Le retour d’Israël sur sa terre, reprise du cours de son Histoire ?

Une pilote de l’armée de l’air israélienne se dirigeant vers un avion de chasse F-16 avant de décoller pour frapper l’Iran, sur une photo publiée le 22 juin 2025. (Crédit : Armée israélienne)
Une pilote de l’armée de l’air israélienne se dirigeant vers un avion de chasse F-16 avant de décoller pour frapper l’Iran, sur une photo publiée le 22 juin 2025. (Crédit : Armée israélienne)

Parce qu’elles n’ont pas compris le changement qu’opérait la terre d’Israël sur les Juifs qui s’y installaient, les nations ne cessent de se tromper à cet égard.

Albert Londres, grand reporter du début du XXe siècle, a décrit comment le « Juif errant » se métamorphosait en arrivant en Palestine : comment il se redressait, retrouvait force et dignité.

Habitués aux Juifs de leur pays, Juifs de cours, Juifs de communauté, dociles, voire soumis, les nations ont du mal à accepter l’indépendance dont l’État des Juifs fait preuve depuis sa création.

De fait, cette indépendance a précédé sa création, puisque le 14 mai 1948, Israël a proclamé son indépendance malgré l’opposition américaine et le boycott imposé par le secrétaire d’État américain George Marshall.

L’audace de Ben Gourion, l’héroïsme des combattants et l’aide du « Rocher d’Israël » ont permis une victoire qu’aucune Chancellerie ne croyait possible.

En 1967, Israël a déclenché la Guerre des Six Jours en réponse au blocus du détroit de Tiran par l’Égypte et de son Alliance militaire avec la Syrie, la Jordanie et l’Irak.

Le président américain Lyndon B. Johnson exige d’Israël de ne pas tirer le premier coup :

Israël ne sera pas seul, à moins qu’il décide de l’être.

Le général de Gaulle avertit Israël :

Celui qui déclenchera la guerre ne pourra pas compter sur la France.

Et déclare un embargo sur les armes à toutes les parties.

Israël entre en guerre malgré ces mises en garde et c’est la victoire totale de la Guerre des Six Jours !

La Guerre de Kippour est comme une contre-preuve : craignant de perdre le soutien international, Golda Meir et Moshe Dayan choisirent de ne pas procéder à une mobilisation générale malgré les informations des préparatifs guerriers de l’Égypte tout au long du mois de septembre 1973. Les conséquences furent lourdes : les premiers jours de guerre sont catastrophiques et les pertes énormes (2 656 morts israéliens), même si Israël réussit, grâce à pont aérien massif avec les USA, à rétablir la situation.

Le 4 juillet 1976 lors du détournement du vol de Tel-Aviv à Paris vers Entebbe, les ravisseurs exigent la libération de prisonniers palestiniens. Après avoir libéré les passagers non juifs, ils retiennent en otage une centaine de Juifs et d’Israéliens, au terme d’un tri de sinistre mémoire. À nouveau, l’audace d’Israël va s’exprimer : le Premier ministre Yitzhak Rabin ne cèdera pas et Israël mènera seul une opération de sauvetage audacieuse en Ouganda, libérant les otages détenus.

Le bombardement du réacteur Osirak en Irak en juin 1981 est un autre exemple de l’audace israélienne et de l’exercice de sa souveraineté : l’Irak de Saddam Hussein avait construit avec l’aide de la France un réacteur nucléaire près de Bagdad. Menahem Begin, Premier ministre, décide d’agir malgré l’opposition des États-Unis, et de la France qui dénonce une attaque contre une installation civile qu’elle a initiée…

Le 7 juin 1981 : l’aviation israélienne, volant à très basse altitude pour échapper aux radars, largue des bombes de précision sur le dôme du réacteur qui est totalement détruit. Cette opération, réussite tactique totale, a été condamnée par le Conseil de Sécurité de l’ONU. Mais grâce à elle, lors de la guerre du Golfe dix ans plus tard, les Irakiens n’ont pas disposé d’armes nucléaires !

Six ans plus tard, nouvelle démonstration de l’exercice par Israël de sa souveraineté, l’opération Orchard : le bombardement du complexe nucléaire construit avec l’aide de la Corée du Nord dans l’est de la Syrie. Washington, informé, refuse une frappe et demande une solution diplomatique. Israël passe outre et son aviation, brouillant les radars, détruit en quelques minutes le réacteur.

Les actions audacieuses et inédites pour entraver le programme nucléaire iranien n’ont pas cessé :

  • Dès 2007 Israël développa le virus Stuxnet qui sabota discrètement les centrifugeuses nucléaires iraniennes.
  • À partir de 2010, des assassinats ciblés de scientifiques nucléaires iraniens, attribués au Mossad.
  • En 2018 : le Mossad s’empara à Téhéran des archives nucléaires secrètes iraniennes transportées clandestinement en Israël.
  • Parallèlement, Israël mène des centaines de frappes aériennes contre des convois d’armes pour le Hezbollah, des bases iraniennes en Syrie, des dépôts de missiles ou des centres de renseignement.

Mais il faudra attendre le dramatique 7 octobre pour qu’Israël, menant la stratégie d’Horace, affronte successivement les proxys de l’Iran un par un : d’abord le Hamas, puis le Hezbollah et la Syrie, pour enfin attaquer la tête de la pieuvre, l’Iran, pays soixante-quinze fois plus grand[1], et dix fois plus peuplé !

Ces attaques témoignent de l’audace et de l’inventivité de ce petit pays, contraint par ses ennemis à développer des stratégies inédites pour sa survie.

Est-ce un hasard si les dirigeants d’Israël, confrontés à ces situations, ont pris des noms bibliques pour les opérations telles que :

  • עמוד ענן : « colonnes de nuée » qui évoque les nuées protectrices des hébreux sortis d’Égypte, pour désigner les frappes contre le Hamas et le Jihad islamique en 2012 ;
  • עלות השחר : « apparition de l’aube » qui évoque le combat de Jacob avec l’Ange qui lui valut le nom d’Israël, pour désigner l’attaque contre le Jihad islamique en août 2022 ;
  • et enfin עם כלביא יקום : « ce peuple se lève comme un lion », pour nommer la guerre en cours contre l’Iran.

Même si tous ne le réalisent pas, le retour d’Israël sur sa terre semble bien être une reprise du cours de son Histoire, prolongement de l’histoire biblique.

Ce fait a du mal à être compris, voire accepté, par une grande partie des autres nations, qui ne conçoivent l’État d’Israël que comme État refuge.

Ce fait a également du mal à être accepté par une partie du peuple juif qui ne veut voir dans l’État d’Israël qu’un État comme tous les autres.

Pourtant, les guerres incessantes auxquelles Israël est confronté, tout comme le traitement médiatique et onusien qui lui est réservé, impose une réflexion.

Il n’est pas interdit de la mener à la lumière de l’histoire multi-millénaire d’Israël.

[1] Israël a une superficie d’environ 22 000 km2, l’Iran de 1,65 million de km2.

à propos de l'auteur
Marc Levy, consultant, ancien avocat aux barreaux de Paris et Bruxelles. Militant des droits de l’homme, a fondé la commission juridique de la LICRA. Il vit à Jerusalem depuis son alyah il y a une douzaine d’années.
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