Le naufrage de l’élite française
SEMMO-Savoir Ecouter les Maux du Moyen-Orient (4/…)
Le naufrage de l’élite française – Les réfugiés afghans tués dans le silence – La « clairvoyance » de la Révolution culturelle iranienne – Les erreurs de l’Autorité palestinienne et du gouvernement libanais.
Info n°1 : le naufrage de l’élite française
Le 2 novembre 2024, Alain Finkielkraut interrogeait, dans le cadre de son émission radiophonique « Répliques » diffusé sur France-Culture[1], l’historien et titulaire au Collège de France de la chaire d’Histoire contemporaine du monde arabe, le très renommé Professeur Henry Laurens.
Question d’Alain Finkielkraut : un jeune homme qui participe au pogrom [du 7 octobre 2023 en Israël] téléphone à ses parents et leur dit : « j’ai tué dix Juifs de mes propres mains. Regardez sur whatsapp, soyez fiers de moi ! ». Est-ce que ça, ce n’est pas un phénomène inouï, Henry Laurens ?
Réponse du professeur Henry Laurens : c’est un phénomène qu’on rencontre dans toutes les situations de colonisations de peuplement. S’ils avaient été colonisés par les Poldèves ou les Syldaves, la violence aurait été la même.
Malgré sa connaissance très approfondie du monde arabe, sans doute un des plus grands spécialistes en France, le Professeur Laurens n’est pas en mesure de distinguer, dans cet acte et dans sa revendication, la présence d’une simple et classique haine des Juifs. Pour en diminuer l’ampleur et répondre à la question de Finkielkraut, il estime qu’il faut montrer que, finalement, cette cruauté et la fierté qui l’accompagne, ne sont somme toute que très classiques.
Cette réaction de la part d’un membre incontesté de l’élite universitaire française est déconcertante. Que ne trouvons-nous pas de tels comportements inhumains lorsque Gaza était occupée par l’Égypte, ou la Judée-Samarie par la Jordanie entre 1948 et 1967 ? Il s’agissait pourtant bien d’une occupation pure et simple de la terre de Palestine ! Il n’est pas besoin d’être Professeur au Collège de France pour savoir que, si de tels actes ne se produisaient pas, c’est parce que les occupants n’étaient pas Juifs.
D’ailleurs, en 1929, les victimes des massacres de Hébron n’étaient pas puissances occupantes. Ils étaient juste Juifs. Idem pour ceux des pogroms de 1834 et 1838[2].
Les Fellahs, paysans musulmans palestiniens, mécontents des nouveaux droits accordés aux non-Musulmans par Méhémet Ali, se vengèrent sur les Juifs. Pourtant, n’en déplaise au Professeur Laurens, ils n’étaient pas occupants. Ils venaient juste de bénéficier d’une levée quasi-complète de leur statut de dhimmi[3].
Le plus surprenant dans la réponse du détenteur de la chaire du Collège de France, fut son usage de peuples imaginaires. Les membres du Hamas et les Gazaouis qui les ont rejoints pour commettre leurs méfaits le 7 octobre, se seraient, selon le professeur Laurens, comportés exactement de la même manière face à des « Syldaves » ou des « Poldèves ». Pour rester factuel, on aurait apprécié qu’il fasse appel à des peuples qui ont réellement été puissances occupantes dans l’histoire : les Allemands, les Français, les Ottomans, les Perses et même, les Arabes oui. Mais non, cela eut été trop facile à contredire factuellement. Donc, le Professeur Laurens fait appel à des peuples imaginaires. Avec eux, au moins, la contradiction historique n’est pas possible.
Mais qui sont ces peuples imaginaires ?
Les Syldaves, nous sommes très peu nombreux à l’ignorer, sont ce peuple inventé par Hergé dans Tintin. C’est eux qui ont eu l’audace de l’envoyer sur la lune[4]. Quant aux Poldèves, ils ont été inventés par l’Action française de Charles Maurras en 1929 dans le cadre d’un canular politique[5].
Étranges références que le Professeur Laurens a jugé bon de rappeler, pour surtout nier toute notion de haine des Juifs dans le massacre du 7 octobre 2023.
Toujours est-il que, si l’élite française dont le Professeur Laurens fait assurément partie, au moins à ses propres yeux, doit faire appel à Tintin et à l’Action française pour expliquer l’histoire contemporaine, on ne peut que difficilement lui promettre un grand avenir… Et à la société française dans son ensemble, également.
Info n°2 : les réfugiés afghans tués dans le silence
« Une vie vaut une vie », avait cru bon rappeler en substance Emmanuel Macron à peine 17 jours après le massacre du 7 octobre 2023[6]. Face à Mahmoud Abbas, qui n’avait lui-même pas trouvé les mots pour condamner les actions du Hamas, Macron n’avait pas trouvé les mots pour dire que si une vie vaut une vie, une mort ne vaut pas une mort. Tout être doté d’une morale, comprend qu’il y a une différence entre la mort des civils israéliens le 7 octobre 2023, et ceux, inévitables malheureusement, que le Hamas « préserve » comme boucliers humains.
Et qu’en-est-il des morts, par centaines, réfugiés du régime taliban afghan, qui tentent de trouver du travail en Iran ? Les 14 et 15 octobre 2024, les gardes-frontières iraniens ont ouvert le feu de manière indiscriminée, sur des migrants qui venaient d’Afghanistan.
Le nombre de morts varie entre 260 et 500, selon les estimations.
Ce massacre n’a entrainé aucune réaction internationale, aucune condamnation. Même l’UNAMA (organisation de l’ONU missionnée pour procurer de l’assistance en Afghanistan), s’est contenté d’exprimer sa « préoccupation » et de demander une enquête[7].
La seule condamnation fut prononcée par le groupe de résistance anti-Taliban, le Front de Mobilisation Nationale. Taranom Saeedi, militante des droits des femmes afghanes, s’est également insurgé contre cette tuerie :
Nous demandons au gouvernement iranien des réponses quant au fait que, d’un côté, ils défendent les droits du peuple palestinien, mais d’un autre, cela ne les dérange pas de procéder à une tuerie de masse de la jeunesse afghane.
Pour en savoir plus : https ://www.memri.org/reports/afghan-groups-demand-international-action-after-iran-massacres-afghan-migrants-irans-actions – _edn5
Info n°3 : la « clairvoyance » de la Révolution culturelle iranienne
Hassan Rahimour-Azghadi est membre du Conseil Suprême de la Révolution Culturelle iranien. Le 17 octobre 2024, il a déclaré à la télé iranienne, que « les sodomites dirigeaient le monde ».
Pour introduire son propos, il indique que dans le monde du cinéma américain et occidental, les lignes rouges à ne pas franchir sont : Israël et l’homosexualité. Il s’est expliqué comme suit :
Vous pouvez offenser Jésus, Marie, le Prophète [Mahomet], le Coran, la Bible autant que vous voulez. Mais ne critiquez jamais deux choses : Israël et l’homosexualité. La plupart d’entre eux « le » sont [homosexuels]. Savez-vous que 120 à 130 membres du congrès américain sont officiellement membres de l’association homosexuelle ? […] Et les autres l’avoueront un peu plus tard.
La clairvoyance du Conseil Suprême de la Révolution Culturelle iranien est sans limite. Mais cela, nous le savons déjà. Mahmoud Ahmadinejad n’avait-il pas déclaré en 2007, devant un auditoire d’étudiants new-yorkais qu’il n’y avait pas d’homosexuels en Iran[8] ? Pour justifier son propos, il avait ajouté que la société iranienne d’ailleurs, respectait beaucoup les femmes, même plus que les hommes d’ailleurs. C’est sans doute ce que les médecins de l’hôpital psychiatrique dans lequel la jeune et courageuse Ahou Daryaei est internée doivent se voir répéter[9].
En ce qui concerne l’intervention de Ahmadinejad en 2007 à New-York, il est intéressant de noter que celle-ci avait été accueillie par une hilarité irrespectueuse générale. Il n’est pas sûr du tout que cela serait encore le cas en 2024.
Pour en savoir plus : https ://www.memri.org/tv/iran-official-rahimpour-azghadi-sodomites-rule-world
Info n°4 : les erreurs de l’Autorité palestinienne et du gouvernement libanais
Le journaliste libanais Khairallah Khairallah a fait paraître un éditorial dans le quotidien émirati basé à Londres, Al-Arab. Il y critique les positions de l’Autorité palestinienne et du gouvernement libanais. Selon lui, tous deux ont commis l’erreur majeure de considérer que le Hamas pour l’un et le Hezbollah pour l’autre, dans leurs attaques contre Israël, n’avaient pas commis d’actes condamnables. Et d’ailleurs, ni l’un ni l’autre n’ont émis de condamnations officielles à ce jour.
Nous le savons, ce type de discours de la part d’un leader d’opinion libanais, est exceptionnel malheureusement. Et même si des condamnations avaient été émises, on serait en droit de douter de leur sincérité. Mais, il ne faut pas oublier que la communauté internationale occidentale aurait dû faire jouer sa fibre morale, voire moralisatrice, et exiger du Liban d’une part et de l’Autorité palestinienne d’autre part, que ces condamnations soient assorties de remises en cause, sous peine de sanctions. Nous le savons, il n’en a rien été, les guerres que mènent Israël sont, à cause de cela, beaucoup plus meurtrières.
Pour en savoir plus : https://www.memri.org/reports/lebanese-columnist-failure-palestinian-authority-and-lebanese-government-condemn-hamas-and
[1] Écouter à 7 min 10 du début de l’émision : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/repliques/question-juive-et-probleme-arabe-4331230
[3] Le statut de dhimmi, dans le monde musulman, accordait une « protection » aux Juifs en échange, d’un impôt supplémentaire et de nombreuses autres discriminations.
[4] Voir les albums de Tintin : « Objectif lune » et « On a marché sur la lune ».
[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Poldévie
[6] https://www.dailymotion.com/video/x8p2jup
[8] https://www.youtube.com/watch?v=RUE0tukdr4c
[9] https://x.com/alinejadmasih/status/1854179768079421597?s=12