Le mois de Tishri : un renouvellement pour construire le monde qui vient
Cet article est publié pour souhaiter une Réfouah Chéléma (le rétablissement) rapide à Joël ben Messaouda. Qu’il revienne rapidement en bonne santé.
Crise économique, financière, écologique, politique, environnementale, arrivée massive de migrants… L’actualité déverse son flot ininterrompu, véritable défi pour l’entendement de chacun. Et si la compréhension du monde qui nous entoure commençait par notre propre introspection ?
Nous voilà entrés de plain-pied dans le mois de Tishri. Période emplie de gravité, de recueillement, d’introspection mais aussi de joie qui a commencé par Rosh Hashana, se poursuit avec Kippour et Soukkot et se clôt avec Shemini Atseret et Simhat Torah.
Nos Sages ont consacré de nombreux commentaires aux fêtes de Tishri qui mettent notamment en exergue la relation particulière de l’homme à Dieu et insiste, dans la continuité, sur la notion de responsabilité envers son Prochain.
Le commandement divin VéAhavta IreHa KamoHa (Tu aimeras ton prochain comme toi-même) prend tout son sens au mois de Tishri ; ainsi aller au devant de l’Autre suppose de se connaître soi même, de faire un retour sur soi pour se projeter en avant. Voilà ce à quoi Hashem nous invite au mois de Tishri : se confronter à soi même, faire acte de Teshouva (repentir) pour être inscrit dans le Livre de la Vie.
- La Teshouva, au centre de Tishri
Nos Sages nous expliquent que le mois de Tishri est semblable à un jugement. A Rosh Hashana, nous passons devant le tribunal divin. S’en suivent les dix jours redoutables (Yamim Noraïm) jusqu’à Kippour où Hashem rend son jugement. Fidèles à cet enseignement, nous faisons acte de repentance et demandons à Dieu « ZoHenou LeHaïm » (Souviens toi de nous pour la vie). Ainsi, la Teshouva tient une place centrale à Tishri.
Mais quel sens donner à ce mot ? S’agit-il de se repentir ? D’avoir des remords ? Des regrets ? Comment faire ?
D’après Maïmonide dans Mishné Torah (chap.7) l’homme a la liberté à tout instant de se diriger vers le bien en corrigeant ses traits de caractère. Faire acte de Teshouva ne concerne donc pas uniquement les fautes commises. Faire acte de réparation vis-à-vis d’autrui est la moindre des choses.
Mais s’interroger sur les traits de sa personnalité est un élément essentiel dans le sens où l’homme y est attaché et a du mal à s’en défaire. Le Rambam insiste sur l’implication de chacun d’entre nous dans ce processus de libération intérieure. Dans la continuité, la Teshouva est donc une tentative de découvrir la liberté dans le bien.
Mais allons plus loin. Littéralement, Téshouva signifie retour. Au sens strict, il s’agit de revenir à un état antérieur, de se « métamorphoser » intérieurement, de revenir à ce que j’étais avant la faute. Car la première personne lésée, c’est bien soi-même.
Mais revenir à l’état antérieur n’a pas de sens sans la Révélation divine, sans quelque chose qui nous dépasse, qui transcende la condition humaine. Ainsi, faire Teshouva de manière rationnelle n’est pas possible; on ne peut pas revenir sur le passé.
Au niveau métaphysique en revanche, revenir à l’état antérieur, c’est penser qu’on peut renverser le temps.
Se dire que si on ne fait rien, l’avenir est strictement et obligatoirement édicté par son passé.
A l’origine de la Teshouva, il y a donc l’idée de liberté. Elle est la conscience libre de tout homme qui cherche à modifier son futur tel qu’il aurait été s’il n’avait pas agi sur lui même. Rabbi Nahman nous explique qu’à Rosh Hashana, nous prions pour une vie de renouvellement afin de montrer la force de la conviction humaine.
Car un homme n’est homme que s’il sait être radicalement autre, se remettre en question et avancer.
Voilà le message de Tishri : puiser en soi-même la force et la capacité de se renouveler.
- Le mois de Tishri : entre universalisme et particularisme
La Torah a été donnée aux Hébreux au mont Sinaï. Si ses 613 commandements s’adressent au peuple juif, la Torah interpelle et questionne l’Humanité toute entière. Respecter Shabbat par exemple est l’un des dix commandements énoncés au peuple juif.
Pour les autres peuples, Shabbat peut interroger sur la division du travail et sur le repos hebdomadaire. Ainsi le couple particulier/universel est omniprésent dans la Torah et se conjugue aussi tout particulièrement à Tishri.
Rosh Hashana, littéralement la tête de l’année, célèbre le jour de la création de l’Homme. Adam HaRishon (le premier, en hébreu) est lié à la Terre dont il est issu. En tant que premier homme, il est le père de l’Humanité toute entière.
De même, dans la solennité de Yom Kippour, nous retrouvons l’appel au monde. Lors de la prière de Minha (prière de l’après midi), nous lisons la Haftara du prophète Yona. Ce passage raconte l’histoire de Jonas, missionné par Hashem pour aller annoncer la destruction de la ville de Ninive où le mal s’est propagé. Dans cette Haftara, Hashem, par l’intermédiaire de Jonas, s’adresse aux Hommes, pas uniquement au peuple d’Israël.
Enfin, à Soukkot, à l’époque du Temple, on sacrifiait 70 taureaux. 70, un nombre qui rappelle les 70 Nations du monde. Pour certains commentateurs, ce sacrifice d’expiation était offert au nom de l’Humanité.
Le mois de Tishri révèle donc une quête en chacun de nous pour se projeter vers l’Autre, vers l’extérieur. L’homme est investi par Hashem d’une mission : le parachèvement de la Création.
Si Hashem révèle le message, l’homme poursuit l’œuvre initiale et met de l’ordre moral, spirituel. Il participe à l’élaboration du monde et s’inscrit par là dans le projet divin. On retrouve cette quête de l’intériorité et de l’extériorité dans la Parasha Bereshit, la première section de la Torah.
Hashem pose alors deux questions à l’Homme. A Adam, il demande Ayekah (Ou es tu ?). Selon Rashi, la question est plutôt « Ou en es-tu avec toi même ? Ou en es tu de ton introspection ? ».
Plus loin, il s’adresse à Caïn, après le meurtre de son frère Abel et lui demande Ey Hevel AhiHa ? (Ou est ton frère ?). Nos Sages voient en cette question comment dois-je assumer ma responsabilité vis-à-vis de l’Autre.
Voilà donc l’un des grands enseignements du mois de Tishri : éveiller en soi une conscience spirituelle, une action de Teshouva, qui nous conduise à la liberté de manière à nous rendre responsable du monde pour y ajouter de la vie, du bien, de la bénédiction et du bonheur.
Chana Tova véHatimaTova. Que vous soyez toutes et tous inscrits dans le Livre de la Vie.
Ilan Scialom