de ses idées et d’un amour de la France qui n’exclut en rien sa passion pour son pays algérien. Il n’aurait pas été capturé si tel n’était pas le cas. Il n’a pas droit à l’avocat de son choix car celui-ci a le défaut incurable d’être juif.
Nous ne sommes pas parmi les plus mal placés pour énoncer qu’il n’y a pas de justice algérienne. Il n’y a qu’une dictature. Mercredi dernier, la justice française n’a pu que débouter la demande d’Alger de voir extradé notre client et ami Aksel Bellabaci, haut responsable du MAK, principal mouvement indépendantiste kabyle. Le débouté prononcé par la chambre d’accusation a été sec, tant la demande était basée sur du vent et des mensonges déments. Au-delà de la justice, l’indifférence médiatique pour le sort fait au peuple kabyle est l’un des signes qui motive notre réflexion psycho-politique.
Le signe le plus récent et le plus choquant de cette indifférence, c’est le silence. Silence impérieux et impérial. Le président de la République a parlé mercredi pendant trois heures. Il n’a pas prononcé le nom de Boualem Sansal. Et ce silence n’est pas que politique. Il est éloquent au plan psychologique. Emmanuel Macron est un enfant du siècle. Il a grandi sous l’empire de la culpabilité occidentale qui doit expier ses crimes. C’est elle qui impose la repentance masochiste de ce peuple blanc qui n’est pas innocent. C’est le candidat Macron qui en 2017 s’est repenti en Algérie de crimes contre l’humanité commis par son pays. C’est le président Macron qui, en 2021, confie à l’historien Benjamin Stora, réputé pour sa lecture unilatérale des responsabilités françaises, de rédiger un rapport sur les relations franco-algériennes. Celui-ci ne fit pas de mal aux masochistes. Ni de bien aux tenants du rééquilibrage respectueux des responsabilités respectives, de la torture par les militaires français au massacre d’Oran de Chrétiens et de Juifs en 1962, une fois l’indépendance obtenue.
Sur le plan médiatique, le même masochisme français sévit cruellement. L’audiovisuel public se distingue sans surprise. Le nom de Sansal est prononcé très rarement. Le Monde est au diapason. L’interview de Kamel Daoud dans Le Figaro du 12 mai par Alexandre Devecchio est tristement emblématique. L’on y voit le traitement réservé médiatiquement à ce dernier – ami de Sansal – à la suite de poursuites diligentées à son encontre par le régime d’Alger. Ces poursuites laissent la presse gauchisante de marbre, en revanche l’action judiciaire entreprise contre lui par une particulière qui se plaint de se reconnaître dans l’œuvre de fiction où elle n’est pas nommée est traitée avec compassion et grand renfort de publicité.
Mais l’émission de télévision la plus emblématique pour montrer le masochisme idéologique, fut, sans conteste, celle diffusée le 24 novembre dernier par la Cinq de service public, peu après la capture de Boualem Sansal. L’on y vit un Boualem faiblement défendu mais un Sansal traîné dans la boue sans qu’il pût évidemment se défendre et sans même que le présentateur ne songe à modérer les méchantes ardeurs.
Un autre exemple frappant de ce masochisme occidental – et pour le dire plus crûment anti-blanc – nous est apporté par la loi Taubira de 2001. Elle reconnaît la traite transatlantique comme un crime contre l’humanité mais omet délibérément la traite barbaresque ou arabique qui a pourtant rendu esclaves plus d’un million de Français. Interrogée par L’Express, sa conceptrice expliqua sans gêne qu’il ne fallait pas « blesser les jeunes Arabes des banlieues ». Autrement dit, les jeunes français de plus ancienne origine étaient implicitement jugés eux capables d’encaisser cette blessure mémorielle.
Ce déséquilibre symbolique reflète une hiérarchie implicite des souffrances, où la France politique, dans le silence complice médiatique, s’autocensure par complexe, tandis que l’Algérie et ses soutiens en profitent symétriquement sadiquement. Car à tout masochisme son sadisme et il est logique que le régime algérien croit devoir se grandir de l’abaissement de son ancienne puissance coloniale. Il y trouve sans doute son comptant d’excuses à toutes ses impérities économiques et politiques. Mais c’est rendre au jeune pays d’Algérie le pire des services de continuer à le faire vivre dans un ressentiment obsessionnel fondé sur la culture de l’excuse démobilisatrice. Ce qui est bien moins logique, c’est quand les soutiens français d’extrême gauche de la dictature algérienne se complaisent eux-mêmes dans l’abaissement pathologique de leur pays. L’explication est simple et tient du wokisme avant la lettre : les plus grands promoteurs du racisme anti-blanc ont toujours été blancs. Définition même du masochisme autoflagellateur.
Qui s’emparera du fouet que tient encore cette main gauche qui nous fait tant de mal sans faire du bien à l’Autre ?
Article paru sur Le Figaro le 22/05/25. Avec l’aimable autorisation de l’auteur.