Le prix de la laïcité
Lors d’un « Face à Duhamel » sur BFM, (à la 13ème minute), le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, faisait remarquer qu’un hommage national avait été rendu à Samuel Paty et Dominique Bernard, professeurs de l’Éducation National tous deux victimes d’un terrorisme aussi horrible qu’aveugle, mais, qu’au grand jamais, le nom de Jonathan Sandler, lui aussi professeur et victime de Mohammed Merah n’avait été prononcé. Le journaliste lui avait alors fait remarquer que cette décision, qui dépendait du Ministère de l’Éducation Nationale, était sans nul doute dû au fait que ce dernier enseignait dans une école confessionnelle et non dans une école publique.
Si l’on ne peut qu’approuver la remarque de Haïm Korsia du point de vue d’une morale frappée au coin du bon sens qui a fait écrire à André Malraux : « Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie », la notion de laïcité spécifique à l’hexagone et définie par la loi du 9 décembre 1905 justifie une décision qui pourrait paraître choquante à certains. Si, aux États-Unis, le président prête serment sur la Bible, chez nous, c’est devant le Conseil Constitutionnel que ce dernier officialise le résultat de l’élection.
La laïcité permet donc à chacun d’avoir ou non les croyances de son choix tout en faisant des valeurs républicaines la clé de voûte du domaine public. C’est là où se pose la question fondamentale, à savoir que l’on ne saurait confondre foi et religion et que l’agnosticisme exige une force de l’esprit que bien peu d’entre nous possèdent.
C’est ainsi que du temps de la Terreur, qui a succédé à la Révolution Française, est apparu le culte de l’être suprême qui tend à démontrer que même la laïcité ne saurait se satisfaire de l’absence de toute croyance, ce qui a fait dire à Robespierre : « le peuple français reconnaît l’existence de l’Être suprême et de l’immortalité de l’âme ».
L’absence de commémoration de cette victime d’un terrorisme abjecte n’est pas pas tant du fait d’une foi personnelle que de sa fonction d’enseignant au sein d’un lieu d’éducation confessionnel considéré par les autorité compétentes comme étant à l’écart de la neutralité exigé par la laïcité.
Il ne s’agit pas là tant d’un problème de fond que d’une problématique de forme et je me permets de penser que l’attitude du Ministère aurait été la même s’il s’était agi d’une école dispensant les enseignements d’une autre confession.
La laïcité ne saurait constituer la négation du fait religieux, elle le replace simplement dans le contexte d’une appartenance à la personne et non à la société. Cet état de fait n’implique aucunement l’existence d’une frontière imperméable entre les religions et l’État qui sont en dialogue permanent.
Le décès de Jonathan Sandler doit être avant tout pleuré comme celui d’un être humain victime du terrorisme.
Libre à celles et ceux attaché à nos valeur religieuses de le pleurer également en tant que l’enseignant qu’il était.
Libre également au Ministère et aux autorités compétentes de considérer que son chemin professionnel était motivé par ses convictions personnelles et que son enseignement, quelque soit la qualité de ce dernier, n’entrait pas dans le cadre qui définit les professeurs de l’école publique.
Si notre devoir est de ne pas oublier, la lumière des hommages ne saurait en aucun cas atténuer la douleur des proches comme l’a si justement dit Etienne Cardiles dans son discours rendant hommage à son compagnon également victime du terrorisme dans l’exercice de ses fonctions…