Le sens de cette merveilleuse coutume sépharade marocaine de soulever le plateau du séder le soir de Pessah

Le plateau du seder de Pessah qui contient les aliments symboliques de cette fête juive ; en partant du haut au centre : du raifort, un os, un mélange de fruits , du vin et un mélange de noix appelé harosset, de la laitue, du persil et un oeuf, 8 mars 2007. (Crédit : AP Photo/Dan Goodman)
Le plateau du seder de Pessah qui contient les aliments symboliques de cette fête juive ; en partant du haut au centre : du raifort, un os, un mélange de fruits , du vin et un mélange de noix appelé harosset, de la laitue, du persil et un oeuf, 8 mars 2007. (Crédit : AP Photo/Dan Goodman)

Bibhilou yatsanou mimitrayim : Le sens de cette merveilleuse coutume sépharade marocaine de soulever le plateau du séder le soir de Pessah et le tournoyer au-dessus des têtes des convives.

Il existe, notamment chez les juifs marocains et tunisiens, la coutume de soulever le plateau du séder et de le passer au-dessus de la tête des convives. C’est d’ailleurs un des temps fort de la Haggadah en même temps qu’un moment important de réjouissance, ou tous ensemble, les personnes présentes entonnent et chantent à l’unisson, ce merveilleux passage Bibhilou yatsanou mimitrayim… ha lahmania bene horim :  Nous sommes sortis précipitamment d’Égypte, voici le pain de pauvreté, hommes libres…

Certains le répètent à trois reprises sur des airs variés mais toujours empreints d’allégresse et de bonne humeur. Ces paroles, nous dit le Rav Shimon Baroukh de Jérusalem, sont en réalité les premiers mots par lesquels le Rambam entame sa Haggadah. Ils signifient : nous sommes sortis d’Egypte précipitamment.

Les juifs d’origine de Tunisie et d’Algérie récitent un autre passage  Etmol hayinou avadim… hayom bene horim…  :  Hier nous étions esclaves, aujourd’hui nous sommes libres etc… L’une des raisons de cet usage serait que le plateau rappelle le Amoud Heanan : les nuées de Gloire qui planaient au-dessus des enfants d’Israël dès la sortie d’Egypte et qui leur donnait de l’ombre dans le désert, les protégeant d’un soleil dardant.

Le Rav Schmuel Mellul de Montréal, lui rapporte que ce rituel fait allusion à l’événement du Har Sinaï au cours duquel Hachem a soulevé la montagne et l’a suspendue au-dessus des têtes des Bné Israël. Le plateau représente également les dix commandements qui nous ont été transmis au Mont Sinaï : le plateau contient trois matsot, un zéro, un œuf, un harosset, un karpass, deux maror et le plateau lui-même, soient dix éléments.

La sortie d’Egypte avait précisément pour but de recevoir la Torah. Le célèbre Rav Haim Falaji (1788-1868) d’Izmir en Turquie rapporte quant à lui que le plateau du séder fait allusion aux dix sphères célestes. On le fait donc tournoyer au-dessus de la tête des convives afin qu’ils s’imprègnent de la Kedoucha et de la bénédiction des mondes supérieurs. Ainsi par le mérite de ce rituel Hachem nous préservera et nous écartera de tout mal, et nous accordera toutes sortes de bénédictions durant cette soirée privilégiée durant laquelle tous les participants s’efforcent de réclamer des bénédictions, car c’est le moment propice pour le faire.

C’est la fameuse nuit de la protection. Cette coutume a également été rapportée par le Hidah, Rav Haim Joseph David Azoulay (1724-1806) Jérusalem-Italie. Lors de son passage en Tunisie, le Hida alors qu’il célébrait Pessah et se trouvait à la table du Caïd de Tunis Rabbi Yechoua Tanouji a relaté cette coutume. En réalité l’origine de cette coutume se retrouve dans les écrits de l’un des Gueonim datant de plus de 1000 ans, tel que rapporté par le Ale Hadass.

Enfin, autre explication du Hazon Ovadia, les versets 6-7 du psaum 26 : « Je me lave les mains en état de pureté » : le mot  mizbaheha  est l’acrostiche de tous les éléments qui composent le plat du séder : le Mem pour : matsa et maror; le Zain : zeroa; le beth : betsa, le Het : haroset et le Khaf : le karpass.

Enfin autre coutume nord-africaine : on a l’habitude de dire quelques mots en judéo-arabe au moment de Yahats, coutume kabalistique de casser la matsa de façon à former le Vav et le Dalet : les marocains chantonnent : « Hagda kasm allah lebhar ala tnass eltrek. Hine kherjo shdoudna Israel mine Matsar… ala yad sidna ounbina Mossa ben Amram… Ala slam ourda… Hine fakhoum ougourthoum mine le khedma el siyba elmoria Hagdak ifeknah mine had el galout Lemaane chemo hagadol vehanora… » : Par Moshe fils d’Amram qu’il repose en paix, de la même façon qu’il les a délivrés de la servitude, de même Hachem nous libérera de cet exil en faveur de son grand nom redoutable…

Les juifs d’origine tunisienne récitent un verset similaire relatant la traversée de la mer rouge. Cette coutume est rapportée dans les livres des sages de Kairouan comme le rapporte le Rav David Setbon dans Ale Hadass.

Hag Kacher Vesameah

à propos de l'auteur
- Licence en science politique,option relations internationales de l'Université de Montréal. - Journaliste à Radio Canada ( 15 ans) - Bureau de consultant avec avocat pour l'immigration au Canada Implication et intérêt soutenu dans tout ce qui relève du monde juif et des relations entre chrétiens et juifs et entre arabes et juifs.
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