Le premier qui dit la vérité…

Le porte-parole de Tsahal, le contre-amiral Daniel Hagari, s'adresse aux médias le 4 décembre 2024. (Capture d'écran vidéo)
Le porte-parole de Tsahal, le contre-amiral Daniel Hagari, s'adresse aux médias le 4 décembre 2024. (Capture d'écran vidéo)

Le regretté Guy Béart chantait il y a déjà bien longtemps : « Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté ».

C’est un peu ce qui arrive au contre-amiral Daniel Hagari, porte-parole de Tsahal. En réponse à la question d’un journaliste, il a dit son opposition résolue à la loi dite Feldstein. Ce texte dispose que les militaires peuvent communiquer au Premier ministre ou au ministre de la Défense des documents classifiés sans autorisation de leurs supérieurs et sans risque d’être poursuivis.

Daniel Hagari a souligné, à juste titre, que cela pourrait conduire n’importe quel soldat à voler des documents susceptibles de mettre en cause la sécurité du pays. La conférence de presse était à peine terminée que le contre-amiral a été l’objet de critiques virulentes.

L’angle d’attaque était toujours le même : il a transgressé l’obligation de réserve qui s’impose à tout officier. Certes, mais c’était un argument bien pratique pour ne pas répondre sur le fond à son argumentation. Et surtout pour ne pas s’interroger sur les motivations de cette loi : faire douter une fois de plus de l’intégrité de la hiérarchie militaire.

Avec cette petite musique, Benjamin Netanyahu entend faire croire que l’establishment militaire ne lui dit pas tout. La belle affaire ! On ne savait pas que le très expérimenté Premier ministre pouvait ainsi être la victime d’une entreprise de désinformation de la part de Tsahal alors qu’il travaille quotidiennement avec l’État-Major, et dispose pour ce faire d’une équipe spécialisée au sein de son cabinet.

La loi Feldstein vient compléter toute une série d’initiatives dont on a déjà parlé ici et qui visent à mettre le Premier ministre à l’abri des critiques sur son comportement avant et pendant le 7 octobre. Sa position, dans la conduite de la guerre et dans les négociations passées relatives à la libération des otages, suscite aussi de nombreuses interrogations.

Sur ces questions comme sur tant d’autres, le Premier ministre adopte une ligne de défense très claire : à lui tout le mérite de ce qui va bien, et aux autres la responsabilité de tout ce qui va mal. Il suffisait d’y penser.

Daniel Hagari n’a pas (encore) été sanctionné car les Israéliens aiment bien ce militaire qui apparaît sur les écrans pour les informer avec professionnalisme et simplicité du déroulement des opérations. Mais au sein de la coalition, nombreux sont ceux qui voudraient lui faire subir le sort réservé aux « traîtres », en le démettant de ses fonctions.

Une exécution purement administrative, mais une exécution quand même. Nul doute que Daniel Hagari le sait. Même s’il n’a jamais écouté la chanson de Guy Béart.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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